Marie Larivé

Aujourd’hui tu seras avec moi

Méditation de Carême (6)

Quand j’étais enfant, je me souviens d’un jour où des témoins de Jéhovah étaient venus toquer à la porte. Au lieu de les chasser, ma mère les avait invités à débattre à la table en pierre, sous le tilleul du jardin.

Elle m’a rapporté ensuite qu’ils avaient discuté d’un passage précis sur lequel ils n’étaient pas d’accord. Dans leur bible, lorsque Jésus s’adresse au bon larron qui lui demande de le sauver sur la croix, il était écrit: «Je te le dis aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis». Alors que dans la traduction des chrétiens, il est écrit: «Je te le dis: aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis» (Lc 23, 43). Et ma mère m’avait dit: la place de cette virgule change tout. Soit on nous dit aujourd’hui, qu’un jour on sera au paradis. Soit on nous dit qu’aujourd’hui même, là tout de suite, on sera au paradis.

Alors, il ne faut pas trop chercher à recouper en détail tout ce récit fait de souvenirs d’enfant. Ce n’était peut-être pas des témoins de Jéhovah, le débat était peut-être plus large. Peu importe. Ce «aujourd’hui» et sa virgule m’habitent depuis. Et je me remémore cet échange à chaque fois que je lis ou entends ce passage. Et me saute au visage à chaque fois, le fait que le salut n’a donc rien de lointain. C’est bel et bien aujourd’hui que le bon larron sera au «Paradis», avec le Christ, c’est bel et bien aujourd’hui que nous sommes sauvés. La foi n’est pas un vague horizon qui permet de mieux vivre, comme un opium. C’est l’accueil de ce salut pour notre vie présente.

«Toute la hâte de Jésus est contenue et déborde dans ce ‘aujourd’hui’»

Le salut n’est pas une promesse lointaine, il est pour aujourd’hui. Le mot salut peut être un peu angoissant car il semble brandi tel une menace: occupe-toi de ton salut, songe à ton salut… Il semble être celui qui peut nous faire échapper aux flammes de l’enfer. Je crois que le salut, c’est bien plus simple. Ça n’a rien de si extraordinaire ou d’inaccessible.

Sauvé signifie que rien dans nos failles, nos limites, nos manquements et nos péchés n’est définitif. Sauvé renvoie vers le désir d’un monde qui réponde au désir de Dieu pour nous. Un monde où la justice et la dignité de chacune et chacun sont respectées; où l’amour tisse nos liens; où chaque personne peut trouver sa place et a connaissance du fait qu’elle est chérie, et qu’elle a de la valeur. Sauvé est la certitude que nos plus grandes souffrances ne sont pas le dernier mot. «Tout sera bien» (Julienne de Norwich), finalement.

Toute la hâte de Jésus est contenue et déborde dans ce «aujourd’hui». Même encore à cet instant, le salut est donné, de la même façon que lors de sa vie publique. Même quand il y en a tant qui ne l’ont pas écouté, même en train de mourir sur la croix, il propose encore le salut, plus encore, bien sûr, il le donne, pour qui y consent. La hâte déborde, déborde encore, même à l’agonie.

Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis.

Marie Larivé

14 avril 2025

Le Christ et le bon larron | Le Titien, vers 1566
14 April 2025 | 16:58
by Marie Larivé
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