Homélie du 9 février 2025 (Lc 5, 1-11)
Chanoine Maurice Sessou – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice
Pêcheur ou pécheur : la vocation du chrétien
« On est bien peu de chose » : Je ne le dis pas en pensant aux paroles de ce beau chant de Françoise Hardy, mais plutôt en écho à Pierre dans notre péricope évangélique que nous venons d’entendre. « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ». Eh oui ! Voilà ce que déclare le grand Pierre que Jésus a cependant pris le risque d’établir à la tête de son Eglise.
Il en est ainsi de l’aventure vocationnelle de tous, tant au plan spirituel que profane. Qui mérite la place qu’il occupe à la tête des autres ? Parce qu’on est grand théologien ? Parce qu’on a des pouvoirs mystiques ? Parce qu’on a la grande carrure et la rhétorique d’un vrai politicien ? A vrai dire, la miséricorde de Dieu nous choisit et nous confie des fonctions pour servir simplement la masse populaire et organiser au mieux nos sociétés. Servir les autres et non se servir.
«Rien n’est impossible à Dieu»
« Eloigne-toi de moi, Seigneur ». Pêcheur de poisson, je croyais en avoir la compétence : c’est mon métier. Hélas non ! Et pourquoi me confier la lourde mission de pêcher des hommes ? Dans la logique humaine, «Qui peut le moins, peut le plus» parce que l’homme est performant. La logique de Dieu est bien aux antipodes de nos considérations : je ne peux même pas le moins et il me confie le plus. Il faut être toi, Dieu, pour s’associer à celui qui ne peut rien, afin qu’il réalise beaucoup : « Car rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1,37).
Oh ! Insondable folie d’amour de Dieu qui se moque de nos sagesses humaines et de nos prétentions en savoir-faire. Apprenons humblement de Dieu que ce n’est ni la capacité, ni la performance, ni le savoir ou quelque degré de connaissance ou de diplôme qui fassent son « affaire ». En tout cas, si c’en était ainsi : Pierre serait exclu de la fonction ecclésiastique ; ne parlons pas de l’emblématique avorton qu’est un Paul, et tant d’autres serviteurs de Dieu qui ne le sont devenus que par sa seule grâce et rien par mérite. Qui ne sait pas que Paul menait une vie de criminel et de persécuteur farouche jusqu’à ce jour où il a dû courber l’échine en tombant de son cheval, en bute à cette lumière mystérieuse : « Jésus, celui que tu persécutes » (Act 9,5).
Oui, « Nous ne sommes que peu de chose », des incapables que Dieu rend capables pour son saint service, et pourquoi ? Parce que « Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs » (Lc 5,32). Il est la gloire des justifiés par la puissance de l’Esprit Saint (Rm 8,30) : ad majorem Dei gloriam. Saint Paul nous éclaire ce mystère du choix de Dieu : « Ce qu’il y a de fou, de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages et ce qui est fort ; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est ; ainsi aucun être de chair ne pourra s’enorgueillir devant Dieu » (1Co 1,27-29). Et dans cette seule logique : « lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2Co 12,10).
Dieu seul purifie son Eglise
Malheureusement, nous avons toujours cru que ces serviteurs sont des ministres au sens mondain voir politique du terme : cardinal, monseigneur, archevêque, archidiacres, éminence, vicaire général… Toutes ces désignations ne sont pas à percevoir dans le langage du siècle, du monde. C’est selon l’étymologie de ministre : minus, petit. Un ministre dans l’Eglise est un « esclave » du Christ Jésus, et bien pire : un huper doulos, un bien moins qu’un esclave selon Philémon 16.
Dommage que certains ont pensé que ce sont des saints qui doivent diriger nos paroisses et nos diocèses, d’après des critères d’idonéité humaine, des lois et des organisations qui ne font que polluer notre église, renforcer ses structures, et la distraire de sa noble vocation d’instrument de salut. D’autres pour se faire un nom, pour se voir attribuer des médailles revendiquent le prestige et l’honneur d’être plus que simplement consacrés ou des nettoyeurs de l’Eglise, pour ne pas dire des écuries d’Augias. Ceux-là n’ont rien compris du fonctionnement de l’Eglise. C’est Dieu seul qui purifie toujours son Eglise, la sanctifie, la présentant toujours belle.
Demandons à Dieu de ne pas considérer l’indignité de ses prêtres et de ses serviteurs pour fermer sa source inépuisable de salut et de consolation à son peuple, mais qu’il soit éternellement : Celui qui accomplit tout en eux pour le bien de tous. Isaïe, pourtant prophète, lui qui sert Dieu au Temple et qui a même été gratifié d’une vision où il se tient en présence de Dieu, Isaïe s’écrie : « Seigneur, je suis un homme aux lèvres impures ». Oui, impur Seigneur pour proclamer ta parole, impur pour célébrer tes saints mystères. Cependant, tu n’as pas eu honte de mon impureté, tu n’as pas détourné de moi ton regard. Ta main s’est abattue sur moi. Et je dis comme Jérémie : « Seigneur, tu m’as séduit et je me suis laissé séduire (Jr 20,7). Tu t’es montré le plus fort. « Seigneur éternel est ton amour, n’arrête pas l’œuvre de tes mains » (Ps 137,8). Amen !
5e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Isaïe 6, 1-8; Psaume 137; 1 Corinthiens 15, 1-11; Luc 5, 1-11
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