Evangile de dimanche: simple Jean
Roulement de tambour, sonnerie du cor. Le crieur public se poste au beau milieu de l’agora avec une solennité d’autant plus grave qu’il ne se déplace jamais à la légère. Il sort pour déclamer les actes de la feuille officielle. La foule cesse toute affaire urgente et accourt, ne sachant ce qui l’attend: mobilisation générale? Nouvelle hausse des taxes? Décès du roi?
«Oyez, oyez! L’an 15 de l’empereur Tibère…» chacun retient son souffle et tremble devant l’illustre galerie des portraits énoncés: on n’égrène jamais tous ces nobles noms pour des prunes. Sept en suivant puis un. Le gratin politico-religieux d’un côté, dans son défilé de tiares, de titres et de parfums d’encens et un pauvre type à l’odeur de chameau de l’autre. Ça ressemblerait à une farce si entre les deux l’axe vertical de la balance n’avait pour nom: parole de Dieu.
Dans sa brillante mise en scène, l’évangéliste poste les Immobiles comme des statues sur leurs trônes et quitte leur théâtre de marionnettes pour filer la trace du premier qui se met en route. «Jean parcourt toute la région du Jourdain…» Il y a donc Rome, la capitale de l’Empire à un bout, l’étalage d’une partie de ses propriétés au milieu et un désert quelconque à l’autre bout.
«Jean ne joue pas au perroquet, mais souffle sur la braise, ressuscite Isaïe, révèle sa saveur enfouie sous les sables.»
Un peu comme si, pour sortir du marasme institutionnel ambiant, il fallait semer quelque chose d’inédit ailleurs, dans un endroit inattendu. Rien de tel qu’un désert pour planter un nouveau décor. La frugalité des lieux offre la vertu du dépouillement. Médailles, froufrous et mondanités pâlissent de ridicule devant la vérité du désert. La seule piste viable, dans cet espace austère ne mène pas à Rome comme tous les chemins du monde, mais à l’être. Même Jésus inaugure son ministère dans ces paysages arides.
Le silence qui habite Jean creuse un nid à la Parole. Il ne raconte pas sa vie, ne témoigne pas de son vécu, n’invite pas même à le suivre. Il fait écho, seulement. Ou mieux, il ravive la flamme. L’écho s’estompe à chaque répétition jusqu’à se noyer dans le vide. A force de rabâcher il dit toujours un peu moins. Jean ne joue pas au perroquet, mais souffle sur la braise, ressuscite Isaïe, révèle sa saveur enfouie sous les sables, mijote un plat tout chaud. Des effluves nouveaux surgissent d’une vieille recette. Les prophètes se succèdent, la Parole demeure et les mots de Dieu jamais ne vieillissent. «Convertissez-vous!» clament-ils.
Bigre! Ces mots-là grincent avec leurs relents d’amertume. Ils sentent plus fort le bâton que la carotte. Ils suggèrent pourtant une question mieux adaptée à nos oreilles contemporaines: «dis, et si tu regardais autrement? ou ailleurs?» Dans ce monde gris et menaçant aux certitudes frivoles et aux autorités capricieuses, le Seigneur vient et il t’invite à la vie.
Didier Berret | Vendredi 3 décembre 2021
Lc 3, 1-6
L’an quinze du règne de l’empereur Tibère,
Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée,
Hérode étant alors au pouvoir en Galilée,
son frère Philippe dans le pays d’Iturée et de Traconitide,
Lysanias en Abilène,
les grands prêtres étant Hanne et Caïphe,
la parole de Dieu fut adressée dans le désert
à Jean, le fils de Zacharie.
Il parcourut toute la région du Jourdain,
en proclamant un baptême de conversion
pour le pardon des péchés,
comme il est écrit dans le livre des oracles d’Isaïe, le prophète :
Voix de celui qui crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur,
rendez droits ses sentiers.
Tout ravin sera comblé,
toute montagne et toute colline seront abaissées ;
les passages tortueux deviendront droits,
les chemins rocailleux seront aplanis ;
et tout être vivant verra le salut de Dieu.
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