Jérôme Jean Hauswirth

Le jeune homme riche ou le récit d’une vocation manquée

Jésus est en route pour Jérusalem. C’est-à-dire qu’il est en route vers la Croix. Vers le don de sa vie. Et voilà qu’un jeune homme arrive, tout essoufflé, et qui se met à genoux devant Jésus. Cet homme aux yeux de notre monde a sûrement tout pour être heureux: il possède la jeunesse et l’argent, la beauté et l’intelligence. Imaginez-le très médiatique comme Paris Hilton ou comme Mark Zuckerberg.

 

Ce jeune homme de l’évangile est donc très riche, il possède de grands biens et surtout il mène une vie droite et honnête. Il pratique les commandements. Que peut-il bien lui manquer? Que peut-il vouloir de plus? N’a-t-il pas tout ce que l’on pourrait désirer?

«Bon Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle?».

Sa demande est remarquable. Alors qu’il a tout, il souhaite avoir LE BIEN LE PLUS PRECIEUX qu’il est possible d’avoir: la vie éternelle. C’est-à-dire, dans le fond, ce que l’on désire tous, la vie qui ne meurt pas, la vie pour toujours. Relevons la finesse de cet homme. Il a compris que ce bien si précieux – la vie éternelle – ne s’achète pas. Vous l’avez entendu, il ne demande pas le prix à payer, mais bien «ce qu’il faut faire pour hériter» de cette vie merveilleuse. Hériter. C’est là le mot clef. Hériter, c’est recevoir ce que l’on n’a pas mérité ou gagné par son travail. Hériter, c’est recevoir par un autre. Hériter la vie éternelle, c’est recevoir, par voie de succession, ce qui nous dépasse infiniment, ce que nous n’aurions jamais pu acquérir par nos mérites. (Car il est ainsi des trésors qui seuls peuvent se recevoir et jamais ne peuvent s’acheter).

 

Bref, ce jeune homme est remarquable parce qu’il désire le bien le plus précieux, et remarquable aussi parce qu’il a réalisé qu’aucune richesse ne peut l’obtenir. Alors, comme il veut hériter de ce trésor incomparable, il interroge celui qui lui paraît être le sage sur cette route de Jérusalem.

 

Et Jésus lui dit: «Une seule chose te manque: va, vends tout ce que tu as, donne le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens, et suis-moi!».

 

Jésus propose ainsi une nouvelle exigence incroyablement difficile: es-tu libre ou esclave? Qui est Maître entre toi et l’argent? Es-tu capable de «tout» donner? Choix radical exigé par Jésus: tout laisser afin que Dieu soit la seule richesse. Rappelez-vous Pierre et André «Et laissant leurs filets et leur père, ils le suivirent» (Mc 1, 18.19).

 

Comprenons exactement ce que dit Jésus. Il ne condamne pas la richesse et les biens terrestres pour eux-mêmes, mais l’attachement exagéré à l’argent et aux biens. Jésus condamne l’argent quand il devient une idole. C’est-à -dire quand on se dit «avec de l’argent, je me procurerai tout ce que je voudrai», quand on croit ou que l’on s’imagine que son bonheur dépend du nombre de billets de milles accumulés à la banque, quand on croit que l’argent fait le bonheur.

De fait, le danger des richesses, c’est d’être possédé par elles. Alors, devenus les esclabes de l’or, on opère souvent d’injustes partages, sa possession permet un pouvoir violent. (Le danger des richesses, c’est qu’elles sont souvent ce que nous n’avons pas partagé. Ainsi, combien des richesses européennes ne viennent-elles pas directement du pillage des ressources des pays pauvres ? Le danger des richesses, c’est encore l’illusion de nous suffire par nous-mêmes, et de nous aveugler quant aux besoins élémentaires de nos proches (le riche et Lazare en Lc 16)).

