Une ou deux Eglises?
Je relève sur cath.ch ces propos du pape François tenus lors d’une rencontre avec des journalistes actifs dans divers médias de la Compagnie de Jésus. «Le pontife a également répondu à une question concernant le synode allemand. Il a révélé avoir écrit une lettre au sujet du processus dans ce pays. ›Au président de la Conférence épiscopale allemande, Mgr Georg Bätzing, j’ai dit: Il y a une très bonne Eglise évangélique [ndlr, protestante] en Allemagne. Nous n’avons pas besoin d’une deuxième’».
Je trouve intéressante cette remarque sous forme de boutade. A vrai dire, elle ne m’étonne pas. Avec un regard très positif sur la «très bonne Eglise évangélique» d’Allemagne, le pape François ne souhaite pas pour autant en voir naître une seconde, en tout point semblable à la première. Autrement dit, le pape désire que l’Eglise catholique conserve sur le sol allemand sa spécificité. Le synode en cours, tout en réformant cette institution, ne doit pas mettre en cause ses enjeux fondamentaux.
Quels enjeux? Certainement pas l’interdiction faite aux femmes ou aux hommes mariés d’accéder aux diverses charges de l’Eglise catholique. Pas plus qu’exclure du repas eucharistique ceux et celles dont le comportement contredit les règles canoniques actuellement en usage. Ces dispositions ne touchent pas à l’’essentiel de la constitution de l’Eglise catholique qui se veut «épiscopale» et non pas régie par une assemblée dont les décisions sont prises à la majorité des membres présents.
«Le pape a raison de redouter une transformation de son Eglise qui en ferait un clone d’une Eglise protestante.»
La structure épiscopale propre à l’Eglise catholique et à l’orthodoxie s’origine dans le christianisme des tout premiers siècles et se veut conforme à la lettre ou, du moins, à l’esprit, des Ecrits du Nouveau Testament. Ceci dit, il n’est pas interdit à la communauté de faire entendre sa voix lors de la nomination de son évêque. Et celui-ci ne doit pas se sentir obligé d’exercer son ministère en despote éclairé. Au contraire. Il ne doit le faire qu’en communion avec ses autres frères évêques et surtout avec le «troupeau» qui lui est confié.
Saint Augustin aimait répéter aux chrétiens d’Hippone: «Pour vous je suis évêque, avec vous je suis chrétien». La mise en pratique de ce programme devrait étouffer tout germe de cléricalisme et d’abus de pouvoir si fréquents chez les agents pastoraux catholiques, évêques y compris.
Or, me semble-t-il, les Eglises issues de la Réforme du 16ème siècle ont une autre constitution ecclésiale. La plupart dépendent d’une assemblée synodale ou d’un consistoire qui définit leur confession de foi et oriente leur comportement liturgique et éthique. De fait, l’expression «synode» en usage dans l’une et l’autre Eglise est équivoque et peut conduire à une regrettable confusion.
Le pape a donc raison de redouter une transformation de la structure de son Eglise qui en ferait un clone d’une Eglise protestante. Mais au-delà et plus profond que les structures de nos Eglises, il y a Jésus-Christ en personne, dont l’évangile interpelle les uns et les autres. Vivre intimement de sa présence est la priorité des priorités et le plus sûr moyen de nous acheminer, non pas vers une troisième Eglise, composition de celles que nous connaissons déjà, mais vers l’unique Eglise, celle pour laquelle Jésus a prié avant de souffrir et mourir.
Guy Musy
22 juin 2022
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