Homélie du 9 mars 2025 (Lc 4, 1-13)
Chanoine Jean-Jacques Martin – Cathédrale Saint-Nicolas, Fribourg
L’homme ne vit pas seulement de pain
Ne laissez pas passer votre chance ! Chaque jour nous apporte son lot de sollicitations publicitaires, d’offres alléchantes, de produits démarqués et d’occasions uniques. Leur but est de nous convaincre que nous avons des besoins que nous étions les seuls à ignorer et qu’ils se proposent à satisfaire, contre monnaie sonnante ou électronique.
Par contre, à propos du carême, c’est le silence radio. C’est presque une quarantaine qui nous est proposé traînant avec elle une réputation faite de cendres, de restrictions de sacrifices et de triste tête d’épouvantail, voire de face de carême !
C’est bien mal connaître ce chemin libérateur qui serpente à travers le désert pour déboucher sur Pâques.
Discerner ce qui est essentiel de l’accessoire
Alors, pourquoi l’Eglise nous invite-t-elle chaque année à vivre le temps du Carême ?
Ne serait-ce pas pour nous permettre de sortir de nos esclavages, de tous les pièges qui se referment sur nous dans nos façons de vivre, de penser, englués dans la routine de nos existences. Nous avons besoin chaque année d’un temps de retraite, d’un passage au désert pour discerner dans nos vies ce qui est essentiel de ce qui est accessoire.
La scène que l’évangéliste Luc nous présente aujourd’hui est à la foi étrange et réconfortante : après son baptême, poussé par l’Esprit, Jésus est parti de l’autre côté du Jourdain, pour un temps de retraite, de cœur à cœur prolongé avec son Père avant de commencer sa mission.
Ce qui est étrange, c’est que c’est justement dans ce contexte qu’il est sujet aux attaques du démon.
Ce qui est réconfortant, c’est qu’il en est sorti victorieux. Et chaque année, nous sommes invités à le suivre pendant 40 jours au désert… ou plutôt, c’est Jésus lui-même qui vient renouveler son combat contre le mal en chacun de nous, dans son Corps qu’est l’Eglise.
Une nourriture plus nourrissante que le pain matériel
Et il y a la première tentation : c’est celle d’un homme qui a faim. Quand on a jeûné 40 jours, le corps est épuisé. Alors le démon en profite pour faire valoir ses arguments : «Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent du pain !» Dans ce que dit Satan, il y a une part de vrai ; Jésus avait le pouvoir d’accomplir ce miracle, mais il aurait été détourné de son sens profond. Alors il se contente de citer l’Ecriture : «Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre.»
Voilà un message important pour nos sociétés de consommation qui en ont fait le but de leur existence ; il y a une nourriture plus nourrissante que le pain matériel : c’est l’accomplissement de la volonté de Dieu.
Non, l’homme ne vit pas seulement de pain, mais après quarante jours de jeûne et de désert il a besoin de la Parole de Dieu, de cette parole pleine de tendresse et d’amour que Jésus nous murmure tous les jours à notre oreille.
Ne l’oublions pas, Jésus – puisqu’il nous murmure tous les jours à notre oreille – Jésus annonce une autre nourriture permettant à l’homme de demeurer libre.
Puissions-nous trouver dans la parole de Dieu la source de notre propre liberté !
Réinventer une relation vraie avec Dieu
Le Carême peut être alors ce temps de confiance retrouvée, ce temps où le jeûne et la prière nous permettront de renouveler notre foi en recherchant l’unique nécessaire
Le jeûne, ce n’est pas seulement un rite pour être en règle avec ce que nous demande l’Eglise ; c’est une prise de distance par rapport au monde matériel qui nous environne et nous conditionne jusqu’à nous faire perdre notre liberté.
Nous vivons au siècle de la communication grâce à Internet et à tous les réseaux sociaux. Mais est-ce que nous communiquons vraiment ?
En ce début de carême avant de nous inviter à jeûner et faire pénitence, la liturgie nous invite à réinventer une relation vraie avec Dieu, à retrouver le sens profond de la prière qui n’est rien d’autre finalement qu’une conversation, avec Dieu à l’image de ce que l’on vit avec ses meilleurs amis.
Dieu n’est pas muet, il ne cesse aujourd’hui encore de nous parler – de nous murmurer – par les Ecritures mais aussi par les multiples signes de notre quotidien.
Le carême veut être un temps fort de retrouvaille avec Dieu, avec soi-même et avec les autres.
Je vous souhaite à toutes et à tous un bon et joyeux temps de carême !
1er Dimanche de Carême
Lectures bibliques : Deutéronome 26, 4-10; Psaume 90; Romains 10, 8-13; Luc 4, 1-13
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