Québec: Un maire part en croisade pour défendre la prière au conseil municipal

Jean Tremblay ne tremble pas devant le verdict du Tribunal

Montréal, 18 février 2011 (Apic) Le maire de Saguenay (Québec), Jean Tremblay, a invité les citoyens de sa ville à faire des dons pour défendre la prière au conseil municipal, le 16 février 2011. Cet appel fait suite à sa décision de s’opposer au jugement rendu, le 11 février dernier, par le Tribunal des droits de la personne du Québec, qui a interdit la récitation de la prière au début des séances du conseil municipal et qui demande le retrait d’une statue du Sacré-Coeur ainsi que d’un crucifix dans les salles de Chicoutimi et de La Baie où se déroulent ces assemblées, rapporte Radio Ville-Marie.

Le 16 février dernier, Jean Tremblay, fervent catholique, s’est dit profondément déçu de la décision condamnant la ville de Saguenay à payer 30’000 dollars à Alain Simoneau, un citoyen qui a lancé la procédure judiciaire au nom de la liberté de conscience, et au Mouvement laïque québécois. Selon le Tribunal, la récitation de la prière au début des séances contrevient à «l’obligation de neutralité des pouvoirs publics et porte atteinte à la liberté de conscience des citoyens». Le maire a déclaré qu’il fera appel contre ce verdict, tout en demandant aux citoyens de le soutenir financièrement dans cette «croisade». «C’est probablement la première fois dans l’histoire du monde, qu’un maire est arrêté de faire la prière et est puni pour l’avoir récitée», a déploré Jean Tremblay.

Succès de la collecte de dons

Les dons des citoyens doivent permettre de financer les frais qui découleront de la procédure en appel. Saguenay ayant déjà dépensé près de 60’000 dollars en frais de justice, le maire ne voulait plus utiliser l’argent des contribuables. «Les gouvernants québécois sont particulièrement mous à défendre ce qui fait notre identité», a déclaré le maire. «Ma position reflète le voeu de la majorité des citoyens, à 90% catholiques».

L’appel lancé à la population le 16 février dernier n’a pas tardé à porter ses fruits: «Nous avons recueilli plus de 10’000 dollars et certains dons – dont celui d’une station de radio de Saguenay – ont atteint 1’000 dollars», a révélé un collaborateur de la mairie québécoise à l’agence AFP.

Un débat élargi

Selon Radio Ville-Marie, ce débat dépasse largement les frontières de la ville de Saguenay. Même si le Tribunal des droits de la personne du Québec vient d’ordonner le retrait de symboles religieux d’édifices publics, au nom de la neutralité de l’Etat, – ceux de la Ville de Saguenay en l’occurrence -, il n’est pas question pour le gouvernement de décrocher le crucifix de l’Assemblée nationale. C’est ce qu’a affirmé Hugo D’Amours, le porte-parole du premier ministre Jean Charest, le 14 février. Hugo D’Amours rappelle que l’Eglise a joué un rôle important dans l’histoire du Québec et que le crucifix en est un symbole. Le porte-parole a aussi souligné que l’Assemblée nationale campera sur la position prise en mai 2008, soit le vote à l’unanimité en faveur d’une motion gouvernementale affirmant que le crucifix resterait en place.

Le porte-parole répondait à la présidente du Mouvement laïque québécois, Marie-Michelle Poisson, qui estime que la décision du Tribunal des droits de la personne «pourrait avoir des répercussions jusqu’à l’Assemblée nationale, où le crucifix qui y trône est très controversé». Marie-Michelle Poisson s’est aussi dite prête à poursuivre les démarches en vue de faire interdire la prière à Saguenay. Selon Radio Canada online, elle contredit cependant le maire, qui affirme qu’il est le premier à subir un tel jugement. «Qu’un maire est empêché de faire sa prière, il ne faut pas chercher très loin au Québec. Il y a eu un précédent et c’était à Laval, en 2006.»

Une laïcité à deux vitesses?

De son côté, la ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles, Kathleen Weil, a refusé de commenter cette affaire. Le 14 février, selon Radio Ville-Marie, elle a toutefois rappelé que le maire Jean Tremblay pouvait faire appel de la décision du Tribunal.

Pour la critique «péquiste» (membre du Parti québécois, dans l’opposition, ndlr), Louise Beaudoin, le Québec nage en pleine «incohérence» sur ces questions. «Pourquoi la Cour suprême permet-elle le kirpan (arme symbolique s’apparentant à un poignard, portée par les Sikhs orthodoxes, ndlr) dans les écoles, alors que le Tribunal des droits de la personne nous dit que la prière ne peut pas être récitée, et que le crucifix ainsi que l’image du Sacré-Coeur doivent être enlevés?», demande la députée, qui juge que le débat sur la laïcité a été occulté. Et de renchérir: «Le gouvernement Charest porte la responsabilité de cette incohérence parce qu’il soutient une laïcité à deux vitesses, à la pièce, à la carte. Il faudrait s’entendre sur des règles communes».

Des propos que le gouvernement Charest a réfutés, toujours selon Radio Ville-Marie. Pour les dirigeants, il ne peut de toute façon exister de «règle absolue» en la matière. Pour sa part, le Mouvement laïque québécois a déploré qu’il «n’existe aucun texte législatif déclarant explicitement la laïcité de l’Etat, de l’action gouvernementale et de ses agents». L’Union des municipalités du Québec, quant à elle, suggère à ses membres de remplacer la prière par une période de recueillement. C’est ce que font la majorité des grandes villes du Québec depuis des années. Une proposition dont le maire de Saguenay ne veut pas entendre parler. (apic/radiovillemarie/radiocanada/afp/nd)

18 February 2011 | 11:06
by webmaster@kath.ch
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