Homélie du 23 décembre 2018 (Lc 1, 39-45)
Didier Berret, diacre – Église St-Jean-Baptiste, Montfaucon
En français, pour parler des enfants, des petits-enfants, des arrières petits-enfants, et de tous ceux qui suivent, on utilise vraiment un terme étrange : on parle de descendants ! Avouez que ça ne suggère pas franchement une notion de progrès ! Comment garder sereinement l’espoir que l’humanité s’améliore quand, dans le langage, les générations qui viennent ne cessent de descendre ?! Dans beaucoup d’autres langues, on ne parle pas comme ça : beaucoup d’autres langues ont créé un mot à partir de l’idée de « venir après », d’être « né de », d’être « issus de », de « sortir de » – c’est le mot hébreu qu’utilise le prophète Michée – « de toi sortira celui qui doit gouverner Israël » On voit presque une plante pousser quand écoute cette phrase…
Nous, nous disons « les descendants »… on pourrait bien imaginer un sketch à la Raymond Devos sur la complexité de l’éducation en pensant qu’en français les parents sont invités à élever leurs descendants ! Il y a quelque chose de cocasse !
Toute vie vient de Dieu
Et en même temps quelque chose de profondément théologique !
Jésus le fils du Très-Haut ne peut que descendre sur terre ! Et du point de vue des hommes, cette idée rappelle peut-être mieux que dans d’autres langues, que toute vie vient de Dieu, descend de Dieu à travers les générations… Aucun de nous ne sommes origine de nous-mêmes.
Notre vocation : nous élever jusqu’à Dieu
L’évangile de Matthieu commence par le rappeler à travers l’exposé d’une généalogie qui part d’Abraham pour arriver jusqu’à Jésus. Cela accentue ce sentiment de descente sur terre du Fils de Dieu, marche après marche, siècle après siècle… Mais l’incarnation n’est que la moitié de la révélation. Luc, en écho dans son évangile, donne le mouvement inverse… il fait remonter la généalogie de Jésus jusqu’à Dieu comme pour révéler l’Ascension et dire, qu’avec Jésus, la vocation de l’humanité posée sur terre est de monter, de grandir, de s’élever jusqu’à Dieu.
Dans l’évangile, juste après l’Annonciation – c’est le texte que nous venons d’entendre d’aujourd’hui – dès que l’ange, descendu du ciel, a quitté Marie, le premier acte qu’elle pose est de « se lever.» Les deux phrases se suivent comme ça – ce n’est pas du très beau français mais c’est traduit comme ça – :« Et l’ange la quitta. Elle se leva Marie en ces jours-là… » Sans transition, il n’y a pas d’espace de respiration. L’ange part. Elle se lève.
Marie se tient de bout
Comme si Marie, en parfaite éducatrice, ne perdait pas une seconde pour élever celui qui vient de descendre en sa chair. La traduction liturgique dit « se mit en route », mais littéralement elle se lève… et même un peu plus : le verbe utilisé en grec est le verbe anistémi qui a donné le prénom Anastasie qui veut dire résurrection… Marie se dresse, comme le berger de Michée, elle se dresse comme le ressuscité, elle se tient debout comme le sont tous ceux qui sont remplis de la présence de Dieu ! Et sa joie contagieuse, l’emmène en hâte sur les hauteurs du pays. Comment en serait-il autrement après une telle annonce ? Vous imaginez, Marie et un ange, quelle rencontre insolite ! Comment dès lors ne pas partir à toutes jambes partager cette incroyable nouvelle ? D’autant que cette nouvelle-là est attendue depuis des siècles par un peuple entier. Marie, comme Marie-Madeleine à Pâques ressemble à Philippidès, le premier marathonien de l’histoire qui avait couru jusqu’à Athènes pour annoncer la victoire de son peuple ! Le mouvement de l’incarnation de Jésus qui descend pour nous élever dessine comme un immense V tout neuf, un signe éternel de Victoire !
Dieu se souvient de sa promesse
Marie court et elle monte. La rencontre entre Marie et Elisabeth est une rencontre au sommet de l’histoire. Bien sûr sa première confidente est sa cousine, dit le texte, mais pas seulement, son prénom et celui de son mari évoquent en deux mots toute l’histoire d’Israël… Elisabeth, l’épouse d’Aaron portait déjà ce prénom, Elisabeth signifie « mon Dieu a fait serment » : « mon Dieu a promis » tandis que Zacharie veut dire « Dieu se souvient. » Le nom de ce couple rappelle donc que Dieu se souvient de sa promesse. Elle peut bien faire monter sa voix la mère de Jean-Baptiste en accueillant Marie et chanter comme nous le ferons tout à l’heure : tu es bénie entre toutes les femmes…
Les deux femmes s’embrassent comme l’histoire du monde en elles s’embrasse ; ce baiser est le passage de témoin entre l’ancienne et la nouvelle alliance. Quelque chose de tout neuf se prépare. Jésus vient !
4ème dimanche de l’Avent – Année C
Lectures bibliques : Michée 5, 1-4a; Psaume 79; Hébreux 10, 5-10; Luc 1, 39-45
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