Claude Ducarroz

Silence n’est pas mutisme

C’est l’histoire d’une grand-maman. Sa lettre ressemble à un appel au secours. Convaincus par le dogme du «ils choisiront eux-mêmes plus tard», les parents de ses petits-enfants n’ont rien transmis de religieux à leur progéniture. «Rien, rien, le néant», explique, navrée, la pieuse grand-mère.

Car ses adolescents se posent beaucoup de questions. A l’un d’entre eux, un copain musulman fournit de nombreuses réponses. La grand-maman estime qu’il y a mieux dans le christianisme. Elle me demande de provoquer d’urgence une réunion de famille pour réaliser une évangélisation express avant qu’il ne soit trop tard… Vaste programme!

Au temps du communisme triomphant, notre Eglise, persécutée, était devenue «l’Eglise du silence». Elle devait s’abstenir de toute démonstration ou déclaration publique. Mais rien n’empêchait certains témoins courageux– à leurs risques et périls- de diffuser discrètement une catéchèse, notamment via les grands-mamans.

Chez nous actuellement, dans nos sociétés dites ultra-libérales, rien ne devrait faire obstacle à la libre transmission des connaissances et pratiques de notre religion, avec l’espoir de voir la foi s’éveiller dans les cœurs et irradier les vies.

Mais beaucoup préfèrent instituer, non pas une Eglise du silence, mais un désert religieux fait de mutisme, à la lisière d’une épaisse forêt de honte, y compris sous le prétexte du respect scrupuleux des consciences personnelles. Parlons de tout, svp, mais surtout pas de religion! Y compris aux enfants qui pourraient en subir une mauvaise influence précoce.

«Merci à toutes les grands-mamans, et autres disciples, qui osent encore dire Jésus en racontant et en vivant sa bonne nouvelle!»

Être chrétien dans le silence, par le beau témoignage de comportements conformes à l’évangile, comment ne pas l’encourager vivement? En régime évangélique, les actes sans paroles comptent davantage que les paroles sans actes. D’ailleurs un certain silence est aussi l’atmosphère qui convient le mieux à la vie spirituelle, dans la prière, la méditation et la réflexion.

Mais qui pourrait dire, parmi les chrétiens, qu’il ne doit rien à la parole des autres, à la catéchèse, à la prédication, à la culture inspirée de la foi? Quand le silence devient le mutisme par peur d’incommoder, quand on pratique la démission plutôt que la mission, comment ne pas rappeler cette phrase de l’apôtre Paul, qui savait ce qu’il en était: «Investis de ce ministère par la miséricorde de Dieu, nous ne perdons pas courage, nous avons répudié les silences de la honte»? II Co 4,1-2

Pas question de se répandre en prosélytisme par astuce ou pression inavouée. Mais pourquoi donc se réfugier dans les souterrains du mutisme, alors que l’évangile est censé être une parole libératrice destinée à tous? Oui, une parole qui jaillisse du silence de la prière, une parole authentifiée par des actes d’amour!

Merci à toutes les grands-mamans, et autres disciples, qui osent encore dire Jésus en racontant et en vivant sa bonne nouvelle!

Claude Ducarroz

31 mai 2023

Les grands-mamans sont un canal privilégié de transmission de la foi | photo d'illustration © K P /Flickr/CC BY 2.0
31 mai 2023 | 07:20
par Claude Ducarroz
Temps de lecture : env. 2  min.
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