Guy Luisier

Mami Wata a frappé

Aujourd’hui, émoi au village. Mami Wata a encore frappé. J’ai en effet appris la mort, dans des circonstances étonnantes, d’un jeune papa, prêtre néo-apostolique jusqu’à l’an dernier, devenu non-croyant.

Voici après enquête, ce que l’on raconte dans le village sur la triste fin de ce monsieur.

Il souhaitait s’enrichir rapidement et pour arriver à ce but, avait pris contact avec un féticheur qui lui a donné des fétiches. Par l’intermédiaire de ces derniers, il est entré en contact avec Mami Wata en rêve. Très présente dans l’imaginaire collectif traditionnel et pré-chrétien, Mami Wata, la Sirène, est un monstre (à figure soit masculine soit féminine) de la mythologie primitive congolaise doué de grands pouvoirs généralement malfaisants.

Dans ses tractations avec la Sirène, l’homme en échange de la richesse convoitée devait lui livrer cinq âmes de ses proches parents (sa mère, sa sœur, son deuxième fils, etc.), en livrant symboliquement un morceau de tissu de chacun d’eux. Marché conclu. Mais il se trouve que parmi les dits-parents, certains étaient des croyants pratiquants et priants (chez les catholiques ou chez les néo-apostoliques) et donc le pouvoir de la Sirène était sans effet sur eux. Ils ne sont donc pas morts et le contrat n’ayant pas été rempli, la Sirène s’est retournée contre le monsieur, lui a réclamé 500 $. Comme bien sûr il n’était pas en mesure de réunir une somme aussi colossale, il a donné un sous-vêtement à la Sirène, comme pour se sacrifier lui-même… Peu après il est tombé malade d’une forte fièvre, a été hospitalisé. Mais le traitement n’eut aucun effet. Un jour, un infirmier voit un homme élancé sortir de sa chambre, où ne devaient se trouver que lui et sa femme. L’infirmier demande qui c’était. La dame lui répond que personne n’était là si ce n’est son mari alité et elle. L’infirmier flairant les choses pas nettes invite le malade à retourner en famille pour résoudre les problèmes que la médecine hospitalière ne peut affronter.

L’homme rentre et s’affaiblit progressivement. Et finit par mourir, laissant une veuve et 4 enfants.

J’ai poursuivi mon enquête pour déterminer quel degré de foi on accordait à une telle histoire parmi les chrétiens (toutes confessions confondues). Il me semble (mais cela mériterait des nuances et une étude approfondie) que la majorité croit en Dieu comme puissance bénéfique mais croit aussi à ces histoires de puissances malfaisantes… Une minorité de gens croient que Dieu est tout puissant et protecteur et ne croient pas à ces mythologies. Pour ceux-ci, notre homme est mort d’une violente crise de fièvre jaune.

Guy Luisier

 

PS:
A table un confrère raconte une histoire de mystification avec Mami Wata. Un gars un peu débrouillard a inventé un système sophistiqué pour faire parler la Sirène. Dans une case sombre et très mal éclairée, il a installé un bassin d’eau (la Sirène est toujours proche d’un milieu aquatique) relié à lui par un tuyau. Il invite des quidams qui veulent contacter Mami Wata à entrer dans la case où l’on ne voit pratiquement rien. Il pose des questions en direction du bassin d’eau et répond lui-même à travers le tuyau donnant l’impression que c’est le bassin bouillonnant qui parle!
En ménageant bien les questions et les réponses, il s’est fait son petit pécule.
Je ne sais pas dans quelle église priait ce monsieur, mais c’était un malin!

Mami Wata (Illustration: Wikimedia commons)
16 juin 2014 | 16:39
par Guy Luisier
Temps de lecture : env. 2  min.
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