Fresque de la crucifixion au monastère de Gelati, en Géorgie | © Maurice Page
Homélie

Homélie du Vendredi Saint 18 avril 2025 (Jn 18. 1-19,42)

Abbé Thierry Fouet, Eglise Sainte-Thérèse, Genève

Nous entendons la Passion du Christ, et peut-être la regardons-nous de loin, de très loin… comme si il y avait une partie de nous-même qui se distancie, ou qui refuse Dieu, et toute cette souffrance. Or il y a quelque chose en nous qui crucifie l’Amour. La croix nous montre l’ampleur du drame, celui de refuser l’Amour.

Dieu n’est pas le Dieu de la souffrance et de la mort, c’est aussi un scandale pour lui (éloigne de moi cette coupe…) Jésus n’est pas venu pour souffrir mais pour nous aimer et nous sauver de tous nos refus, de toutes nos croix en nous aimant.

Le drame de l’amour rejeté


Et c’est librement que Jésus s’est donné pour nous, gratuitement. Ce n’est donc pas un sacrifice de réparation, pour calmer la colère d’un Dieu qui aurait exigé la mort de son fils pour sauver l’homme. C’est un drame bien plus grand : l’amour rejeté. Le Père n’a pas dressé la croix sur la route de son Fils, c’est bien l’homme qui l’a fait.
Et c’est bien l’homme qui continue de le faire aujourd’hui. Combien de fois ais-je entendu : « Le pardon ? moi, je n’ai pas tué, je n’ai pas volé… »

Mais lorsque la couleur de nos peaux est une barrière, lorsque nos langues ou nos coutumes deviennent autant d’obstacles entre les hommes, Jésus est crucifié sur le bois de la différence.

Lorsque nos familles se déchirent, lorsque la séparation nous blesse, lorsque la tendresse et l’amour s’effacent, Jésus est crucifié sur le bois du ressentiment.

Lorsque nous rabaissons un collègue ou une connaissance, lorsque nous ne nous respectons pas nous-mêmes, avec nos qualités et nos faiblesses, Jésus est crucifié sur le bois de l’humiliation.

Lorsque notre regard s’arrête aux apparences, lorsque notre cœur refuse la rencontre à cause de préjugés en voyant des gens prier autrement que nous ou avec d’autres mots, Jésus est crucifié sur le bois de l’intolérance.

Lorsque nos mots se font agression plutôt qu’amour, lorsque l’ami oublie ses promesses, lorsque la confiance est trompée, Jésus est crucifié sur le bois de la trahison.

Lorsque nous cachons la vérité afin d’en tirer profit, lorsque nos tromperies provoquent peine et souffrance, Jésus est crucifié sur le bois du mensonge.

Lorsque nous ne voyons que notre intérêt et notre bien-être, fermant nos yeux aux besoins des autres, oubliant jusqu’à leur existence, Jésus est crucifié sur le bois de l’égoïsme.

Lorsque nos paroles blessent l’autre au plus profond de son être, lorsque nous négligeons l’humain dans toute sa fragilité et sa sensibilité, Jésus est crucifié sur le bois de la cruauté.

Lorsque notre vie part à la dérive, que nos espoirs s’effritent, lorsque notre esprit rejette l’aide de Dieu, Jésus est crucifié sur le bois de la détresse.

Lorsque nous nous dérobons devant un appel au secours, lorsque nous fermons nos yeux pour ne pas voir la détresse humaine, lorsque la solidarité fait défaut, Jésus est crucifié sur le bois de la lâcheté. Et bien d’autres exemples encore….

L’amour seul peut nous faire entrevoir la signification de la croix


Or le disciple du Christ qui veut suivre ses traces, afin que l’Amour triomphe, va nécessairement rencontrer la même hostilité, la même haine. 350 millions de chrétiens sont persécutés dans le monde aujourd’hui. Le serviteur n’est pas plus grand que le Maître…
Seul l’Amour peut nous faire entrevoir la signification de la croix. Aimer l’autre en tant qu’autre (Aristote), si j’aime vraiment un ami, un époux, un frère, je vais apprendre à l’aimer tel qu’il est, même avec ses limites.

Alors ce bois de la croix, je le reconnais, Seigneur. C’est le bois dont sont faits mes refus, mes étroitesses, mes manques d’amour. Viens Seigneur, viens prendre le bois de toutes nos croix, n’oublie aucune d’elles, n’oublie aucun de ceux qui souffrent, n’oublie aucune écharde, si petite soit-elle car tu es le Seigneur de la Vie et tu viens nous donner la Vie éternelle pour de vrai.

Jésus, sur la croix tu as dit : « j’ai soif », c’est le cri d’un torturé implorant un peu de pitié. C’est surtout, chez toi, la soif de voir les hommes répondre à ton amour. Tu as soif de mon amour Jésus !
Tu as soif de partager ton Amour avec tous ! donne-nous d’entendre cet appel et d’y répondre. Amen.

Vendredi Saint
Lectures bibliques : Isaïe 52, 13-53, 12; Psaume 30; Hébreux 4, 14-16; 5, 7-9; Jean 18, 1 -19, 42

Fresque de la crucifixion au monastère de Gelati, en Géorgie | © Maurice Page
18 avril 2025 | 15:30
Temps de lecture : env. 3  min.
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