Sœur Nicole

Quand le zèle nous écarte de l’amour

La tradition rabbinique et les scribes ont l’habitude d’«instaurer une haie autour de la Torah», c’est-à-dire de demander d’en faire un peu plus que la loi demande pour être sûr d’avoir fait assez et de n’être donc pas redevable. Ne plus être redevable, c’est ne plus regarder l’autre, mais se regarder soi. Là est l’erreur dénoncée par Jésus.

Jésus conteste des éléments de la tradition juive et rabbinique. Sur les coutumes alimentaires, Jésus fait le lien avec une parole d’Isaïe qualifiant le peuple d’hypocrites, littéralement qui a un petit discernement, dont le point d’attention est placé trop bas. En pointant l’attitude hypocrite ou fourbe des scribes et pharisiens qui, au nom d’une perfection, suscitent et valorisent un comportement extérieur ou faux, Jésus révèle deux manières d’observer la Loi. Il nous questionne ainsi sur ce qui régit notre manière de vivre avec et pour les autres.

«Jésus, lui, nous invite à vivre, parler et agir en vérité»

Je peux agir du bout des lèvres, juste pour dire ou qu’on puisse dire autour de moi que «j’ai fait ce qui est bien, ce qui est bon» comme les pharisiens le font et le demandent. Jésus, lui, nous invite à vivre, parler et agir en vérité, en accord avec notre être profond, à l’écoute de la fine pointe de l’âme, le lieu où Dieu nous rencontre, nous parle et nous convertit pour vivre en vérité avec Dieu, les autres et moi-même.

C’est à cette attitude que Jésus nous invite, conduisant chacun au cœur de la Loi, à son fondement, son sens profond: c’est l’amour qui toujours est premier et fonde l’autorité de la Loi. Sa démarche, pleine d’une autorité qui fait grandir, pointe les priorités dans l’interprétation de la loi et des préceptes: que l’amour soit premier!

Jésus ne pousse pas à un accomplissement de la Loi au plan moral. Il nous invite à davantage d’attention dans la relation aux autres et au Tout-Autre pour recevoir de l’autre et par l’autre notre juste manière d’être, dans une relation ajustée à chacun, prenant sa source dans la relation filiale avec le Père, source de toute bonté. C’est plus risqué que d’avoir tout bien fait de A à Z et ne rien devoir à personne!  Ce que demande Jésus nous désarme: jamais nous n’aurons accompli pleinement la Loi et c’est bien cela qui nous place perpétuellement dans une relation filiale avec le Père et fraternelle avec nos frères et sœurs.

«Avec Jésus, toute la Torah est amour»

Avec Jésus, toute la Torah est amour. Tout commandement doit être interprété à partir de cet amour et sur l’unique norme de l’amour. Jésus a fait de ce commandement son fer de lance.

Jésus dénonce des pratiques qui vident la loi de sa substance. Ainsi en est-il de la prescription de se laver les mains jusqu’aux coudes qui était impraticable dans de nombreuses circonstances et empêchait de partager le repas avec des non-Juifs. Plus grave encore ceux qui déclarent certains biens «Qorban» pour ne plus devoir aider leurs parents dans le besoin au moyen de leurs biens

Quant à ce qui est pur ou impur, dès le début de l’Évangile de Marc, Jésus ose toucher les personnes considérées comme impures, montrant à ceux qui craignent d’être contaminés par l’impur que c’est la pureté qui se communique et purifie celui qu’elle touche: là est aussi la Bonne Nouvelle de Jésus qui dépasse nos catégories et nos fermetures pour ouvrir chacun à la liberté des enfants de Dieu.

Sœur Nicole Lechanteur | Vendredi 30 août 2024


Mc 7,1-9.13-15.21-23

En ce temps-là,
    les pharisiens et quelques scribes, venus de Jérusalem, 
se réunissent auprès de Jésus, 
    et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas 
avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées. 
    – Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, 
se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, 
par attachement à la tradition des anciens ; 
    et au retour du marché, 
ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, 
et ils sont attachés encore par tradition 
à beaucoup d’autres pratiques : 
lavage de coupes, de carafes et de plats. 
    Alors les pharisiens et les scribes demandèrent à Jésus : 
« Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas 
la tradition des anciens ? 
Ils prennent leurs repas avec des mains impures. » 
    Jésus leur répondit : 
« Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, 
ainsi qu’il est écrit :
Ce peuple m’honore des lèvres,
mais son cœur est loin de moi.
    C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; 
les doctrines qu’ils enseignent 
ne sont que des préceptes humains.

    Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, 
pour vous attacher à la tradition des hommes. »

    Appelant de nouveau la foule, il lui disait : 
« Écoutez-moi tous, et comprenez bien. 
    Rien de ce qui est extérieur à l’homme 
et qui entre en lui 
ne peut le rendre impur. 
Mais ce qui sort de l’homme, 
voilà ce qui rend l’homme impur. »

    Il disait encore à ses disciples, à l’écart de la foule :
« C’est du dedans, du cœur de l’homme, 
que sortent les pensées perverses : 
inconduites, vols, meurtres, 
    adultères, cupidités, méchancetés, 
fraude, débauche, envie, 
diffamation, orgueil et démesure. 
    Tout ce mal vient du dedans, 
et rend l’homme impur. »

En mettant l’amour au centre de tout, nous pouvons en être sûrs: nous ne serons jamais loin du Royaume des cieux. | © Flickr/Lawrence OP/CC BY-NC-ND 2.0)
30 août 2024 | 17:00
par Sœur Nicole
Temps de lecture : env. 4  min.
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