Pakistan: La dissolution du Ministère des minorités suscite la crainte chez les chrétiens
Montée alarmante de l’islamisme dans le pays
Islamabad, 2 juillet 2011 (Apic) La dissolution du Ministère fédéral des minorités par le gouvernement d’Islamabad suscite la crainte non seulement chez les chrétiens du Pakistan, mais également chez les hindous et les sikhs. Quelques mois à peine après l’assassinat du ministre catholique Shabhaz Bhatti (1), abattu le 2 mars 2002, cette dissolution ravive les craintes des chrétiens qui voient disparaître ce que certains considéraient comme leur dernier rempart contre la montée alarmante de l’islamisme au Pakistan.
C’est le 1er juillet qu’est entré en vigueur le 18e amendement constitutionnel, voté par le Parlement puis approuvé par le gouvernement le 28 juin dernier, qui décentralise sept fonctions ministérielles, dont le Ministère fédéral pour les minorités religieuses. Ces fonctions sont désormais affectées aux provinces
L’ensemble des minorités chrétiennes, mais aussi hindoues, sikhs et ahmadis, qui subissent les conséquences de l’islamisation et de la montée de l’extrémisme au Pakistan, ont dénoncé unanimement un «amendement constitutionnel auquel elles n’avaient pris aucune part».
Vaine intervention des Etats-Unis
Akram Masih Gill, qui s’est vu retirer ses fonctions de ministre des Minorités religieuses, a lui aussi bataillé en vain afin empêcher le vote de ce remaniement constitutionnel. Catholique comme son prédécesseur, il a organisé des débats au Parlement et plus récemment encore de grandes manifestations regroupant les différentes minorités religieuses au Pakistan. La disparition du ministère des Minorités avait déjà failli passer en force il y a quelques mois, mais avait été annulé in extremis peu avant la mort de Shahbaz Bhatti, grâce à l’intervention des Etats-Unis.
Pour les chrétiens, cette mesure, pressentie depuis l’assassinat de Shabhaz Bhatti en mars dernier, «fait disparaître de l’agenda du gouvernement central toutes les préoccupations concernant les droits des minorités. C’est comme si l’on assassinait Shabhaz Bhatti une deuxième fois», déplore une source locale, citée par «Eglises d’Asie» (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris (MEP).
Des garanties reçues du Premier ministre Youssouf Raza Gilani
Un prêtre de Lahore n’hésite pas à prédire que ce sera un «feu vert» donné aux fondamentalistes pour de nouvelles agressions, violences et persécutions contre les chrétiens. Malgré la dissolution de son ministère, Akram Gill a tenu vendredi 1er juillet à rassurer les minorités religieuses en déclarant avoir reçu des garanties du Premier ministre Youssouf Raza Gilani pour que leur protection soit assurée et qu’une partie des fonctions de l’ancien ministère des Minorités soit réintégrée au sein du tout nouveau mais encore mal défini Ministère fédéral pour l’harmonie interreligieuse et les droits de l’homme.
Dans le flot des réactions qui ont suivi l’annonce, le 29 juin de l’adoption du 18e amendement, Nazir Bhatti, président du Pakistan Christian Congress (PCC), a dénoncé la manoeuvre prévisible du gouvernement pour affaiblir davantage les droits des minorités. Soulignant le fait que désormais les chrétiens seraient écartés de toute législation au niveau fédéral, il a soutenu que la seule solution qui leur restait pour ne pas être à la merci des islamistes était de créer une nouvelle province à majorité chrétienne, au sein du Penjab, où ils seraient à l’abri des conséquences du 18e amendement.
De son côté, Julius Salik, ancien ministre fédéral et président du World Minorities Alliance, une ONG de défense des droits de l’homme, a rappelé que la présence des chrétiens au niveau fédéral était cruciale, car ils devaient faire face à la discrimination, l’injustice et la persécution, de façon permanente et que ces problèmes ne pouvaient se résoudre qu’au niveau national et non pas provincial.
Une vision des choses à laquelle ont souscrit tous les responsables des minorités religieuses, qui ont dénoncé le fait que les dynasties politiques locales, déjà très puissantes, pourront désormais nommer responsables des minorités des personnes qui leur seraient inféodées et empêcher de venir au jour bon nombre d’affaires liées aux lois anti-blasphèmes (2) et aux règlements de compte entre communautés.
(2) Les lois anti-blasphème actuellement en vigueur au Pakistan punissent de la peine de mort toute offense faite à Mahomet, et de la prison à perpétuité toute profanation du Coran, sur la base des articles 295-B et 295-C du Code pénal. Dénoncées par les militants des droits de l’homme au Pakistan comme à l’étranger, ces lois, qui s’appuient essentiellement sur la dénonciation, n’ont cependant jamais autant été appliquées que ces derniers mois dans le pays. Diverses affaires récentes ont mobilisé l’attention internationale (comme celle d’Asia Bibi, une mère de famille chrétienne du Penjab condamnée à mort, et les récents assassinats de Salman Taseer et Shabhaz Bhatti). (apic/eda/be)