Évangile de dimanche: Un renoncement qui délivre
Renoncer à soi-même, se renier soi-même… Oh! comme l’expression de Jésus dans l’Évangile de ce dimanche chatouille désagréablement nos oreilles! Elle a néanmoins fait fortune dans la spiritualité chrétienne, pour le meilleur et parfois le pire.
À noter que le mot grec utilisé par Marc apparaît dans une seule autre circonstance dans les Évangiles, à savoir le reniement de Pierre. Intéressant non? Deux moments où l’apôtre se trouve au centre de la scène: ici, au beau milieu de l’Évangile de Marc où il brille par sa confession de foi pour se faire immédiatement rabrouer et traiter de Satan par le Messie; puis au terme de l’Évangile, au cours de la Passion de Jésus où, loin de se renier lui-même, Pierre en vient à renier Jésus. Entre «ne pas se renier soi-même» et renier l’autre, il n’y a vraisemblablement qu’un pas.
«Entre confesser que ‘Jésus est le Messie’ et le connaître vraiment, il y a tout un chemin»
Mais entre confesser la messianité de Jésus («Tu es le Messie») et le connaître vraiment, il y a tout un chemin. Un chemin de croix, un chemin de renoncement à nos représentations souvent erronées de Dieu. Un chemin de rencontre de l’autre dans ce qu’il est vraiment, un chemin que seul l’autre peut nous ouvrir, car la porte qui mène à ce qu’il est ne s’ouvre que de l’intérieur. Un chemin qui nécessite de s’effacer pour laisser l’autre être lui-même et se communiquer. Cela vaut pour toutes nos relations humaines.
Si l’on aborde quelqu’un avec le désir de trouver en lui ce qui nous convient ou dont nous aurions besoin, nous ne le découvrons pas lui. Il ne fait que nous servir de miroir. Parfois, le moment de la première rencontre est vraiment la découverte de l’autre comme autre que nous-même. Puis, on se récupère et on projette sur lui nos propres besoins et attentes. C’est ce qui se passe pour Pierre vis-à-vis de Jésus: que Jésus soit le Messie, Jésus lui-même atteste que c’est le Père qui l’a révélé à Pierre. Il a ouvert une porte de l’intérieur de Dieu, si l’on peut dire, et cela s’appelle la Révélation. Mais voilà que Pierre se récupère et décide de ce que doit être le Messie: quelqu’un qui ne subira ni la souffrance ni la mort.
En posant les questions à ses disciples: «Au dire des gens, qui suis-je?» et «pour vous qui suis-je», Jésus n’exprime pas un souci de reconnaissance de son identité. Il s’apprête plutôt à révéler qui il est. Et cette révélation est aussi une rectification. Pierre en fait les frais!
«Le renoncement de soi auquel Jésus invite afin de le suivre, c’est d’abord lui qui le vit, en son humanité et en sa divinité»
Le renoncement/reniement de soi auquel Jésus invite ceux qui veulent le suivre, c’est d’abord lui qui le vit en son humanité laquelle marche vers la passion et la mort. Et aussi et d’abord en sa divinité qui n’est que désappropriation du Fils vis-à-vis du Père dans l’Esprit.
Pierre résistera longtemps et cette résistance culmine dans le reniement trois fois répété lors de la passion. Il faudra une autre question de Jésus à Pierre, et la puissance révélatrice de la résurrection pour que celui-ci se renie lui-même: «Pierre, m’aimes-tu?». C’est dans l’humilité que l’apôtre laisse l’amour de son Seigneur opérer en lui le chemin du renoncement à soi. Alors a lieu la vraie rencontre. Pierre connaît vraiment qui est Jésus à ceci qu’il est délivré de lui-même.
Sr Anne-Sophie Porret OP | Vendredi 13 septembre 2024
Mc 8, 27-35
En ce temps-là,
Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples,
vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe.
Chemin faisant, il interrogeait ses disciples :
« Au dire des gens, qui suis-je ? »
Ils lui répondirent :
« Jean le Baptiste ;
pour d’autres, Élie ;
pour d’autres, un des prophètes. »
Et lui les interrogeait :
« Et vous, que dites-vous ?
Pour vous, qui suis-je ? »
Pierre, prenant la parole, lui dit :
« Tu es le Christ. »
Alors, il leur défendit vivement
de parler de lui à personne.
Il commença à leur enseigner
qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup,
qu’il soit rejeté par les anciens,
les grands prêtres et les scribes,
qu’il soit tué,
et que, trois jours après, il ressuscite.
Jésus disait cette parole ouvertement.
Pierre, le prenant à part,
se mit à lui faire de vifs reproches.
Mais Jésus se retourna
et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre :
« Passe derrière moi, Satan !
Tes pensées ne sont pas celles de Dieu,
mais celles des hommes. »
Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit :
« Si quelqu’un veut marcher à ma suite,
qu’il renonce à lui-même,
qu’il prenne sa croix
et qu’il me suive.
Car celui qui veut sauver sa vie
la perdra ;
mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile
la sauvera. »
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