Le pape trompé, l’Eglise blessée
«Quelque chose, dans le corps ecclésial, est malade»: le constat vient du pape François, en parlant des évêques du Chili. Et aux grands maux, les grands remèdes. Le pape a fait démissionner, le 18 mai, toute la conférence épiscopale chilienne, soit une trentaine de prélats! C’est comme si, à l’échelle de la Suisse, le pape révoquait le mandat de Mgr Morerod, Mgr Lovey, Mgr Gmür, Mgr Büchel, Mgr Huonder et Mgr Lazzeri.
Car, au Chili, le mal est profond. Un rapport de 2300 pages, rédigé après une enquête mandatée suite au voyage chahuté du pape dans le pays andin, parle «de nombreuses situations d’abus de pouvoir, d’autorité et d’abus sexuels». Le portrait dressé par le rapport relève des «négligences gravissimes dans la protection d’enfants vulnérables» de la part d’évêques et de supérieurs religieux. Des prêtres pédophiles, repérés pour certains dès leur entrée au séminaire, ont vu leurs méfaits cachés et même niés et des documents compromettants ont été détruits par l’Eglise. Et les forfaits se sont multipliés.
«Qu’un épiscopat entier soit mis en cause constitue un signal fort»
Il ne s’agit pas de cas isolés. L’Eglise du Chili a failli dans son entier, a constaté le rapport rédigé par Mgr Charles Scicluna, chargé au Vatican d’enquêter sur les viols sur mineurs de la part du clergé. Pour reprendre les mots du pape François, la caste ecclésiale a fini par constituer «des cercles fermés» débouchant sur «des spiritualités narcissiques et autoritaires». L’horreur de tout un système est renvoyée aux évêques chiliens.
Pour la première fois, l’Eglise de tout un pays est sur la sellette. Le pape a été éclaboussé par ces méfaits. Il a d’abord défendu, et vigoureusement, ces évêques, selon la perception qu’il avait des faits. Mais le Saint-Père a été trompé. Et il a dû reconnaître ses erreurs de jugement. Il a finalement convoqué les évêques chiliens au Vatican, durant trois jours, du 15 au 17 mai.
Avec ces affaires, c’est toute l’Eglise catholique qui est blessée. «Nous sommes tous impliqués, moi le premier», a indiqué le pape. Car la «tolérance zéro» à l’égard de la pédophilie est un combat long, éprouvant et sans cesse recommencé. Qu’un épiscopat entier soit mis en cause constitue un signal fort. Espérons que ce geste spectaculaire du 18 mai saura dissuader d’autres évêques de minimiser la gravité de la pédophilie. Car il y va de la crédibilité de l’annonce de l’Evangile. Et de ceux qui s’en font les hérauts.
Bernard Litzler
25 mai 2018
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