Claude Ducarroz

On ferme… Et après?

Dimanche 2 juillet. Chapelle du couvent des Ursulines, une communauté présente à Fribourg depuis 1634. Une religieuse me rappelle ce que je dois annoncer à la fin de la liturgie: la messe du dimanche ne sera plus célébrée dans cette jolie église du centre-ville. J’ai obtempéré, non sans émotion teintée de regret.

Car l’événement n’est pas unique dans notre bonne cité catholique. Par les temps qui courent, de nombreuses communautés apostoliques ou missionnaires ont déjà fermé leurs maisons de formation, d’éducation ou de services divers. C’est maintenant le tour des couvents et monastères, qui s’interrogent gravement sur leur avenir et devenir, en attendant une probable, voire inéluctable clôture.

Incontestablement, une page se tourne dans le paysage catholique de chez nous.

La tristesse ne doit pas submerger notre reconnaissance. Durant des décennies et même des siècles, ces religieux -hommes et femmes- ont servi notre population en s’investissant dans notre Eglise au nom d’une vocation et d’une mission évangéliques.

Bien sûr, ils n’étaient pas parfaits, comme nous l’ont rappelé, un peu brutalement, les récentes affaires d’abus. N’empêche que le dévouement de tant de frères et soeurs, souvent dans une admirable générosité, a profondément marqué notre civilisation. Nous leur devons une immense gratitude. C’est la moindre des justices, que de le dire et de le montrer aux quelques-uns qui demeurent encore fidèlement au milieu de nous.

L’Eglise de Jésus-Christ est heureusement plus profonde et plus large que ses fragiles incarnations dans l’histoire. L’Evangile pulsé par l’Esprit-Saint est capable de diffusion ailleurs et même de créativité chez nous. J’avais espéré que les anciennes communautés flétrissantes pourraient être compensées par la vitalité de communautés nouvelles. Heureusement, certaines renforcent encore cette confiance, même si -hélas! de trop nombreuses ont exhibé des difficultés, voire des scandales, qui défrisent mon optimisme chrétien.

«Honorer et remercier nos aïeux qui ont donné leur vie ›à cause de Jésus et de l’Evangile’, ce n’est pas cultiver des cendres, mais transmettre le feu»

A travers tous ces aléas, le Seigneur nous dit sans doute quelque chose d’important, que le prochain synode -espérons-le- va prendre en compte.

Si belles et importantes que soient les vocations dites religieuses, c’est le baptême trinitaire qui est à la base de tout engagement au service du Christ dans la communion de l’Eglise. La vocation à la sainteté, sous toutes ses variations, n’est-elle pas celle de chacun, y compris avec nos limites et même nos péchés? La fin d’un certain cléricalisme devrait sonner le bourgeonnement de nouvelles responsabilités à disposition de tous, hommes et femmes en pleine liberté et égalité.

Des formes inédites, y compris communautaires, vont sans doute émerger pour mieux répondre aux besoins de notre humanité. Enracinées dans le trésor christique de la foi apostolique, ces traductions circonstancielles de la vitalité évangélique doivent épouser beaucoup plus librement la diversité des contextes culturels. Si l’on confond unité et uniformité, on ne pourra que brider, voire paralyser, les inspirations de l’Esprit. Ce qui vaut pour tous les services d’Eglise vaut d’ailleurs aussi pour les ministères ordonnés.

Honorer et remercier nos aïeux qui ont donné leur vie «à cause de Jésus et de l’Evangile», ce n’est pas cultiver des cendres, mais transmettre le feu.

Claude Ducarroz

24 juillet 2023

L'entrée du couvent des ursulines, à Fribourg | © Janusz Sliwinski/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0
24 juillet 2023 | 10:12
par Claude Ducarroz
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