Aujourd’hui, les Etats-Unis sont surendettés à cause des deux guerres contre l’Irak et l’Afghanistan. Les pays membres de la zone euro ont créé une monnaie unique sans les structures gouvernementales capables de garantir sa valeur. Ils ont accepté des niveaux de dette par nation tout à fait indécent. Et les conséquences tragiques commencent à se mettre en lumière avec la Grèce notamment. Les Etats comme les familles vivent à crédit. La surconsommation de masse détruit notre environnement et met en péril notre avenir. L’argent pour l’argent détruit l’emploi et la valeur du travail au seul profit des spéculateurs.

 

Citons Clément d’Alexandrie (IIIe siècle). «Celui qui blottit sa richesse en son cœur, au lieu du Saint Esprit; celui-là garde en lui ses terres, il accumule sans fin sa fortune, et ne s’inquiète que d’amasser toujours d’avantage; il ne lève jamais les yeux vers le Ciel; il s’embarrasse dans le temporel, car il n’est que poussière et il retournera à la poussière. Comment peut-il éprouver le désir du Royaume, celui qui, au lieu du cœur, porte un champ ou une mine, lui que la mort surprendra fatalement au milieu de ses passions? Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur (Mt 6, 21).»

 

Et alors Jésus de lui dire: «… vends tout ce que tu as, …, et tu auras un trésor dans le ciel ;…». On a l’impression que Jésus demande quelque chose comme un transfère de fonds. Non pas sur un compte secret dans un pays louche qui serait sur liste grise, mais bien plutôt de transférer ses richesses… au Ciel. Vous entendez bien: un transfert de fonds de la terre au Ciel!

 

Saint Augustin disait en ce sens que «de nombreuses personnes se fatiguent à enterrer leur argent sous terre, pourquoi ne pas l’enterrer… au ciel, où il serait bien plus en sûreté et où on le retrouverait, un jour, pour toujours?». Mais comment faire pour enterrer son argent au Ciel? C’est tout simple, poursuit saint Augustin: «à travers les pauvres, Dieu te donne des messagers. Ils se rendent là où tu espères aller un jour. Dieu en a besoin ici, sur terre dans le pauvre, et il te le rendra quand tu seras là-bas, au Ciel.» Notre vocation commune est ainsi d’être comme des canaux qui conduisent l’eau (et non pas d’être des lacs artificiels qui la retienne).

Dans le fond, le seul véritable trésor auprès duquel tous les autres ne comptent plus, c’est l’intimité avec Jésus, le cheminement avec lui au long d’une route sur laquelle il ne faut pas être encombré (Mc 6, 8). En somme, ce que nous rappelle l’évangile de ce jour, C’EST QUE LE TRESOR PRINCIPAL, LE BIEN LE PLUS PRECIEUX, LA VIE ETERNELLE, CE BIEN SUBLIME NE SE VEND ET NE S’ACHETE PAS. Les réalités les plus précieuses ne sont pas à vendre. Elles sont à recevoir. Comme un don. Et qu’est-ce qui dispose à recevoir ce don?

 

«Viens, et suis-moi!» dit Jésus.

 

SUIVRE JESUS EST DESORMAIS POUR CHACUN DE NOUS LA SEULE VOIE QUI CONDUISE A LA VIE ETERNELLE. Suivre Jésus, c’est ce qui dispose à recevoir le don de la vie éternelle. Il est le chemin qui conduit au bien le plus précieux.

 

Dans le fond, finalement, Jésus nous appelle tous à un amour de préférence: «M’aimes-tu plus que ta voiture, tes meubles, tes bijoux, ta télévision, ton ordinateur?».

 

Oui Seigneur, nous sommes faits pour toi et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi.

Notre repos, ce n’est pas plus de revenu ou d’épargne, mais te préférer à nos trésors d’or et d’argent.

Aide-nous Seigneur à te suivre sur le chemin de la vie éternelle.

Oui, je le crois de tout mon cœur: Tu es le chemin, la Vérité et la vie éternelle.

 

Amen.

 

Père Jérôme Jean

10 octobre 2012 | 12:23
par Jérôme Jean Hauswirth
Temps de lecture : env. 5  min.
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