Claude Ducarroz

Deux mystères

Le téléphone sonne. C’est Jacques-André, un ami de longue date, que je n’ai pas revu depuis assez longtemps. Hospitalisé, il souhaite ma visite. Ce qui fut fait évidemment. L’entrée en matière est assez déconcertante. Il veut m’entretenir de deux «mystères», selon ses propres paroles: «Pourquoi ai-je attendu l’âge de trente ans pour devenir athée? et pourquoi toi, qui es intelligent -merci pour le compliment!- n’es-tu pas encore athée comme moi?» Le reste de la conversation fait partie des confidences à respecter.

J’avoue que l’interpellation de cet ami m’a fait réfléchir. Il me semble que l’athéisme et l’incroyance, du moins dans notre monde occidental, gagnent du terrain au point de devenir peu à peu une idéologie dominante.

Certains planent allégrement sur les ailes des progrès scientifiques, techniques et informatiques. On ne voit pas la place d’un Dieu dans cette conjoncture qui recèle le véritable et heureux avenir de notre humanité. D’autres surfent plutôt sur le désespoir suscité par les drames récurrents qui bouleversent notre Histoire. Si Dieu existait, il n’y aurait pas tant de souffrances qui crucifient le monde. Donc…

Aux optimistes sans Dieu et aux pessimistes contre Dieu, s’ajoutent parmi nous des ex-chrétiens dont les nombreuses places restées vides dans nos églises attestent de leur renonciation silencieuse. Ils avaient cru trouver dans l’Eglise une partie de la solution à leurs interrogations existentielles. Or leur Eglise leur apparaît aujourd’hui comme une pénible composante de ces problèmes.

Dans ce contexte, voici qu’éclatent, à la faveur des liturgies pascales, des questions brûlantes de la part de Jésus de Nazareth. A Marie de Béthanie: «Crois-tu cela»  (la résurrection)? Aux disciples d’Emmaüs: «Cœurs lents à croire… Ne fallait-il pas que le Christ souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire?» Aux apôtres: «Pourquoi tant de doutes dans votre cœur?»  A Thomas: «Ne sois plus incrédule, mais croyant… Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu…»

«Nous croyons aussi que le destin de chaque personne dépasse les limites de notre espace et de notre temps»

C’est tout le paradoxe de la présence des croyants dans notre société.  Notre foi elle-même nous invite à rejoindre librement et à aimer sincèrement tout humain, croyant ou non, avec lequel nous partageons pleinement notre belle et humble condition sur cette terre. Notre fraternité universelle est d’autant plus profonde lorsque nous sommes tous ensemble dans les combats pour la dignité de la personne, le respect de la vie, la justice sociale, la paix relationnelle, le soin de la création. Nous croyons, en effet, que l’Esprit de Dieu travaille au cœur de tout homme et femme de bonne volonté, qui suit les inspirations de sa conscience et cherche à faire le bien.

Mais nous croyons aussi que le destin de chaque personne, qu’elle le sache ou non, dépasse les limites de notre espace et de notre temps, parce qu’elle a pour vocation ultime de rejoindre son Créateur et Père dans le royaume de Dieu pour une vie éternelle. Tel est le cadeau offert à tous par le mystère pascal de Jésus Christ. Témoigner de cela, en paroles et en actes: tel est le redoutable et merveilleux service que peuvent et doivent rendre à l’humanité, celles et ceux qui se réclament de Jésus et de son évangile.

Clairement et humblement. En toute amitié, sans barrières et sans frontières.

Claude Ducarroz

12 avril 2023

En Occident, l'athéisme tend à se répandre | © Atheist Foundation of Australia/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0
12 avril 2023 | 07:38
par Claude Ducarroz
Temps de lecture : env. 2  min.
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