Jérôme Jean Hauswirth

«Vous ne pouvez pas à la fois servir Dieu et l'Argent»

Aujourd’hui notre économie est prisonnière de la croissance, d’une «logique viciée» d’un «toujours plus». Notre course devient frénétique. C’est une boulimie qui risque de tous nous engloutir. Homélie du 8e dimanche A (Mt 6, 24 -34).

Le service détermine l’attitude due au Maître. La loyauté interdit de tenir deux attitudes. Nous devons faire un choix et fixer la priorité. Qui est premier? Dieu ou l’Argent? L’un ou l’autre. Choisir l’un exclut nécessairement l’autre. Dieu et l’Argent ne étant pas du même ordre, servir l’un empêche de pouvoir servir l’autre.

Dieu attend donc de nous un amour entier, un amour de préférence. Notre cœur bat pour aimer, pour aimer Dieu et le prochain. Son concurrent le plus direct, c’est l’argent, parce qu’il donne accès à l’avoir, au pouvoir et à la gloire selon le monde.

 

Dans l’évangile de ce jour, Jésus critique notre relation à l’argent. Car de serviteur, ou plutôt de moyen d’échange de biens et de services, il peut facilement devenir une fin en soi, un absolu, c’est-à-dire une idole. Et alors l’argent fait obstacle à la vie spirituelle!

Mal compris, l’évangile de ce jour pourrait nous donner à penser que Jésus a quelque chose contre l’argent et le travail. Eh bien c’est faux! Jésus n’a rien contre l’argent. A Nazareth, Jésus avait un métier. Jésus sait par expérience gagner sa vie à la sueur de son front. Entendez bien que Jésus ne condamne pas l’usage normal de l’argent. Par contre il n’a pas de mots assez forts pour condamner l’asservissement à l’argent. Parce que cet asservissement est un esclavage.

L’esclavage de l’argent est le véritable cancer de notre société. Notre société occidentale se détruire elle-même sous le rythme infernal que lui impose la course à la richesse. Aujourd’hui additionner ne suffit plus, il faut multiplier les biens.

En Occident, c’est un fait, nous n’avons jamais été aussi riches! Jamais nous n’avons produit autant de richesses. Chaque année, le PIB progresse. Chaque année, on bat le record de l’année précédente.

En soi, ce n’est pas un mal, sinon que nous sommes devenus esclaves de cette croissance. Il faut toujours produire plus… et surtout consommer plus! C’est comme une maladie. Toujours plus. Une frénésie… En 2008, quand les marchés ont plongé à cause des bulles financières, nous avons eu une visibilité d’une économie prisonnière d’un toujours plus, quitte à mentir, quitte à donner des rendements virtuels. Et au final, ce sont les Etats qui ont dû verser de l’argent  – qu’il n’avait pas d’ailleurs – pour sauver l’économie de la faillite. Les dettes des états sont désormais gigantesques, et nous entrons dans une crise de la dette.

Aujourd’hui notre économie se trouve prisonnière de la croissance, d’une «logique viciée» d’un «toujours plus». Notre course devient frénétique. C’est une boulimie qui risque de tous nous engloutir.

 

Au fond, que nous manque-t-il? De quoi avons-nous tant besoin? Après quoi courrons-nous? Pourquoi ces agendas noircis de rendez-vous? (déjà chez les enfants!). Pourquoi si peu de temps pour les amis, la famille, la prière, notre Dieu? Pourquoi tant de soucis, de tracas, d’inquiétudes?

Et Jésus de nous dire: «Ne vous faîtes pas tant de soucis pour votre vie, au sujet de la nourriture, ni pour votre corps, au sujet des vêtements. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement?».

L’évangile nous enseigne que soucis et tracas sont des servitudes qu’entraîne la richesse. Plus l’on se soucie de l’argent, de la fortune, du rendement, plus la richesse nous asservit et plus l’on devient préoccupé et inquiet.

Avec finesse, Le Savetier et le Financier de Jean de La Fontaine nous l’apprend.

Le Financier, riant de sa naïveté,

 

Lui dit : Je vous veux mettre aujourd’hui sur le trône.
Prenez ces cent écus : gardez-les avec soin,
Pour vous en servir au besoin.
Le Savetier crut voir tout l’argent que la terre
Avait, depuis plus de cent ans
Produit pour l’usage des gens.
Il retourne chez lui ; dans sa cave il enserre
L’argent et sa joie à la fois.
Plus de chant ; il perdit la voix
Du moment qu’il gagna ce qui cause nos peines.
Le sommeil quitta son logis,
Il eut pour hôte les soucis,
Les soupçons, les alarmes vaines.
Tout le jour il avait l’oeil au guet; et la nuit,
Si quelque chat faisait du bruit,
Le chat prenait l’argent : A la fin le pauvre homme
S’en courut chez celui qu’il ne réveillait plus.
Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme,
Et reprenez vos cent écus.

 

Oui, plus nous avons le souci de l’argent, de la fortune, du rendement, plus nous sommes esclaves de la richesse et plus nous devenons soucieux et inquiets. Au contraire, si nous nous attachons à la personne de Jésus, nous retrouvons la paix, nous voilà libres, joyeux et pleins d’espérance.

Le monde moderne occidental affiche statistiquement plus d’infarctus et de dépressions nerveuses que le reste du monde. Peut-être parce que ce monde s’enrichit du secondaire, mais se trouve pauvre de l’essentiel. Pour le dire autrement, trop de fric et pas assez de cœur, d’amour et de don!

 

L’évangile de ce jour rappelle une simple hiérarchie des valeurs, les vêtements et la nourriture ne peuvent être qu’au service de l’homme et non l’homme se faire leur esclave. En confondant la fin avec les moyens, nous risquons de courir toute notre vie après un but, un absolu qui n’est pas Dieu. Et au terme de cette vie, nous serons déçus.

 

En définitive, un choix s’impose pour changer de souci sans pour autant devenir insouciant. Qu’est-ce qui est premier? Aimer Dieu et son prochain comme le Christ nous l’a enseigné ou bien se faire du souci pour posséder toujours davantage?

«Chercher d’abord le royaume et tout le reste vous sera donné de surcroît».

Cette expression souligne de façon merveilleuse le paradoxe évangélique. Le seul bien qu’il faut vraiment chercher est précisément celui que Dieu veut nous donner. Ce bien ne s’achète pas, il n’a pas de prix. Ce bien se reçoit, Ô bonne nouvelle, il est gratuit!
ET EN PLUS C’EST LE CADEAU QUE DIEU VEUT FAIRE A CHACUN!

 

Seigneur, tu nous l’as dit, «à chaque jour suffit sa peine».
Nous voulons placer notre confiance en toi, et non pas dans notre compte en banque.

Le seul trésor qui a de la valeur, c’est de se savoir aimé de Dieu dans le Seigneur Jésus.

Donne-nous assez de confiance pour te confier la journée de demain, et pour ne chercher jour après jour que ton Royaume et sa justice, en portant… la peine quotidienne… à la lumière de ta Croix.

Amen.

 

Père Jérôme Jean

 

1 mars 2014 | 00:20
par Jérôme Jean Hauswirth
Temps de lecture : env. 5  min.
Partagez!