Sœur Nicole

Qui nous déplacera sur nos chemins?

L’étonnement fera-t-il aujourd’hui craquer nos conceptions, certitudes, savoirs et connaissances pour dépasser une pensée arrêtée – unique ou binaire – et entrer dans l’altérité et la diversité? Dans le monde d’aujourd’hui, Qui nous déplacera vers ce chemin?

Jésus? On le connaît: nous savons qui il est: sa famille, sa patrie, son village, ses frères et sœurs, il est menuisier artisan,… Nous croyons le connaître, mais, le connaissons-nous vraiment?

Dans le passage du mois dernier, les siens ayant appris qu’une foule nombreuse suivait Jésus, veulent le ramener à la maison; ils disent: «il est hors de lui» (Mc 3,20ss) ne reconnaissant plus leur fils ou frère.

Depuis, la série de paraboles et de gestes puissants ont bien mis en valeur la force du Royaume de Dieu se manifestant dans les paroles et les actes de Jésus pour celui qui a des oreilles pour entendre! Invitation à se laisser entraîner par ce mystère du Royaume donné et par la puissance du Royaume qui y est manifestée.

Se laisser étonner, «être saisi d’une grande crainte», comme les disciples dans la barque lors de la tempête (Mc 4,41), découvrir plus grand que soi et s’interroger «Qui de fait est celui-ci que même le vent et la mer lui obéissent?», n’est-ce pas cela qui fait craquer nos précompréhensions et nous ouvre à la foi?

«L’étonnement en chemin ouvre tous les possibles.»

Quand on croit connaître et que le «connu» révèle du «tout autre», alors, tout bascule.

Surprise! Stupéfaction! Questionnement! Étonnement: il est autre!
Dans l’évangile d’aujourd’hui, les siens s’interrogent: «d’où cela lui vient-il?». La question manifeste un désarroi, mais pointe aussi vers une origine qui vient d’ailleurs. Étonnement! L’autre a une part qui m’est inconnue: il est autre. Il m’ouvre à plus que moi, à plus que lui, à une relation nouvelle, un agir nouveau, un être neuf. Une naissance?

Rencontrer, littéralement c’est aller à l’encontre: être heurtés produit un déplacement, de part et d’autre, faisant passer chacun du savoir extérieur à la connaissance intime.
Connaître l’autre, c’est naître avec (cum-naître). Je le connais vraiment quand je nais avec lui, par lui, à lui, autre. Accueillir l’autre et devenir porteur d’altérité.

Être prophète en sa patrie, que c’est difficile.
«Nul n’est prophète en son pays. Un prophète n’est estimé que hors de chez lui» rappelle Jésus pour ouvrir les oreilles de ses auditeurs qui ne s’ouvrent pas: les siens ne le reconnaissent pas comme prophète. Leur connaissance de Jésus devient pour eux obstacle, littéralement «scandale»: pierre d’achoppement, occasion de chute.

Dans la question: «d’où lui sont donnés cette sagesse et ces miracles (dynamis)?» Le passif laisse entrevoir l’origine divine mais ils ne peuvent s’ouvrir à cela.

Dans l’évangile d’aujourd’hui, il est un second étonnement qui répond à celui des proches:
«Jésus s’étonne de notre manque de foi» (Mc 6,6a). Son étonnement révèle combien il espère en l’autre, plaçant toujours sa confiance en lui et cheminant au pas de chacun! N’est-ce pas ainsi qu’il nous sauve?

La finale nous montre que Jésus ne reste pas là où ça bloque: «il va ailleurs, parcourant des villages à la ronde en enseignant» (Mc 6,6b). Le lecteur est invité à suivre Jésus, être avec lui et l’écouter avec les disciples. Se mettre en route ensemble, devenir compagnons sur nos chemins devenir compagnon sur le chemin.

L’étonnement en chemin ouvre tous les possibles.

Sœur Nicole Lechanteur | Vendredi 5 juillet 2024


Mc 6, 1-6

En ce temps-là,
Jésus se rendit dans son lieu d’origine,
et ses disciples le suivirent.
Le jour du sabbat,
il se mit à enseigner dans la synagogue.
De nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient :
« D’où cela lui vient-il ?
Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée,
et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ?
N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie,
et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ?
Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? »
Et ils étaient profondément choqués à son sujet.
Jésus leur disait :
« Un prophète n’est méprisé que dans son pays,
sa parenté et sa maison. »
Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ;
il guérit seulement quelques malades
en leur imposant les mains.
Et il s’étonna de leur manque de foi.
Alors, Jésus parcourait les villages d’alentour en enseignant.

«N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous?» | Duccio di Buoninsegna vers 1308. Wikimedia Commons
5 juillet 2024 | 17:00
par Sœur Nicole
Temps de lecture: env. 3 min.
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