Merci aux Africains de Suisse!
Un large sourire aux lèvres, la caissière lance, comme chaque fois que nous passons, un tonitruant «bonjour les enfants!» Elle bippe ensuite les emplettes de la famille comme si c’était la chose la plus enthousiasmante au monde. Sa décontraction a pour effet d’apaiser le léger stress que l’on peut ressentir lorsque l’on doit à la fois remplir rapidement son sac à commissions en commençant à préparer sa carte bancaire, tout en négociant avec la petite dernière qui veut acheter les sucreries innocemment présentées près de la caisse.
Du sourire et de la bonne humeur, il y en a aussi chez les commerçants et professionnels de toutes origines. Mais, d’après mon expérience personnelle et subjective, les employés d’origine africaine ont cette capacité à créer un climat serein et enjoué dans les rapports de clientèle, et au-delà. C’est certainement là un apport ignoré et discret, mais plus que précieux de l’immigration dans notre pays. A l’heure où l’on parle de l’intégration de main d’œuvre «qualifiée», l’on peut se demander, «qualifiée» pour quoi? Technocrates et autres «réducteurs» migratoires forcenés raisonnent évidemment en termes de savoir-faire technique, de données quantifiables. La bonne humeur et la décontraction ne font pas partie des critères décisifs de qualification. Dommage, car ce sont des qualités qui font souvent défaut dans notre pays.
Ainsi, le principe d’enrichissement voudrait que nous tentions d’intégrer à notre société les forces vives dont nous manquons le plus. Il me semble en effet que, dans beaucoup de cultures africaines- qui sont, comme toutes les autres, loin d’être parfaites- existe une capacité de «lâcher prise» dont nous sommes, en Suisse, passablement dépourvus. Je suis sans doute moi-même l’exemple type du citoyen qui, inconsciemment, tente d’appliquer avec zèle le modèle de rigueur et de responsabilité que notre culture nous inculque dès la plus tendre enfance. Non pas que ce «conditionnement» soit en lui-même négatif, mais il me paraît induit en grande partie par la crainte, de ne pas satisfaire l’autorité, de ne pas être à la hauteur, du conflit. Dans d’autres sociétés où, il est vrai, les choses ne marchent pas aussi bien, ces exigences et ces pressions sont souvent relativisées, car regardées à l’aune de défis bien plus grands et d’une peur du manque moins présente. La principale préoccupation du citoyen suisse moyen est de conserver son statut social et sa voiture. Pour l’Africain, c’est plus souvent de pouvoir nourrir sa famille. C’est peut-être cette force de voir ce que l’on a plutôt que ce que l’on risque de perdre, qui est le plus grand apport des immigrés à notre société. Mais pour apprécier pleinement cet aspect, il faut sans doute avoir un regard qui porte au-delà de nos montagnes.
Raphaël Zbinden
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