Jérôme Jean Hauswirth

«Cette génération ne passera pas avant que tout cela n'arrive»

33e dimanche B (Mc13, 24 -32)
(Des paroles qui demeurent)

Dans toutes les civilisations, dans toutes les religions, les questions sont partout et toujours les mêmes. Qui aura le dernier mot? Quelle sera la fin de l’histoire? L’humanité va-t-elle disparaître? Que sera la fin du monde? Du Bien et du Mal, lequel va gagner le combat?

Il est intéressant de relever que cette fin suscite les mêmes images partout: bouleversements cosmiques, éclipses du soleil et de la lune, apparition d’anges et de démons. Et le cinéma a repris à son compte toutes ces figures. Les effets spéciaux donnent alors force et vraisemblance à ces représentations effroyables : « En ces temps là, après une terribles détresse, le soleil s’obscurcira et la lune perdra son éclat. Les étoiles tomberont du ciel et les puissances célestes seront ébranlées ».

Ce langage est pour nous difficile d’accès. Et de fait, il est codé. Mais à l’époque de Jésus, il était compréhensible par chacun. En apparence il est question de soleils et de lunes, de grands bouleversements, mais en réalité il s’agit de la grande victoire de Dieu contre le mal. Entendez bien : l’apocalypse chrétienne est une révélation de la victoire finale de Dieu, afin de « lever le voile » sur ce qui va advenir, afin que l’homme si prompt à se décourager garde l’espérance. Le message à retenir, c’est que Dieu aura le dernier mot. Le mal sera définitivement détruit. « Courage, j’ai vaincu la mal » dit Jésus.

L’évangile de ce dimanche, selon St Marc, utilise justement ce style apocalyptique. Son message est le même que celui des apocalypses traditionnelles mais inclut cette précision essentielle pour un croyant : la victoire définitive de Dieu, n’est pas pour la fin des temps, elle est acquise, en Jésus-Christ. « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. » dit Jésus. « Alors on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire. » Il rassemblera les élus.

C’est fondamental. Pour celui qui place sa confiance en Jésus, le monde change radicalement. Il prend un sens nouveau. Il n’est plus une lutte incertaine du bien contre le mal, mais, au contraire, il est révélation de la victoire du Bien sur le Mal, de la Vie sur la Mort.

Oui, pour nous croyants, la fin des temps… c’est le moment de la rencontre personnelle avec Jésus. En ce sens, nous pourrions dire que la rencontre personnelle avec Jésus est la fin « d’un monde » plus que la fin « du monde ».

Ici, il est bon de s’arrêter et de distinguer la fin du monde de la fin d’un monde.

Jésus dit en effet : « Cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive ». S’est-il trompé ? Non, cette génération, la génération de Jésus n’est pas passée, en effet, avant que le monde de ses auditeurs, le monde juif, ne passe de manière tragique, avec la destruction de Jérusalem, en l’an 70 de notre ère. Et de fait, la destruction du temple fut vraiment la fin « d’un monde ». Ainsi cette génération, décrite par Jésus, n’est pas passée avant que tout cela n’arrive : ils ont assisté, impuissants, à la fin d’un monde.

En 410 Rome fut mise à sac par les Wisigoths puis par les Vandales. De nombreux grands esprits de l’époque pensèrent de même que la fin du monde était arrivée. Ils ne se trompaient pas de beaucoup. De fait, un monde se terminait, celui que Rome avait construit avec son empire.

De même dans ce sens peut-être, ceux qui, le 11 septembre 2001, devant l’effondrement des Tours jumelles, pensèrent à la fin d’un monde, ne se trompaient-ils pas non plus.

Ainsi est-il des fins dans le monde. Des moments clefs de l’histoire qui marquent des tournants. Vrai pour la vie des civilisations et des nations, mais vrai aussi pour nos vies personnelles marquées par toutes sortes de morts, des fins « d’un monde », des tournants irréversibles, moments clefs et décisifs. Souvent d’ailleurs des moments favorables pour se convertir et réordonner sa vie !

Enfin, cela est vrai aussi pour l’univers dans sa globalité, dans sa totalité, il verra aussi un jour sa fin : ce sera alors la fin ultime « du monde » !

Alors très concrètement, comment faire face à cette fin inéluctable?
« Veillez donc, car vous ne savez ni le jour, ni l’heure ».

La liturgie de ces dernières semaines de l’année liturgique nous oriente résolument vers L’ATTENTE DU RETOUR DU CHRIST ROI, que nous célébrerons dimanche prochain.

Dans le fond, nous ne savons qu’une chose, la seule qui soit certaine : le Seigneur vient ! Quand viendra t-il ? Il ne nous appartient pas de le savoir. Et dans le fond, c’est bien de ne pas le savoir. On serait trop angoissé si on savait. Il est ainsi des choses qu’il est bon d’ignorer.

Mais attention, ignorance n’implique pas inaction. Ce n’est pas parce que nous ignorons le moment exact du retour du Maître, que nous  devons paresser, nous affairer sans rien faire ou alors désespérer injustement.

La bonne attitude, au contraire, est celle de la vigilance, dans l’attente confiante et active. Bref, il s’agit de préparer la venue du Maître, de guetter cette venue, de se réjouir de son retour et EN ATTENDANT, DE FAIRE DE SON MIEUX.

Durant cette attente, un temps nous est donné. Un temps donné pour bien faire, faire alliance, pour collaborer à l’œuvre du Maître.

Ainsi, c’est bien au cœur de « ce monde qui passe », avec ses petites morts, que nous sommes invités à vivre toute l’exigence crucifiante de « la Parole qui ne passera pas ».

Nous sommes invités, au cœur de ce qui passe, à nous accrocher à ce qui demeure.

C’est ici et maintenant que nous avons à approfondir la Parole de Dieu, sans nous soucier « du jour et de l’heure », puisque « nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père ».

Ce chemin difficile passe nécessairement par l’épreuve de nos contradictions. Vous avez remarqué ? C’est étonnant comme on se contredit dans la vie. S’il fallait dessiner la contradiction, peut-être que l’on dessinerait une croix. Parce qu’elle est une croix, la contradiction. Et rien ne dégage autant d’ombre et de lumière qu’une croix. Mais la grande espérance chrétienne illumine nos croix : Jésus ressuscité n’a-t-il pas ouvert une brèche dans l’absurdité de nos souffrances et de notre mort ? Jésus donne sens à tout : y compris nos contradictions, y compris à la nuit de la croix.

Regardez bien, aujourd’hui déjà, les premiers rayons du Jour de Dieu déchirent nos ténèbres, et chaque Eucharistie nous permet d’anticiper le Banquet du Royaume
où le Seigneur nous attend.

Oui, dans quelques instants, le Christ va se manifester parmi nous, « avec grande puissance et grande gloire ». Préparons-nous à le voir avec les yeux d’une foi renouvelée, et à l’accueillir dans un cœur brûlant de charité.

Seigneur, la fin du monde n’aura pas lieu le 21 décembre 2012.
Personne ne connaît ni le jour ni l’heure.

Par contre Seigneur, il est des mondes qui doivent mourir,
parce qu’ils ont fait leur temps.

Apprends nous à discerner les signes des temps.

Que nous n’ayons pas peur de la fin du monde,
que nous puissions vivre notre fin comme un passage vers toi.

Seigneur, je t’aime et je t’attends.

Amen.

Père Jérôme Jean.

15 novembre 2012 | 13:22
par Jérôme Jean Hauswirth
Temps de lecture : env. 5  min.
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