Fribourg: Il y a 40 ans, les soeurs Hospitalières de Fribourg partaient pour le Rwanda
Alors que les Européennes n’ont plus de vocations, les Africaines reprennent le flambeau
Fribourg, 25 novembre 2010 (Apic) Il y a 40 ans, le 14 décembre 1970, les trois premières soeurs Hospitalières de Fribourg partaient pour le Rwanda. Aujourd’hui, les sœurs ont pris racine dans le «Pays des mille collines». Sur place, on ne rencontre plus aucune Européenne depuis 2008: la greffe a pris et la communauté – qui compte déjà une quarantaine de religieuses – se développe grâce aux vocations locales, tandis qu’à Fribourg, la maison mère n’a plus de relève depuis longtemps.
A une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Kigali, la capitale rwandaise, les sœurs Hospitalières, fidèles à leur charisme de service aux malades et aux pauvres, se sont installées à Kabgayi (*), à la maison régionale des sœurs Hospitalières de Béthanie et tout à côté à Gihuma. Elles sont également à Nyamata (c’est là qu’elles sont arrivées il y a 40 ans) et à Ruhuha ainsi qu’à Muyange, dans le diocèse de Cyangugu, près du Lac Kivu, à la frontière de la République démocratique du Congo.
L’enthousiasme est partout présent, malgré le souvenir douloureux des violences meurtrières qui ont décimé la population civile rwandaise durant 100 jours au lendemain de l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président du Rwanda Juvénal Habyarimana, qui coûta également la vie au président burundais Cyprien Ntaryamira et à l’équipage de l’avion présidentiel. Suite à ces tragiques événements, la maison mère de Brünisberg, au-dessus de Bourguillon, allait accueillir pendant quelques mois, d’avril à septembre, plus d’une trentaine de religieuses rwandaises, hutues et tutsies, qui retourneront petit à petit au pays durant l’année 1995. Quelques professes rwandaises, qui étudiaient à l’Ecole d’infirmières, à l’Ecole d’aides soignantes et à l’Ecole de la Foi, sont restées à Fribourg un peu plus longtemps.
«A cette époque, la Suisse s’était montrée accueillante»
«A cette époque, la Suisse s’était montrée accueillante», note Sœur Marie-Emmanuel Minot, supérieure générale des sœurs Hospitalières de Fribourg, qui nous accueille à la Maison Ste-Marthe, située en pleine campagne, sur le territoire de la commune singinoise de St-Ursen. Cette congrégation est installée depuis 1781 sur les bords de la Sarine, où ses religieuses firent pendant longtemps les beaux jours des hôpitaux de Fribourg, tant à l’Hôpital des Bourgeois qu’à l’ancien Hôpital cantonal. La congrégation des Hospitalières trouve son origine à Beaune, la capitale des vins de Bourgogne. C’est là qu’elle fut fondée pour servir l’Hôtel-Dieu qui a vu le jour en 1443, au sortir de la Guerre de Cents Ans.
Dans la salle de la Maison Ste-Marthe, où les sœurs Hospitalières de Fribourg ont monté une petite exposition sur l’histoire de leur congrégation, voici justement les portraits des fondateurs de cet hôpital destiné à accueillir les pauvres et «rendre plus complètes les œuvres de miséricorde»: Nicolas Rolin, chancelier de Philippe III de Bourgogne, et son épouse Guigone de Salins.
Mais très vite le regard quitte les illustrations de cette époque lointaine, affichées sur le mur, pour plonger dans l’histoire plus récente, celle du départ de trois sœurs de Fribourg pour prendre en charge un dispensaire à Nyamata, un poste missionnaire à 35 km au sud de Kigali. Elles répondaient ainsi à l’appel de Mgr André Perraudin, qui disait que «des paroisses sans religieuses dans ce pays, c’est comme une maison sans maman!». Dans cette zone du Rwanda, il n’y avait aucune infirmière qualifiée et pas plus de dispensaire, pour une population de plus de 25’000 personnes…
C’est alors que Mère Canisia, la supérieure générale de l’époque, va répondre favorablement à l’évêque missionnaire valaisan. Sa communauté diocésaine, attentive aux appels pressants des Eglises du tiers-monde au lendemain du Concile Vatican II – mais déjà sensibilisée par ceux des papes Pie XII et Jean XXIII et de l’évêque du diocèse Mgr François Charrière – va choisir le Rwanda comme point de chute.
