Un témoignage lumineux
Dans le chaos des nouvelles actuelles, ressort un témoignage lumineux, celui de Marlene Engelhorn qui vient de céder sa fortune de 25 millions d’euros aux plus démunis. Son acte est remarquable à plusieurs titres. Tout d’abord elle signale qu’elle n’a rien fait pour mériter son héritage, héritage qui n’est pas imposé dans son pays (l’Autriche). Elle met l’accent ainsi sur une anomalie du système fiscal libéral. Alors que celui-ci ne cesse de mettre l’accent sur le mérite, il impose très peu les «gains qui tombent du ciel» sans mérite, tels que les héritages.
Joignant le geste à la parole, Mme Engelhorn a fondé l’initiative «Tax me now», qui vise une plus grande taxation de la fortune dans le monde germanophone. Le monde irait effectivement mieux si les grandes fortunes acceptaient d’en redistribuer une partie aux personnes qui en ont vraiment besoin.
Mais son acte de donation, déjà exceptionnel, a un second mérite. Mme Engelhorn a décidé de confier la distribution de cette fortune à un comité de citoyens et citoyennes autrichiens désignés pour leur représentativité et rémunérés pour leur participation à ce comité. Il en a résulté des dons à 77 organisations, des plus connues telles que Caritas ou Reporters sans Frontières aux plus anonymes, comme des associations engagées localement dans la protection de la nature et la défense des sans-abri.
Donner sa fortune est un acte de grand courage. Rappelons-nous a contrario le recul du jeune homme riche dans l’Évangile, à qui le Christ demande de céder ses biens pour le suivre et qui n’y parvient pas (Marc 10, 17-31). Mais ce qui est encore plus désintéressé, c’est de céder le pouvoir sur cet argent. Mme Engelhorn aurait pu désigner, en toute bonne conscience, les bénéficiaires de son don. Les personnes lui en auraient été peut-être reconnaissantes. Mais elle ne l’a pas voulu en choisissant un comité pour faire, en toute liberté, ce travail à sa place.
«La main qui donne peut se situer au-dessus de la main qui reçoit»
Cette décision montre ce qu’est le vrai désintéressement. Le don tel que nous le pratiquons peut susciter deux difficultés: celle de la réciprocité et celle de la supériorité. La difficulté de la réciprocité nous l’entendons souvent dans les familles. «J’ai consacré une partie de ma vie à m’occuper de mes enfants ou de mes parents et je n’ai rien reçu en échange.» La personne qui dit cela n’a pas compris la nature profonde du don. Celui-ci est gratuit. Il ne demande aucune contrepartie.
La deuxième difficulté est le risque de supériorité. La main qui donne peut se situer au-dessus de la main qui reçoit. Je l’ai vécu au travers de l’aide au développement. Celle-ci, qui était donnée sans intérêt, marquait, malgré tout, la supériorité du donneur sur le receveur sauf si le donneur s’engageait réellement aux côtés du receveur dans la durée.
En déléguant les décisions sur la distribution de sa fortune, Mme Engelhorn a évité ces deux écueils. Désormais ex-millionnaire, elle recherche un emploi pour rejoindre les 99% de personnes qui travaillent et paient leurs impôts. Son témoignage n’en est que plus lumineux, tant il est vrai que le travail est la seule source de valeur ajoutée de nos sociétés.
Jean-Jacques Friboulet
3 juillet 2024
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