Évangile de dimanche: Question de justice … et de bonté
C’est quoi au fond le problème avec les richesses pour que Jésus en fasse ainsi l’objet d’une comparaison exorbitante, en tout cas très orientale, dans l’Évangile de ce dimanche? Il serait «plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu»! Plus facile? Mais c’est impossible! Et l’impossibilité est physique: chameau trop gros pour trou trop petit.
Et pour le riche? Certes il est trop gros, enflé de ses biens, mais pourquoi l’entrée du Royaume est-elle si étroite? Dieu sait que nous avons besoin de biens pour vivre, lui qui nous a créés nécessiteux et dépendants, et qui ne cesse d’être notre Providence déjà par l’œuvre de la création de laquelle nous recevons notre subsistance.
«Thomas d’Aquin va jusqu’à dire que le fait de voler de quoi survivre n’est pas un péché»
Eh bien, le problème, il est là. Et il est physique aussi car il relève de la nature en sa gestion. Dieu a créé un monde naturellement capable de pourvoir à la vie de tous, et tous n’ont pas de quoi subsister. Le problème de la richesse c’est qu’elle n’est pas partagée. Et cela c’est contre-nature dans le plan de Dieu pour l’humanité.
Aussi, quand Jésus invite le jeune homme si vertueux et au cœur si rempli du désir de la vie éternelle, à vendre ses biens et à les distribuer aux pauvres, il n’entend pas seulement l’alléger dans sa marche à sa suite. Il ne diabolise pas non plus les richesses et ne demande pas de les abandonner dans un coin. Il fait en sorte que ces biens soient utilisés pour leur juste fin laquelle est universelle. Avoir de quoi vivre est un dû. Saint Thomas d’Aquin va jusqu’à dire que le fait de voler de quoi survivre n’est pas un péché. C’est simplement prendre ce qui nous est dû, car les biens élémentaires sont destinés à tous.
«Donner aux pauvres est donc une question de justice: le premier pas pour entrer dans le Royaume de Dieu»
Donner aux pauvres est donc une question de justice, et pratiquer la justice est le premier pas pour entrer dans le Royaume de Dieu. Jésus a amené doucement son interlocuteur à cela en nommant au début de leur échange uniquement les commandements relatifs aux relations avec le prochain comme chemin vers la vie éternelle. Tous relèvent d’un rapport juste à l’autre et le jeune homme les a observés. Mais il n’est pas juste d’être riche quand il y a des pauvres.
Puis Jésus invite le jeune homme à le suivre. Et ce n’est pas autre chose que de vendre ses biens au profit des pauvres. Car le suivre c’est suivre le Désapproprié par nature, celui qui n’a rien retenu pour lui afin de n’être que don aux pauvres que nous sommes.
«Qui n’a rien ne peut offrir que lui-même: Le don de soi devient offrande de soi et enrichit celui qui en est bénéficiaire»
Mais Jésus n’est pas que pauvre. Il est généreux. Qui n’a rien ne peut offrir que lui-même. Le don de soi devient offrande de soi et enrichit celui qui en est bénéficiaire. Le Christ nous enrichit de sa pauvreté comme le dit saint Paul. De là vient l’abondance promise à ceux qui ont tout quitté pour suivre Jésus. Le centuple «en ce temps déjà» relève peut-être du «tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu.» (1 Co 3, 22-23) S’inscrire dans un don, et tout recevoir en retour, gratuitement. Pas pour s’enrichir, mais pour être généreux à notre tour.
Ainsi Dieu, le seul bon, nous fait entrer dans sa propre bonté par son Fils en qui nous devenons héritiers du Royaume. Voilà ce qui est possible à Dieu et impossible à l’homme.
Sr Anne-Sophie Porret OP | Vendredi 11 octobre 2024
Mc 10, 17-30
En ce temps-là,
Jésus se mettait en route
quand un homme accourut
et, tombant à ses genoux, lui demanda :
« Bon Maître, que dois-je faire
pour avoir la vie éternelle en héritage ? »
Jésus lui dit :
« Pourquoi dire que je suis bon ?
Personne n’est bon, sinon Dieu seul.
Tu connais les commandements :
Ne commets pas de meurtre,
ne commets pas d’adultère,
ne commets pas de vol,
ne porte pas de faux témoignage,
ne fais de tort à personne,
honore ton père et ta mère. »
L’homme répondit :
« Maître, tout cela, je l’ai observé
depuis ma jeunesse. »
Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima.
Il lui dit :
« Une seule chose te manque :
va, vends ce que tu as
et donne-le aux pauvres ;
alors tu auras un trésor au ciel.
Puis viens, suis-moi. »
Mais lui, à ces mots, devint sombre
et s’en alla tout triste,
car il avait de grands biens.
Alors Jésus regarda autour de lui
et dit à ses disciples :
« Comme il sera difficile
à ceux qui possèdent des richesses
d’entrer dans le royaume de Dieu ! »
Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles.
Jésus reprenant la parole leur dit:
« Mes enfants, comme il est difficile
d’entrer dans le royaume de Dieu !
Il est plus facile à un chameau
de passer par le trou d’une aiguille
qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. »
De plus en plus déconcertés,
les disciples se demandaient entre eux :
« Mais alors, qui peut être sauvé ? »
Jésus les regarde et dit:
« Pour les hommes, c’est impossible,
mais pas pour Dieu ;
car tout est possible à Dieu. »
Pierre se mit à dire à Jésus :
« Voici que nous avons tout quitté
pour te suivre. »
Jésus déclara :
« Amen, je vous le dis :
nul n’aura quitté,
à cause de moi et de l’Évangile,
une maison, des frères, des sœurs,
une mère, un père, des enfants ou une terre
sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple :
maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres,
avec des persécutions,
et, dans le monde à venir,
la vie éternelle. »
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