«Une déliquescence des valeurs fondamentales!»

Neuchâtel: L’Etat ne reconnaît plus les services funèbres des Eglises, tollé

Neuchâtel, 26 septembre 2011 (Apic) Les Eglises neuchâteloises déplorent la «vision purement comptable» du gouvernement. Le Conseil d’Etat de la République et Canton de Neuchâtel ne veut en effet plus reconnaître les cérémonies funèbres organisées par les trois Eglises reconnues, à savoir les Eglises réformée évangélique du Canton de Neuchâtel (EREN), catholique romaine et catholique chrétienne. Ces dernières se disent «stupéfaites» par cette décision, qui survient dans le sillage du renoncement de l’entreprise Philip Morris à payer sa contribution ecclésiastique.

Pour le Conseil d’Etat, la cérémonie funèbre relève d’un choix religieux individuel que l’Etat n’a pas à reconnaître. Les trois Eglises reconnues s’insurgent contre cette vision, rappelant à l’Etat neuchâtelois que le coût des services d’intérêt général assumés par les trois Eglises reconnues s’élève à 5 millions de francs, soit presque quatre fois le montant de la subvention de l’Etat.

Président du Conseil synodal de l’EREN, Gabriel Bader a confié lundi 26 septembre son incompréhension à l’Apic: les aumôneries d’hôpital sont toujours reconnues par l’Etat, mais au moment du décès, plus question de reconnaître les services des Eglises… Outre une vision étroitement comptable, et tout en reconnaissant la nécessité pour l’Etat de faire des économies», G. Bader estime que c’est «une décision politique désastreuse…. Une déliquescence des valeurs fondamentales!»

«Est-il possible, dans le Canton de Neuchâtel, qu’une personne décédée soit mise en terre sans autre forme de cérémonie sous prétexte qu’elle n’est pas croyante ou qu’elle n’a pas d’argent», se demandent les Eglises du Canton de Neuchâtel dans un communiqué commun publié lundi 26 septembre 2011. «C’est ce que le Conseil d’Etat imagine, en décidant de ne pas reconnaître les cérémonies funèbres organisées par les trois Eglises reconnues».

Cela signifie, poursuivent les Eglises, «que les personnes qui n’ont pas une telle attente religieuse et qui n’ont pas les moyens de s’offrir les services d’un organisme privé, peuvent, selon la vision du Conseil d’Etat, être mises en terre sans aucune forme de reconnaissance de leur contribution au bien public».

Cette discussion intervient à la suite du renoncement de l’entreprise Philip Morris à payer sa contribution ecclésiastique (soit une perte de 1,5 million de francs qui contraint les Eglises à supprimer de nombreuses prestations sociales en faveur de la population). Pendant plus de 30 ans, les Eglises reconnues d’intérêt public du canton de Neuchâtel avaient bénéficié de l’important soutien financier de cette grande entreprise du canton. Dans ce contexte, le Conseil d’Etat avait proposé aux Eglises de repenser la subvention de l’Etat, sur la base d’une étude chiffrée des prestations des Eglises reconnues. Ces dernières ont rendu cette étude au Conseil d’Etat, démontrant que le coût des services d’intérêt général assumé par les trois Eglises reconnues s’élève à 5 millions de francs.

L’Etat restreint les services reconnus, pour ne pas augmenter sa subvention

Le Conseil d’Etat a ainsi décidé de restreindre les services qu’il pouvait reconnaître de manière à ne pas augmenter la subvention actuelle. Dans les prestations qui ne sont plus reconnues figurent les services funèbres.

«Stupéfaites» par une telle prise de position, les trois Eglises reconnues ont interpellé les députés au Grand Conseil sur cette question. En effet, à leurs yeux, tout être humain, quels que soient ses croyances, son statut social ou encore sa réputation, a droit à une cérémonie qui souligne publiquement la valeur de cette vie qui se termine.

Les Eglises reconnues organisent des services funèbres non pas seulement en réponse à des attentes religieuses mais pour offrir à toute personne un espace de reconnaissance digne, indépendamment de ses moyens financiers. La Constitution du Canton de Neuchâtel souligne pourtant la responsabilité de l’Etat: «l’Etat tient compte de la dimension spirituelle de la personne humaine» (Const, art. 97), rappellent les trois Eglises.

«Si l’Etat n’est pas en mesure de garantir que tout être humain soit honoré devant ses pairs au moment de la mort, que reste-t-il de cet article constitutionnel ? La dimension spirituelle ne relève-t-elle pas en premier lieu de la question du sens de la vie, mis en cause au moment de la mort ?», estiment-elles.

Un rappel des pires moments de l’histoire

Les trois Eglises reconnues sont déterminées à défendre les intérêts de la personne humaine, au-delà de toute distinction sociale, morale ou religieuse. «Une société dans laquelle il faut justifier le droit à une reconnaissance publique relèverait d’une barbarie qui ne correspond ni aux valeurs républicaines, ni à celles véhiculées par l’histoire du pays de Neuchâtel. Imaginer que sous des prétextes religieux ou économiques, l’on se contente de mettre en terre des personnes décédées sans aucune possibilité de reconnaissance publique rappelle les pires moments de l’histoire».

Les trois Eglises ont donc invité les députés à interpeller le Conseil d’Etat sur sa compréhension de l’article 97 de la Constitution et sur ce qu’il attend des Eglises reconnues dans les services jusqu’ici reconnus comme étant au service de la collectivité. (apic/eren/com/be)

26 septembre 2011 | 17:54
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
Partagez!