Homélie du 15 décembre 2024 (Lc 3, 10-18)
Bertrand Georges, diacre – Eglise Saint-Laurent, Charmey, FR
Chers frères et sœurs paroissiens du Val-de-Charmey, chers auditeurs et auditrices de RTS Espace 2.
Gaudete in Domino semper. Soyez toujours dans la joie du Seigneur ! C’est ainsi qu’est introduite la célébration de ce 3ème dimanche de l’Avent. Alors que les deux premiers sont marqués par un caractère plus pénitentiel, le dimanche du Gaudete nous rappelle que l’attente de Noël est aussi un temps de joie et d’espérance.
Cette dimension de joie apparait très fortement dans les textes du jour :
« Pousse des cris de joie, fille de Sion ! […] Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem ! (So 3,14)
« Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. (Ph 4,4)
« Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut. […] Jubilez, criez de joie, habitants de Sion car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël !» (Is 12,3 ;6).
Dans l’Evangile aussi la joie se répand, avec Jean-Baptiste qui annonce au peuple La Bonne Nouvelle de la révélation désormais toute proche du Messie. Même la liturgie s’y met, notamment par les ornements roses parfois utilisés pour signifier cette joie.
Alors … soyons dans la joie !
« C’est facile quand tout va bien », rétorqueront certains. « Mais pour moi, ce n’est pas vraiment la joie en ce moment. Il y mes problèmes personnels de santé, ou financiers, des soucis de famille … et en regardant la marche du monde il est difficile de voir la vie en rose ! »
Appels bibliques à la joie
À vrai dire, le contexte n’était pas non plus très rose pour ceux qui ont écrit ces appels bibliques à la joie : Sophonie s’adresse à un « petit reste » qui cherche à rester fidèle au Seigneur au milieu de peuples violents et menaçants qui bafouent continuellement les commandements de Dieu.
Le cantique d’Isaïe a été écrit alors que l’empire assyrien menaçait de s’emparer de toute la région et que tout semblait perdu.
De même, lorsque Paul insiste tant sur la joie, il ne s’adresse pas à une communauté où tout « baigne dans l’huile » : c’est depuis la prison qu’il écrit à des fidèles, les Philippiens, qui ont eu à souffrir pour le Christ (Ph 1,29). Il leur conseille de n’être inquiets de rien, de « ne pas entretenir les soucis » (Ph 4, 6) . C’est donc qu’ils en avaient.
La joie, un don de l’Esprit Saint à accueillir
Qu’est-ce que cela signifie ?
Que la joie chrétienne n’est pas seulement une émotion positive, mais un don de l’Esprit Saint à accueillir et à cultiver. On pourrait dire qu’il y a deux niveaux dans la joie :
- Celle que l’on éprouve lorsqu’une aspiration ou un désir est satisfait, comme lors de belles rencontres, des bons moments partagés, un beau spectacle …
- Et celle qui provient de la rencontre avec Dieu. C’est de celle-là dont parle Jésus la veille de sa passion : « Votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l’enlèvera » (Jn 16,23). Son motif, sa cause, sa source : Dieu. Non pas les réussites, les succès, les ivresses en tout genre, mais Dieu.
Ne nous méprenons pas : il ne s’agit ni d’une nouvelle méthode Coué, ni d’un déni de réalité, ni même de découvrir une nouvelle technique de pensée positive, mais d’un regard tourné vers l’essentiel, d’une rencontre avec une personne vivante, d’être joyeux de la joie de Dieu. Cette joie, disait Paul VI, est «participation spirituelle à la joie insondable de Dieu» (Paul VI Exhortation apostolique sur la joie chrétienne.)
Accueillons donc avec reconnaissance les joies naturelles et humaines, mais ne nous en contentons pas. Leur multiplication ne saurait étancher notre soif de bonheur et d’absolu.
Ce secret de la joie, les saints aussi l’ont connu, alors qu’ils ne possédaient, pour la plupart, ni les honneurs ni la fortune. Saint Théophane Venard, jeune prêtre, martyr à 31 ans en 1861 a donné un profond témoignage de joie surnaturelle (Missionnaire, martyr en 1861 au Tonkin, partie du Vietnam actuel). À ses proches, il suggérait volontiers que dans les moments difficiles, il fallait « prendre son cœur à deux mains et lui faire crier : Vive la joie quand même !»
On le voit, cette joie n’est pas une émotion superficielle, mais une attitude intérieure qui nous permet de garder confiance en Dieu, même dans les moments les plus difficiles.
Comment cultiver cette joie ?
Les textes du jour nous indiquent plusieurs pistes : je vais en citer quatre :
- La première est d’avoir confiance en Dieu qui nous sauve (Is 12, 2, 2).
- La deuxième consiste à ne pas nous inquiéter plus qu’il ne faut, à bien gérer nos soucis en les présentant au Seigneur, tout en remerciant pour ce qui va bien (Ph 4,6-7).
- « Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes » dit saint Paul (Ph 4,5). La troisième source de la joie consiste à exercer la bienveillance, c’est-à-dire à vouloir le bien des autres en étant aimable, accueillant, ouvert au partage, rempli de délicatesse et de gentillesse. Tout ceci engendre une sérénité qui agit comme un baume dans les relations humaines. Cette bienveillance est bienfaisante. Elle secrète la joie.
Dans l’Évangile, Jean-Baptiste aussi nous ouvre des chemins de bienveillance. En réponse à la question « que devons-nous faire ? », il invite à partager nourriture et vêtement, à lutter contre l’égoïsme ; à ne pas profiter de sa situation pour s’enrichir injustement (Lc 3,10-14). Au fond, il demande à chacun d’aider, dans la mesure de ses moyens, celui qui est à côté de lui … Cela aussi fait grandir la joie. « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir », a dit Jésus (Ac 20,35). - Enfin, chers frères et sœurs la quatrième, ou plutôt la première source de la joie, est la proximité du Seigneur. « Le Seigneur est proche », affirme saint Paul (Ph 4,5). « Le Seigneur ton Dieu est en toi », dit le prophète Sophonie (3,15). « Il vient », assure Jean-Baptiste dans l’Évangile (Lc 3,16).
Dans sa première exhortation apostolique Evangelii Gaudium, la joie de l’Évangile (2013, no 3), le pape François invite chaque chrétien « à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ […] et à le chercher chaque jour sans cesse », car dit-il : « personne n’est exclu de la joie que nous apporte le Seigneur ». C’est donc pour chacun de nous que retentit la Bonne Nouvelle annoncée par l’ange la nuit de Noël : « Voici que je vous annonce une grande joie qui sera celle de tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2,10).
3e dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Sophonie 3, 14-18; Cantique : Isaïe 12, 2-6; Philippiens 4, 4-7; Luc 3, 10-18
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