Un défi incontournable pour la nouvelle Turquie
Turquie: «Missio Aachen» déplore le manque de droits garantis aux communautés religieuses
Aix-la-Chapelle/Aachen, 12 juin 2011 (Apic) La reconnaissance juridique des communautés religieuses – qui n’ont toujours pas de «personnalité juridique» – est un passage crucial pour la Turquie moderne. «Il s’agit d’un droit essentiel qui est également le présupposé fondamental en vue du plein exercice de la liberté religieuse», estime Otmar Oehring à l’occasion des élections législatives du 12 juin en Turquie. Ce dernier est le chargé des Droit de l’homme à «Missio Aachen» (à Aix-la-Chapelle), le bureau des Oeuvres pontificales missionnaires en Allemagne.
Dans un entretien accordé à l’agence d’information vaticane Fides, Otmar Oehring insiste sur les carences du système des droits garantis en Turquie aux communautés religieuses.
Les Eglises n’ont pas de «personnalité juridique»
En effet, aucune d’entre elles n’existe officiellement pour la loi turque. Il manque une réglementation qui reconnaisse la «personnalité juridique» aux Eglises et autres communautés avec toutes les conséquences qui en dérivent (impossibilité de détenir une propriété, de stipuler des contrats, d’avoir des salariés, de gérer des écoles, de lancer des projets, de disposer de publications, etc.).
La communauté islamique sunnite (qui est majoritaire dans le pays), tout en n’ayant pas de statut légal indépendant, explique Oehring, voit au moins sa vie et ses activités protégées et ordonnées par le biais de la référence à la «Diyanet», la Présidence des Affaires religieuses qui dépend directement du Premier ministre. Les autres communautés en revanche, sont des «communautés fantômes» en ce qu’elles vivent un paradoxe: «elles sont présentes, mais c’est comme si elles n’existaient pas».
La Turquie peut-elle vraiment être qualifiée d’Etat laïc ?
«Le gouvernement de l’AKP (le parti du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan) n’a pas fait preuve d’un engagement réel en matière de reconnaissance de la liberté religieuse pour tous et non seulement pour un groupe», remarque Oehring. «Cette situation singulière soulève également la question de savoir si la Turquie peut vraiment être qualifiée d’Etat laïc. La personnalité juridique est l’un des aspects du problème: des changements en ce qui concerne l’attitude de l’Etat, de la société et la mentalité commune sont nécessaires, tout comme sont nécessaires des modifications de la Constitution et du Code civil. Autrement la Turquie échouera dans sa tentative de répondre aux obligations et de réaliser les aspirations dans le respect des droits de l’homme», poursuit-il.
La reconnaissance légale – explique Otmar Oehring – est fondamentale dans le cadre des relations entre l’Etat et la religion. En la niant, «on empêche de facto aux membres des communautés religieuses d’exercer pleinement la liberté de culte et de religion et d’en jouir». Un exemple positif dans ce sens consiste dans l’histoire de l’orphelinat de Buyukada, confisqué par l’Etat en 1964 et restitué au Patriarcat oecuménique de Constantinople à la fin de 2010. «L’affaire représente une admission implicite de la part de l’Etat du fait que les légitimes propriétaires existent même si, légalement, ils ne sont pas reconnus».
Pour remédier à de tels problèmes, affirme Oehring, il est urgent que la législation soit modifiée et les Eglises et communautés religieuses minoritaires demandent tout d’abord au nouveau gouvernement l’abolition de l’article 101 (§ 4) du Code civil qui interdit aux communautés religieuses d’obtenir le statut légal de «fondations». «Tant que les communauté religieuses n’auront pas le statut légal, elles seront dans l’impossibilité d’agir de manière responsable et autonome», note Oehring. «Tout cela – conclut-il – représente une violation des droits de l’homme, qui doivent être garantis aux personnes et aux communautés» et se trouve à la base de nombreux problèmes sociaux et religieux de la Turquie moderne. (apic/fides/be)