Homélie du 2 juillet 2023 (Mt 10, 37-42)
Fr. Jean-Michel Poffet, dominicain – Chapelle de La Pelouse, Bex, VD
Chers frères et sœurs, chers auditrices et auditeurs,
Un lit de camp sur une terrasse, un bain qui fait revivre, et un verre d’eau fraîche… : la Parole de Dieu pour nous ce matin semble prendre un air de vacance, de détente. Mais avons-nous écouté jusqu’au bout ? parce qu’il est aussi question d’une croix à porter à la suite de Jésus et du prix de la fidélité. Je vous propose un itinéraire ce matin, un chemin qui nous aide à grandir dans la foi, à grandir humainement aussi.
La fidélité en toutes ses dimensions, toutes ses exigences
Ce qui est en question dans les passages bibliques que nous venons d’entendre, c’est la fidélité, en toutes ses dimensions, toutes ses promesses, mais aussi toutes ses exigences. Un cadeau magnifique, mais aussi un prix à payer. Arrêtons-nous un instant : c’est comme ça dans tout ce qui est beau et grand dans l’expérience humaine. Un artiste, si doué soit-il, sait combien d’heures, de mois, d’années il a mis pour affermir son talent et le développer. Un danseur sait quel est le prix de sa virtuosité : que d’années passées à s’entraîner, parfois à surmonter des blessures, avec une longue et patiente rééducation, le découragement à vaincre pour finalement … virevolter avec grâce.
Il en va de même pour le chrétien. Non pas qu’il s’agisse d’abord et avant tout de performances : être chrétien serait alors réservé seulement à quelques-uns. Mais même si le don de Dieu est gratuit, sa promesse de vie et de bonheur, encore faut-il l’accueillir, faire de la place au Christ en nos vies, en notre cœur, en notre intelligence et dans nos choix de vies. Et ce prix est parfois lourd à payer, mais toujours dans la perspective d’une vie à recevoir, à affermir, à célébrer.
Accueillir l’autre permet d’accueillir Dieu
Je reviens aux images de tout à l’heure qui fleuraient bon la pause estivale. Et tout d’abord un lit de camp sur une terrasse. C’est ce qu’avait préparé pour le prophète Élisée une femme à Sunam, près du mont Thabor en Galilée. Généreusement elle avait accueilli le prophète et lui avait préparé un lit sur la terrasse pour qu’il se sente accueilli lors de son passage dans la région. Et le prophète de lui promettre que sa générosité, son hospitalité, ne resteraient pas sans récompense. Elle qui était déjà avancée en âge : elle aurait bientôt un fils qu’elle pourra tenir dans ses bras. L’hospitalité est quelque chose de très grand et débouche sur la fécondité. Accueillir l’autre permet d’accueillir Dieu, ne l’oublions jamais.
Devenir ambassadeur d’une immense espérance
L’image du bain maintenant, – je veux parler évidemment du baptême, auquel Paul fait allusion. C’est un plongeon dans la vie et la mort du Christ, et cet événement nous greffe sur Jésus. Nous devenons membres de son Corps, nous lui appartenons. Jésus a donné sa vie pour nous, pour les croyants qui cherchent à être fidèles mais aussi pour tous les autres, pour les deux larrons dont les croix embrassaient la sienne. Un bon larron et un moins bon, l’un accueillant le don de Dieu, l’autre ne le percevant pas encore. Avec le Christ, nous sommes passés de la mort à la vie : nous voilà envahis par cet amour créateur et recréateur, nous sommes entrés dans un monde nouveau. Se savoir aimé de Dieu, se savoir pardonné en Jésus, et devenir ambassadeur d’une immense espérance pour nous, pour nos familles, pour la société et le monde dans lequel nous vivons.
Dieu est fidèle, il ne nous trompe pas : accueillons-le
J’aimerais trouver les mots pour briser la carapace d’indifférence qui empêche beaucoup de nos contemporains d’entendre la Bonne Nouvelle de l’Évangile. Il y a bien sûr la crise de l’Église, les scandales, mais il y a surtout une espèce d’arthrose du cœur qui empêche d’écouter, puis de faire confiance, de se laisser aimer. Mais même quand on a accueilli l’évangile, voilà que, après l’émerveillement des premiers jours, il y a la difficulté à durer, la difficulté aussi à accepter d’être comme mis à part parce qu’on est croyant. Le fait de se sentir à contre-courant, moqué parfois, rejeté, voire même emprisonné. Les martyrs d’hier et d’aujourd’hui savent ce que cela veut dire. Il y a des circonstances où la foi au Christ va nous séparer peut-être même de nos parents, ou de nos amis. Saurons-nous rester fidèles ? La foi nous met en tension avec ce que pensent nos contemporains par exemple sur le début de la vie humaine (la dignité de l’embryon) et la fin de vie du vieillard (la dignité du dernier combat que l’on accompagne dans les larmes, en tâchant de diminuer la souffrance, mais avec un immense respect). D’où l’avertissement grave de Jésus : celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n’est pas digne de moi. Qui a trouvé sa vie la perdra (c’est à dire qui a gommé l’évangile de sa vie pour ressembler à monsieur et madame tout-le-monde) celui-là la perdra ; et celui qui aura perdu sa vie à cause de moi, celui-là la trouvera. Le propos est brusque parce qu’il se veut clair, montrer un enjeu.
Vous pourriez me dire : mais nous ne sommes pas tous des héros. Bien sûr, et c’est pour cela que le Christ nous devance, il a donné sa vie pour nous et c’est l’accueil du don de Dieu qui nous permet de nous transformer, de nous transfigurer et de durer, même par gros temps !
Dieu est fidèle, il ne nous trompe pas : accueillons-le. C’est tout ce qui nous est demandé : le reste suivra, et de toute façon le Christ sera là pour nous.
Enfin : le verre d’eau fraîche. Magnifique consolation : si quelqu’un nous donne un verre d’eau fraîche en plein été, tout simplement parce que nous sommes au Christ et qu’il veut nous aider : il ne perdra pas sa récompense. Oui merci à tous ceux et toutes celles qui un jour nous ont soutenu dans l’annonce de l’évangile, nous ont consolé, nous ont encouragé. Pour eux aussi Dieu est fidèle, et ce verre d’eau, il le leur rendra au centuple. Oui, tous nous avons un jour ou l’autre bénéficié de la générosité de quelqu’un : ce jour-là Dieu était tout proche, et il nous promet de le rester. Ne soyons donc pas des déserteurs, mais des croyants, habités par l’Évangile et tenaces dans la difficulté. Dieu est fidèle, apprenons aussi à le devenir.
13e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : 2 Rois 4, 8-16 ; Psaume 88 ; Romains 6, 3-11 ; Matthieu 10, 37-41
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