Berne: L’observation des retours forcés par la FEPS ne fait pas l’unanimité

Une mission délicate et souvent incomprise

Berne, 28 septembre 2011 (Apic) Cinq observateurs mandatés par la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) surveillent depuis début septembre les vols spéciaux de renvois d’étrangers. Leur mission, d’une durée de 6 mois, ne fait pas l’unanimité au sein de l’Eglise protestante. Certains la jugent contradictoire avec l’engagement de l’Eglise en faveur de l’asile, rapporte le bulletin «La vie protestante» d’octobre 2011 des cantons Neuchâtel / Berne / Jura.

Au terme de leur mandat, les observateurs feront des recommandations pour améliorer ce qui peut l’être. «Si cela ne fonctionne pas à la fin de l’année, alors ce sera l’échec du projet», explique Simon Weber, directeur de la communication de la FEPS, dans un article signé par Anne Buloz. Il regrette l’amalgame fait par certains opposants à cette décision: «Ils confondent souvent deux choses: le renvoi et l’observation de quelque chose qui existe. Lorsque la loi a été acceptée en votation populaire, nous avions précisé vouloir nous assurer concrètement de la manière dont les choses se passent», affirme Simon Weber.

Si le CICR a refusé ce mandat d’observation, la FEPS l’a accepté alors qu’elle avait combattu la loi sur l’asile lors de la votation en 2006. «C’est un dossier délicat, la situation de ces personnes est extrêmement difficile et pénible. Le Conseil de la FEPS a accepté le rôle de médiation et de modération au nom de l’être humain et de la défense de ses droits», explique le directeur de la communication.

Incompatible avec l’engagement de l’Eglise au côté des réfugiés

Un point de vue qui ne convainc pas certains collaborateurs des Eglises protestantes actifs dans le domaine de l’asile notamment. Nicole Andreetta, de l’aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d’asile (AGORA), juge cette implication contraire au document «Aux côtés des réfugiés» de 1985. «Les moyens pour renvoyer les personnes venues en Suisse chercher de l’espoir sont disproportionnés et sans respect de la dignité humaine. Pour moi, avoir accepté ce mandat est incompatible avec l’engagement de l’Eglise au côté des réfugiés et contraire à son éthique. Les Eglises doivent conserver leur liberté d’expression pour être une force d’interpellation», lance-t-elle dans «La vie protestante».

Antoinette Steiner Delacrétaz, aumônière du centre d’enregistrement et de procédure (CEP) de Vallorbe, a écrit, avec d’autres collègues, au chargé de migration à la FEPS pour exprimer ses regrets face à l’acceptation de ce mandat. Elle dénonce également le manque de concertation avec les acteurs de terrain. «Aucun de mes collègues travaillant dans les aumôneries de l’aéroport ou des centres d’enregistrement n’a été consulté», déclare-t-elle dans «La vie protestante». Antoinette Steiner Delacrétaz estime que ce n’est pas le rôle des Eglises de faire en sorte que les choses se passent le moins mal possible. «J’ai face à ce choix un peu le même réflexe que face à une exécution capitale. Est-ce que l’Eglise devrait y assister pour s’assurer que l’exécution ait lieu dans les meilleures conditions et que le condamné ne souffre pas trop ou devrait-elle être devant une prison pour protester? Je ne suis pas d’accord avec de tels traitements, comme le fait d’être entièrement entravé», affirme l’aumônière du CEP.

Ces voix dissonantes n’étonnent ni ne heurtent Simon Weber. «Cela paraît normal, dans un dossier aussi délicat, que tout le monde ne soit pas du même côté». D’autres personnes, dont des gens d’Eglise, ont au contraire apprécié le courage de la FEPS, selon le directeur de la communication.

Walter Schmid, membre du conseil de fondation de l’Entraide protestante suisse, approuve la décision de la FEPS. «Les Eglises s’engagent aux côtés des réfugiés», a-t-il affirmé dans «La vie protestante». «Et elles doivent continuer à s’y intéresser lorsque les plus vulnérables, ceux qui n’ont plus de statut, sont expulsés». Il souligne cependant l’importance, pour que cette mission ait un sens, de revendiquer l’indépendance et de se montrer critique.

Encadré:

D’entente avec la Fédération des Eglises protestantes de Suisse, l’Office fédéral des migrations (ODM) a nommé et formé cinq observateurs indépendants pour surveiller les vols spéciaux de renvois d’étrangers. Leur mission consiste à assurer le contrôle de l’exécution des renvois relevant du droit des étrangers tel que prévu par la directive sur le retour. Il s’agit d’un projet pilote d’une durée de six mois. L’Office fédéral des migrations (ODM) a confié, au mois de juin, ce mandat de contrôle à la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). Ces observateurs prennent place à bord des vols spéciaux.

(apic/vp/com/bb)

28 septembre 2011 | 16:40
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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