Jésus et la femme adultère. Lucas Cranach le Jeunes. Huile sur toile, 1549. | Wikimedia Commons
Homélie

Homélie du 6 avril 2025 (Jn 8, 1-11)

Chanoine Jean-Jacques Martin – Cathédrale Saint-Nicolas, Fribourg

Pèlerins d’espérance : comment travailler à un monde nouveau ?

Dimanche dernier nous méditions sur la «parabole de la miséricorde, le Père qui aime du même amour ses deux fils ».
Aujourd’hui, nous voici confrontés à un événement très médiatique, où s’opposent la rigueur aveugle et intransigeante de la loi à l’indulgence du cœur.

Un conflit de tous les temps, où des personnes ont des principes pour faire régner l’ordre, la justice et surtout la clarté des mœurs.
Par contre, il existe aussi des personnes qui osent dénoncer les condamnations hâtives et qui prônent au contraire l’indulgence, la patience envers celles et ceux qui se sentent coupables et fautifs leur permettant ainsi la confiance dans leurs possibilités de changement et de conversion. Bref, une loi qui libère plutôt qu’une loi qui tue.

On le dit souvent : la peur est toujours mauvaise conseillère. Des hommes et des femmes prônant des règles et des normes rigides en appellent à l’extrême rigueur et aux solutions radicales pour éviter tout laxisme.

La loi, c’est la loi. Et malheur à ceux qui oseraient risquer ou remettre en cause des règles établies et des traditions longuement éprouvées !
C’est exactement ce que certains pharisiens, scribes et grands-prêtres reprochent à Jésus. Pour eux la loi, c’est la loi et elle doit être respectée. Finalement : il suffit d’obéir !

Faut-il anéantir le coupable ?

Mais si le péché doit être dénoncé, faut-il pour autant anéantir le coupable jusqu’à le détruire moralement, mais aussi physiquement ?

Cette question est toujours d’actualité : Que dis-tu de tous ceux qui s’enrichissent sur le dos des plus pauvres ? Que dis-tu de tous ceux qui ne connaissent que le langage de la violence ? Que dis-tu de ceux qui s’attaquent aux plus faibles ? La liste pourrait s’allonger…
Nous aurions tendance à penser comme les scribes et les pharisiens : ils méritent d’être punis très sévèrement.

Mais ce qui est important aujourd’hui, ce n’est pas de nous arrêter à ce que nous estimons juste mais de voir ce qu’en dit la Parole de Dieu et de nous laisser interpeller par elle.

Nous avons tous – il faut bien le reconnaître – souvent bien du mal à avoir ce regard de Dieu sur ceux qui nous entourent. Nous avons trop souvent tendance à dire du mal des autres, à les critiquer.
Aujourd’hui, Jésus voudrait nous faire comprendre que cette attitude c’est du poison et du venin. Elle envenime le climat fraternel qu’il devrait y avoir entre nous.

Si nous allons jusqu’au bout de cet évangile, nous découvrons de la part de Jésus une réponse imprévue et étonnante :
Vous l’aurez remarqué : elle ne vise pas la coupable mais ceux qui veulent condamner la femme au nom de la loi. Ils sont tous renvoyés à eux-mêmes : «Celui qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre.» Alors, nous dit l’évangile, ils se retirent tous en commençant par les plus âgés.

Soyons des mendiants de la miséricorde et de l’amour de Dieu

Chers amis, à la suite de Jésus, soyons véritablement des mendiants de la miséricorde et de l’amour de Dieu.

Dans la période difficile que nous vivons pour notre monde, nous sommes appelés à témoigner de notre espérance, à travailler ensemble, comme peuple de Dieu, avec tous les hommes de bonne volonté et bien entendu chacun personnellement.
Travailler ensemble pour un monde nouveau : qu’est-ce que cela veut dire ? C’est nous engager toujours plus avec celles et ceux qui souffrent de quelque manière que ce soit.
Quand il y a danger dans une partie du monde, la solidarité s’organise magnifiquement par des dons généreux.
Oui, nous sommes invités à bâtir un monde nouveau où les liens de la générosité, de la solidarité abattent les murs de la haine, de la guerre, de la famine, des migrations forcées, des épidémies.

Mais travailler à un monde nouveau doit aussi se vivre dans notre quotidien, dans nos relations avec les autres, d’une manière personnelle. Et ce n’est pas facile tous les jours !
Il faut bien le reconnaître : ne sommes-nous pas aussi parfois armés de pierres et de mépris pour celui qui est sorti de prison et qui avait pourtant tué quelqu’un, pour cet alcoolique qui battait sa femme et faisait peur à ses enfants. Et parfois aussi nous ne leur donnons pas la chance de se racheter, se ressaisir, de changer et de reconstruire un nouvel avenir.
Jésus va cependant les contraindre son auditoire, va nous contraindre, à rentrer en eux-mêmes, en nous-mêmes, un peu comme l’avait fait l’enfant prodigue, dont l’Evangile nous parlait dimanche dernier.
Jésus va nous obliger à constater que nous ne sommes pas aussi purs que nous en avons l’air. « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre » … et chacun s’en retourne chez lui un peu moins fier !
Si cette femme a pu être sauvée, c’est grâce finalement à ceux-là qui ont eu la franchise de rentrer en eux-mêmes et de regarder leur passé peu glorieux. Sans ce retournement Jésus n’aurait rien pu faire pour que cette femme ne soit pas lapidée. En quelque sorte nous pouvons dire que les accusateurs sont aussi sauvés.

Remplace ton cœur de pierre par un cœur de chair

A la suite de Jésus, soyons véritablement des mendiants de la miséricorde et de l’amour de Dieu. Le nouvel avenir qui s’ouvre pour la femme adultère «Va, et désormais, ne pèche plus» s’ouvre aussi à nous : Va, et désormais, remplace ton cœur de pierre par un cœur de chair à l’image du cœur de Dieu que Jésus t’a révélé.
Seule, la voix d’amour peut faire reculer le péché en nous et autour de nous.

Travailler à un monde nouveau parce que tournés résolument vers l’avenir. « Voici que je fais tout chose nouvelle » nous a dit Isaïe. Alors avançons ensemble pour bâtir un monde nouveau, une communauté chrétienne plus fraternelle, rayonnante de la joie de l’évangile. A nous, toujours à la suite d’Isaïe, en ce temps de carême de se dire : « je fais toute chose nouvelle : elle germe déjà ne la voyez-vous pas ? » AMEN !

5e dimanche de Carême
Lectures bibliques : Isaïe 43, 16-21 ; Psaume 125 ; Philippiens 3, 8-14 ; Jean 8, 1-11

Jésus et la femme adultère. Lucas Cranach le Jeunes. Huile sur toile, 1549. | Wikimedia Commons
6 avril 2025 | 09:35
Temps de lecture : env. 4  min.
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