Aujourd’hui, les religieuses rwandaises, qui ont pris en mains divers centres de santé, pharmacies, dispensaires, hôpitaux, services sociaux, ont lancé le projet d’un centre d’accueil pour les personnes les plus vulnérables qu’elles ont appelé «Maison Notre Dame de Compassion» (MNDC) de Nyamata. Cet ensemble de maisons, devisé à environ 1 million de francs suisses, devra pouvoir accueillir 90 personnes, dans une «maison des femmes», «maison des hommes» et une «maison des enfants».
La «Maison Notre Dame de Compassion» accueillera les malades du sida
La «Maison Notre Dame de Compassion» vise la prise en charge des personnes vulnérables non accompagnées, des patients porteurs de maladies incurables comme le cancer, mais spécialement le sida. Ce sont des personnes n’ayant pas de familles ou ayant des familles trop pauvres pour les prendre charge. Les religieuses ont remarqué depuis longtemps, au cours de leurs services dans les hôpitaux et centres de santé, que rien n’existe pour accueillir les personnes vulnérables qui devraient rester pour un long séjour dans les hôpitaux ou les centres de santé.
Personne ne s’occupe des malades sans familles ou ayant des familles trop pauvres pour les prendre en charge, que ce soit des adultes ou des enfants orphelins. Le désespoir ainsi que la perte de goût de la vie sont fréquents chez ces malades non accompagnés. Ils nécessitent donc une assistance morale pour les aider à retrouver l’espoir et à se remettre rapidement. C’est pourquoi les sœurs prévoient d’encadrer moralement et spirituellement les personnes désespérées accueillies dans ce centre. La Maison envisage notamment de mettre en place un élevage de gros bétail pour améliorer l’alimentation des personnes hébergées, qu’elle prend totalement en charge.
Un projet tout à fait dans la perpétuation de la mission de la Congrégation des sœurs Hospitalières de Ste-Marthe: «Servir les malades et les pauvres les plus délaissés». Les sœurs de Brünisberg soutiennent leurs consœurs du Rwanda, notamment en cherchant des fonds pour financer ce projet. (Cf. Association des amis des Sœurs Hospitalières, compte 17-49-3, Banque Cantonale de Fribourg).
Encadré
Les sœurs européennes vivent à Brünisberg et à Fribourg
Aujourd’hui, les sœurs Hospitalières de Fribourg d’origine européenne sont toutes retraitées et plus aucune n’est active. L’une des plus jeunes est la supérieure, Sœur Marie-Emmanuel Minot, et la plus âgée a 91 ans. 26 d’entre elles vivent à Brünisberg et 5 à Jolimont, dans la paroisse de St-Pierre à Fribourg. L’an dernier, pour trouver des financements pour le projet «Maison Notre Dame de Compassion» à Nyamata, Sœur Marie-Emmanuel Minot a participé à la 149ème Vente des Hospices de Beaune. Les deux «pièces de charité», enjeu prestigieux de ces enchères de bienfaisance présidées par le chanteur Patrick Bruel et Andréa Casiraghi, fils aîné de la princesse Caroline de Monaco, se sont vendues à 90’000 euros, dont 30’000 euros sont revenus aux sœurs Hospitalières.
(*) Voir les deux DVD réalisés cet automne par Michel Demierre, «De Fribourg au Rwanda – Les sœurs Hospitalières», et «Les sœurs Hospitalières – 40 ans de présence au Rwanda». (apic/be)