AVS, climat, covid… nécessaires et difficiles prévisions
Le grand économiste J.M.Keynes distinguait le risque de l’incertitude. Le premier peut faire l’objet d’un calcul de probabilités. Sa gestion est la spécialité des assureurs. Ceux-ci sont capables de prévoir la probabilité des accidents dans de nombreux domaines. De même pour le risque de maladie ou de décès si l’on raisonne sur de grands groupes. Idem pour le réchauffement climatique, qui est un risque. Ses prévisions sont l’objet de calculs scientifiques. On est sûr aujourd’hui que les températures moyennes sont supérieures de 1,5° à ce qu’elles étaient il y a dix ans. Et elles vont continuer d’augmenter, malgré l’intervention humaine.
L’incertitude intervient dès que la liberté humaine est présente. Les prévisions sont alors aléatoires. C’est le cas de la natalité par exemple. Nous sommes incapables de prévoir la natalité dans dix ans. Il en va de même pour le fonctionnement du marché du travail ou l’immigration. Cette dernière va continuer à croître mais elle dépend énormément de la conjoncture dans nos pays et du contexte politique dans les pays de départ. Toute prévision dans ce domaine est problématique. On est ici dans un contexte d’incertitude. Compte tenu de ce constat, il est hasardeux de faire des prévisions pour l’AVS au-delà de l’année 2030. Le contexte économique et social peut avoir profondément changé.
«Une partie de la population connait les informations mais ne les croit pas»
Nous ne pouvons pas inscrire dans le marbre une règle qui assurerait dans 30 ou 40 ans une retraite certaine à nos jeunes. Affirmer le contraire, c’est faire fi de l’incertitude et des changements que connaîtront nos sociétés. On ne peut qu’être prévoyant. Pour faire des prévisions économiques et sociales, il faut se limiter aux connaissances données par les sciences appuyées par les probabilités. Toute autre proposition relève de l’art divinatoire.
Les prévisions étant faites, encore faut-il les croire. Aujourd’hui on assiste à une baisse de confiance dans les résultats scientifiques. On l’a constaté au moment de l’épidémie de covid 19. Des mouvements ont systématiquement mis en cause des données médicales. Une partie de la population connait les informations mais ne les croit pas. Cette absence de passage de la connaissance à la confiance est encore plus vraie en matière de climat. Les stations fribourgeoises savaient que l’enneigement à moyenne altitude sera de plus en plus hasardeux. Mais la majorité n’a pas agi. Elles n’y ont pas cru et doivent aujourd’hui envisager leur avenir sans neige dans un contexte financier difficile.
«Si l’on veut que nos jeunes aient un monde vivable, il faut croire à ce que disent les experts scientifiques»
Les élus valaisans savaient que le réchauffement climatique va fragiliser durablement les infrastructures routières et villageoises: bâtiments, ponts, routes et tunnels. Des études sur le sujet ont été réalisées il y a plus de dix ans. Les travaux nécessaires aux réparations coûteront beaucoup d’argent et il faudrait mettre en place un fonds à cet effet. Et pourtant les Conseillers d’Etat veulent prioriser l’extension de l’aérodrome de Sion pour attirer la clientèle étrangère. Ils ne voient pas que le monde naturel a changé et que l’on doit placer au premier plan le développement durable, si l’on veut préserver la mobilité de la population.
Pour renforcer notre capacité d’action, il faut améliorer et diffuser les savoirs scientifiques. C’est un des rôles de la presse et des services publics. Mais cela ne suffit pas. Il faut ouvrir nos pensées à de nouvelles données et ne pas se contenter de prolonger nos réflexes passés. Les pouvoirs publics peuvent y aider par des incitations financières. Mais la décision est de notre responsabilité. Si l’on veut que nos jeunes aient un monde vivable, il ne faut pas se contenter de s’informer. Il faut croire à ce que disent les experts scientifiques et agir malgré l’inconfort que cela provoque.
Jean-Jacques Friboulet
27 mars 2024
Les droits de l’ensemble des contenus de ce site sont déposés à Cath-Info. Toute diffusion de texte, de son ou d’image sur quelque support que ce soit est payante. L’enregistrement dans d’autres bases de données est interdit.