10ème édition de la Nuit des Témoins, du Mexique à l'Algérie

Pour cette dixième édition de la Nuit des Témoins, la section française de l’œuvre d’entraide catholique l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED) propose du 12 au 19 mars 2018 des témoignages venus du Mexique, de l’Egypte et de l’Algérie.

Les «grands témoins» sont cette année Mgr Ramon Castro Castro, évêque de Cuernavaca, au Mexique, Mgr Kyrillos William Samaan, évêque copte catholique d’Assiout, en Egypte, et le Père Paul-Elie Cheknoun, prêtre originaire de Kabylie, en Algérie, un converti de l’islam.

L’action en six étapes est organisée par la section française de la fondation pontificale AED. Elle a commencé le 12 mars à Montpellier, est passée par Rouen le 14, à La Roche-sur-Yon le 15. Le 16 mars est prévue une messe et une veillée de prière à la cathédrale Notre-Dame de Paris et se poursuivra le dimanche suivant à la cathédrale Notre-Dame, à Luxembourg, pour s’achever le 19 mars à Rome, par une veillée à l’église Saint-Louis des Français.

Honorer les chrétiens persécutés pour leur foi

Depuis ses débuts, affirme Marc Fromager, directeur d’AED France, la Nuit des Témoins a déjà rassemblé plus de 25’000 personnes, venues honorer les chrétiens morts et persécutés en raison de leur foi.

C’est sur le thème «Ils donnent leur vie pour le Christ, venez prier pour eux!» qu’AED a invité, comme chaque année, de grands témoins pour honorer les martyrs de la foi, prêtres, religieuses, religieux et laïcs engagés ayant perdu la vie ces derniers mois par fidélité au Christ. Au cours de cette nouvelle Nuit des Témoins, les personnalités invitées donnent leur témoignage sur la réalité de la situation des chrétiens dans trois pays phares: l’Egypte, le Mexique et l’Algérie.

Celui qui dit la vérité est menacé

Cette année, le public des villes visitées découvrira, avec Mgr Ramon Castro Castro, une réalité souvent ignorée: si le Mexique est le deuxième plus grand pays catholique au monde, il est aussi le plus dangereux d’Amérique latine pour les prêtres. «Dans ce continent, nous sommes le pays avec le plus grand nombre de journalistes et de prêtres assassinés. Au total, 55 prêtres et sœurs ont été tués depuis 1990», assure l’évêque de Cuernavaca, capitale de l’Etat de Morelos, dans le centre sud du Mexique.

«Je dis la vérité, mais quiconque dit la vérité est menacé et accusé d’être un criminel. Celui qui a le courage de parler est persécuté. Je ne fais que mon travail pastoral et défends la dignité humaine, confie-t-il, mais pour les politiciens corrompus et le crime organisé, c’est déjà trop!»

Les chrétiens d’Egypte, cibles prioritaires des islamistes

Mgr Ramon Castro Castro relève que la violence liée aux cartels de la drogue et aux bandes criminelles est devenue le défi le plus important du Mexique: «L’Eglise est l’une des rares institutions à s’opposer au narcotrafic, mais également aux politiciens corrompus». C’est une des raisons pour laquelle il est depuis longtemps dans le collimateur du gouverneur de l’Etat de Morelos, Graco Ramirez.

Mgr Kyrillos William Samaan, évêque copte-catholique d’Assiout, en Haute-Egypte | © Jacques Berset

Mgr Kyrillos William Samaan souligne pour sa part que 80% des chrétiens d’Orient sont égyptiens. Ils sont des cibles prioritaires pour les islamistes, souligne l’AED, malgré l’ostensible soutien que manifeste le président Sissi aux coptes. «Vous êtes notre famille et personne ne nous divisera», a-t-il proclamé à la messe de Noël 2017. L’enjeu, pour lui, est d’éviter le piège tendu par les islamistes, à savoir obtenir une scission entre coptes et musulmans. Mais l’évêque d’Assiout, en Haute-Egypte, affirme que «malgré tout ce que nous subissons de haine, de discrimination et de persécution, nous n’avons pas peur!»

Nettoyer le Proche-Orient de ses chrétiens

Depuis 2011, pas moins de six attentats ont frappé de plein fouet la communauté chrétienne et l’image des 21 coptes égorgés par les terroristes de Daech, en Libye, reste dans les mémoires. Derrière ces attentats se trouve «la volonté des islamistes de nettoyer le Proche-Orient de ses chrétiens en les poussant au départ», déplore Mgr Kyrillos. Les islamistes considèrent l’Egypte comme «une terre d’islam». Et pourtant, rappelle l’évêque, «les chrétiens sont les premiers citoyens de l’Egypte», arrivés dès l’origine du christianisme, des siècles avant l’invasion arabo-musulmane.

Le troisième grand témoin est le Père Paul-Elie Cheknoun, qui relève que l’islamisme des années 90 a transformé le christianisme en Algérie en portion congrue dans un pays à 99% musulman. En 2016, la révision de la Constitution conserve l’interdiction «d’ébranler la foi d’un musulman».  Pourtant, quelques catholiques osent à nouveau évangéliser. Alors qu’il s’appelait encore Ali  Cheknoun, dans les années 1990, choqué par la violence de beaucoup de versets coraniques et du terrorisme islamiste, il prend ses distances avec la religion. A 20 ans, il se définit comme athée.

Un prêtre d’origine kabyle

Le 1er mai 1999 marque un basculement dans sa vie lorsque, invité par son cousin, il entre dans une église évangélique clandestine au cœur d’un village kabyle. «Là, j’ai eu une révélation. Jésus m’a parlé, il m’a dit qu’il m’avait toujours protégé et aimé. Je me suis senti aimé comme jamais», se souvient-il. Converti, Ali est baptisé chez les évangéliques en Kabylie avant de devenir catholique en 2005, après sa rencontre avec un prêtre missionnaire.

S’il a bénéficié du soutien de sa famille – «cette tolérance est une grâce du Seigneur» – il connaît des convertis en Algérie qui ont été chassés de leur maison. Des islamistes le menacent de mort, ainsi que sa famille parce qu’elle a accepté sa conversion au christianisme, à tel point qu’il décide de quitter l’Algérie pour la Belgique en 2006.

«Certains ne supportent même pas la vue d’une croix !»

Installé alors dans la communauté des Béatitudes, il est confirmé catholique en juin 2007 à Thy-le-Château et reçoit le prénom Paul-Elie. En 2010, il intègre sa nouvelle communauté, La Fraternité Missionnaire Jean-Paul II (FMJP2), dont la vocation est l’évangélisation, spécialement des jeunes et des musulmans. Il rentre au séminaire de La Castille, dans le Var. Son père viendra d’Algérie pour lui remettre solennellement ses habits sacerdotaux lors de son ordination le 26 juin 2016 à Fréjus. «L’amour de Jésus-Christ touche toute ma famille», lance-t-il alors. .

A la demande de l’évêque d’Alger, le Père Paul-Elie se rend aussi tous les deux mois sur trois en Algérie, rapporte l’AED. Là-bas, il est l’un des rares à célébrer la messe en kabyle ou en arabe. Il accueille et accompagne avec prudence les convertis: «l’Algérie est le pays de la police secrète… Je ne porte ni croix ni soutane. Tant que tu rases les murs, tu es toléré. Mais certains ne supportent même pas la vue d’une croix !» (cath.ch/aed/be)

 

Mgr Ramon Castro y Castro, évêque de Cuernavaca | © Jacques Berset
15 mars 2018 | 17:29
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 5  min.
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