Migrations : les contradictions d’une droite dure
En parlant de droite dure, je ne pointe pas particulièrement un parti politique mais un état d’esprit qui manque singulièrement de largeur de vue et grandeur d’âme sur les sujets sensibles qui occupent la Suisse et le continent européen.
Je parle depuis ma position propre : je suis prêtre et je travaille 7 mois par année en République « démocratique » du Congo, un pays à la dérive au point de vue politique et économique, et 5 mois à la cure paroissiale de Saint-Maurice où je vis avec une famille de réfugiés érythréens.
Il faut le dire clairement il n’est pas souhaitable ni tolérable que des milliers de migrants s’enlisent sur les routes maritimes ou terrestres de l’Europe. Ces gens doivent pouvoir rester chez eux et y vivre une vie digne et décente. Pour une certaine philosophie, issue tant de l’Evangile que des Lumières, chaque humain doit se sentir responsable de tous les autres : cela implique de la lucidité sur la situation de certaines parts d’humanité en énormes souffrances tant matérielles que psychologiques et spirituelles.
Ma famille de réfugiés de la cure de Saint-Maurice a souffert du contexte surmilitarisé de l’Erythrée d’aujourd’hui qui n’offre nulle autre perspective que des casernes ! Mes paroissiens du Congo peinent à sortir des conséquences de la guerre civile de 2017 qui a laissé les populations exsangues, vivant aujourd’hui dans la malnutrition avec moins d’un dollar par jour !
A cela s’ajoute une démographie en Afrique subsaharienne qui déjoue toutes les prévisions et croît de façon exponentielle. Ce ne sont pas les théories morales ou hygiénistes, qui enrayeront la courbe mais le développement. Dès que les familles vivent mieux, le nombre d’enfants décroît. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Il faut impérativement mettre au point des politiques de développement, de solidarité et de lutte contre les malgouvernances.
Si nous voulons que ces populations restent chez eux, et c’est très souhaitable pour tous, il faut impérativement mettre au point des politiques de développement, de solidarité et de lutte contre les malgouvernances.
Or les signaux politiques vont à l’inverse. Récemment notre ministre des affaires étrangères proposait d’assouplir les règles de vente d’armes aux pays en guerre civile (pour ne pas mettre en péril des emplois). De plus nos autorités préfèrent se mettre du côté des multinationales qui pillent, violentent les pays du Sud et les maintiennent dans le sous-développement. Graves manques de largeur de vue ! Ou alors cynisme sans fond.
Sans un changement de vision, des centaines d’Aquarius voudront accoster en Europe
Il est pourtant facile, même avec une pointe de cynisme, de comprendre que si tout l’argent (toujours plus) dépensé à accueillir et à débouter les réfugiés était dépensé pour investir dans les pays du Sud et dans la lutte contre les mafias militaires, économiques et politiques, tout le monde y gagnerait. Certains pays d’Europe commencent à réfléchir dans cette direction ; la Suisse accroîtrait son influence si elle était dans le peloton de tête de ce mouvement. De plus une telle vision s’apparente à la pensée du Pape telle qu’il l’a exprimée notamment dans l’avion au retour de Genève.
Sans un changement de vision, dans peu d’années ce seront des centaines d’Aquarius qui voudront accoster en Europe. Les forteresses tenues par des petits tomberont sous des assaillants trop nombreux ! Essayons d’être grands.
Guy Luisier | 6 juillet 2018
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