Bernard Miserez

Évangile de dimanche: Et si l’Amour était passage?

Tiens donc. Voilà qu’aujourd’hui, Jésus félicite son interlocuteur. La question du scribe était courante. Elle faisait l’objet de débats entre rabbins. «Quel est le premier de tous les commandements?»

Jésus répond à la demande et ajoute un second commandement: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de plus grand commandement que ceux-là.» Comme le disait, un jour, un vieux rabbin : «Quand on touche au premier commandement, c’est le deuxième qui en fait les frais.» Inséparables ces commandements, ils appellent le tout de l’Homme: tout ton cœur, toute ton âme, tout ton esprit et toute ta force. Autrement dit, ils sont à la mesure de Dieu et révèle la totalité de l’Amour.

Le scribe accueille les paroles de Jésus et les reprend à son compte. Il y ajoute un détail d’importance capitale. Il comprend que l’amour dont il est question surpasse tout. Aimer Dieu et son prochain vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. Alors Jésus lui dit: «Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu.» Habituellement, quand Jésus parle du Royaume, il parle en paraboles. Ici, il dévoile quelque chose du mystère de ce Royaume et cet Amour-là en manifeste la proximité.

C’est dire que le Royaume de Dieu n’est pas une étrangeté dans nos vies. Il est présent comme la soif d’aimer, comme le désir de se donner. Les commandements que Jésus évoque au scribe ne font pas partie du Décalogue. Le premier commandement cité par Jésus vient du Livre du Deutéronome 6, 4-5 et le second est tiré du Livre du Lévitique 19, 18. Ils ne sont pas plus importants que les autres commandements, ils sont «plus grands» parce qu’ils contiennent tous les autres.

«A y regarder de près, chaque vie humaine, tissée dans la trame de l’amour, devient un passage incontournable pour aimer Dieu et pour se laisser aimer par Dieu.»

Ainsi, aimer est ce qu’il y a de plus grand. Tout peut se vivre dans l’amour. Tout peut s’accomplir par amour. Mais, l’avez-vous remarqué? Quand Jésus cite les deux grands commandements exprimés dans la forme verbale du futur, «Tu aimeras», il ouvre le chemin à celles et à ceux qui veulent se risquer dans l’amour pour Dieu. Il suggère un détour qui passe par l’amour du prochain. C’est le lieu où se dit la vérité de notre vie. Là, nous faisons l’expérience de la vraie joie, mais aussi de nos limites et de nos peurs. Aimer le prochain pour dire à Dieu l’amour que je lui donne sollicite de moi un dépassement, un surcroît et un débordement.

Si nous pouvons aimer Dieu en passant par l’amour de l’autre, Dieu aussi me dit son amour en s’effaçant dans l’amour dont je suis aimé. Dieu me rejoint aussi par ce détour que feront la sœur et le frère qui m’accueillent et me donnent d’exister et de grandir chaque jour. Au fond, tout amour vrai est sacramentel parce qu’il révèle Son Infini dans la petitesse et la fragilité de son élan.

A y regarder de près, chaque vie humaine, tissée dans la trame de l’amour, devient un passage incontournable pour aimer Dieu et pour se laisser aimer par Dieu. Ce tissage forme déjà la communion des saints «en urgence d’incarnation » comme le rappelait Christian de Chergé, prieur de l’abbaye de Tibhirine, en Algérie. Un beau clin d’œil, cet Évangile, en cette semaine de la Toussaint.

Bernard Miserez | Vendredi 29 octobre 2021


Mc 12, 28b-34

En ce temps-là,
    un scribe s’avança vers Jésus pour lui demander :
« Quel est le premier de tous les commandements ? »
    Jésus lui fit cette réponse :
« Voici le premier :
Écoute, Israël :
le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur.
    Tu aimeras le Seigneur ton Dieu
de tout ton cœur, de toute ton âme,
de tout ton esprit et de toute ta force.

    Et voici le second :
Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. »
    Le scribe reprit :
« Fort bien, Maître,
tu as dit vrai :
Dieu est l’Unique
et il n’y en a pas d’autre que lui.
    L’aimer de tout son cœur,
de toute son intelligence, de toute sa force,
et aimer son prochain comme soi-même,
vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. »
    Jésus, voyant qu’il avait fait une remarque judicieuse,
lui dit :
« Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. »
Et personne n’osait plus l’interroger.

«Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là.» Duccio di Buoninsegna vers 1308. | Wikimedia Commons
29 octobre 2021 | 17:00
par Bernard Miserez
Temps de lecture : env. 3  min.
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