Philippe Golay

Oser faire savoir

Entourée de verdure, dans une grande ville de Suisse romande, une maison familiale de trois étages sur rez, comprenant notamment une cuisine-salle à manger avec, du sol au plafond, sept impressionnantes fenêtres donnant sur les arbres, les oiseaux et avions de passage, des alignées de bambou, quelques toits de voisins, le temps qu’il fait, occasionnellement un renard habitué à longer les haies pour gagner d’autres lieux.

Sur la gauche, entre deux fenêtres, un grand tableau noir couvert de dessins et messages à la craie, dont ceux-ci: Je t’aime (prénom difficilement lisible); Albo lapillo notare diem (pour celles et ceux qui auraient perdu leur latin: Marquer un jour d’une pierre blanche); acheter des carottes et du céleri; etc.

Sur la droite, cela: Devinette. Elle s’occupe de vos enfants; elle vous invite à déjeuner quand vos enfants sont chez elle; elle lave le linge de vos enfants; mais qui est cet ange tombé du ciel? Puis: «Moi, j’ai la chance de la connaître…». L’auteur(e) de cette devinette l’a placée dans le quart inférieur droit du tableau noir, l’endroit le moins visible de qui passe là. Un signe de discrétion, de modestie? En tout cas d’amitié, de reconnaissance.

A qui donc le message est-il destiné? On pense aussitôt aux mères de familles des copains, copines du ou des enfants demeurant dans la grande maison. Ou aux venus passer là un moment, une heure, plusieurs même, parfois peut-être une journée entière, voire une nuit. Vraisemblablement, une mère, un père ou des amis ont confié leur progéniture à la dame au grand cœur, le temps d’une absence d’une ou plusieurs heures.

Taire, cacher ou oser dire, publier? L’auteur(e) du texte sur le tableau noir de la cuisine a osé faire part de sa gratitude. Plus encore: en dessinant – à la craie toujours – un cœur après la première phrase, il/elle a confirmé que le siège des sensations et des émotions demeure toujours en place dans son être. En osant écrire à la craie – blanche –  ce qu’il/elle portait dans son cœur, il/elle a témoigné sa reconnaissance et non seulement cela, mais invité les autres – pressés, désinvoltes, envahissants, audacieux, impolis, reconnaissants, quoi encore – à faire de même, très simplement.

PhilGo

Photo: flickr/_mll_/cc
27 octobre 2014 | 10:22
par Philippe Golay
Temps de lecture : env. 1  min.
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