Un homme de Dieu
Quel destin prodigieux que celui de Joseph Ratzinger! Un adolescent bavarois durant la Deuxième Guerre mondiale devient prêtre puis théologien, professeur à Tübingen, archevêque de Munich-Freising, puis préfet de la Congrégation de la Doctrine de la foi, et enfin pape en exercice et pape émérite…
Ce destin étonnant épouse celui d’une passionnante période de la vie de l’Eglise et du monde. Entre la guerre et les soubresauts du 21e siècle, Benoît XVI a participé activement au stimulant concile Vatican II, a été le gardien vigilant de la doctrine avec Jean Paul II, a succédé au pontife polonais de manière presque naturelle, puis a stupéfié en renonçant à la fonction suprême, ouvrant la porte à un successeur inattendu, François.
Entre le jeune militant (forcé) de la Hitlerjugend, le Panzerkardinal – appellation déformante – et le vieillard voûté retiré au Vatican, la figure force l’admiration. Car le monde a découvert peu à peu, derrière les caricatures, un homme humble, timide certes, mais pleinement déterminé. Un homme pétri de foi, qui s’appliquait à vivre ce qu’il prêchait et à creuser, en théologien passionné, les inspirations de la vie du Christ. Pour le grand public, Joseph Ratzinger a révélé sa pleine mesure dans les livres d’interviews réalisés avec Peter Seewald. Toutefois ces derniers mois ont été assombris par les accusations de dissimulation d’abus du temps de son épiscopat à Munich. En ce sens, le pianiste amateur qu’il fut a quelquefois laissé échapper quelques fausses notes. Il a dû reconnaître que ce qui été pratiqué, il y a encore quarante ans, n’est plus tolérable aujourd’hui.
Un homme de Dieu vient de nous quitter. Il faudra sans doute quelques années pour faire le bilan de sa vie peu banale, de 1927 à 2022. Mais nous réalisons aujourd’hui la place qu’il a occupée dans la vie de l’Eglise. Jamais insignifiant, fin intellectuel, habité par les convictions d’un fidèle disciple du Christ. Désormais, nous ne relirons plus de la même manière ses propos théologiques. Nous ne le percevrons plus comme un dogmaticien rigide, mais comme un «humble serviteur dans la vigne du Seigneur», comme il le disait lui-même au moment de son élection pontificale.
Benoît XVI a rendu son tablier pour rejoindre celui qu’il a servi. Souvent perçu – à tort – comme un trait d’union entre deux géants, saint Jean Paul II et François, il laisse derrière lui un sillon profond. Celui d’un homme d’Eglise et d’un homme de Dieu.
Bernard Litzler | Samedi 31 décembre 2022
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