Le pays revoit les manuels d’éducation

Maroc: Vers la tolérance en matière de foulard

Rabat, 9 octobre 2006 (Apic) Le Maroc est en train de lâcher du lest sur le port du foulard, spécialement pour les jeunes filles. D’autres pays musulmans suivent le mouvement, de crainte que le voile ne soit utilisé comme un symbole d’extrémisme religieux. En toile de fond, l’émancipation de la femme, qui focalise tous les interdits du Coran.

Outre une attitude de tolérance sur le foulard islamique, au Maroc, d’autres réformes ont eu lieu depuis quelques années, mais toujours sous la vigilance des oulémas et autres dignitaires musulmans

Aujourd’hui, on assouplit les normes en matière de foulard islamique. Dans un livre d’éducation qui subit une réédition, on a supprimé une photo d’une mère et de sa fille portant le foulard. Un verset du Coran qui stipule que les filles doivent endosser le voile a aussi été retiré de l’un des livres d’éducation.

Jusqu’à maintenant mettre ou non le foulard n’était pas un problème au Maroc, comme le relève Richard Hamilton de BBCNews. Sur l’Avenue Mohammed V, la large avenue centrale de la capitale, Rabat, les femmes d’âge mûr portent la robe traditionnelle longue, avec un foulard masquant l’essentiel de la tête. Mais les jeunes femmes portent des habits modernes, des jeans et des t-shirts avec rien d’autre sur leur tête, qu’une paire de lunettes de soleil très mode, en cerceau autour de leurs cheveux.

Certains Marocains proche de la tradition craignent que le pays ne se coupe de ses racines. Je pense qu’il existe une pression venant des Etats-Unis, qui pensent qu’enseigner aux jeunes filles de porter le foulard les mène droit à l’extrémisme», note Abdelkarim El Houichre, de l’Association des maîtres en éducation islamique.

Dans le climat actuel, le gouvernement marocain s’inquiète de tout ce qui peut allumer les flammes du fondamentalisme islamique et ne veut pas que le foulard devienne un signe de ralliement pour les organisations extrémistes.

La barbe ou le voile, signes distinctifs

Le ministre de l’éducation Aboulkacem Samir voit sous le voile la politique. «Tout comme la barbe pour les hommes, le foulard est un symbole politique pour les femmes. Mais nous, au ministère, devons veiller à ce que les livres d’éducation soient compatibles avec tous les Marocains et pas seulement représenter juste une faction politique».

Avec le risque de heurter les traditionalistes. En Tunisie par exemple, note BBCNews, les jeunes femmes portant le voile se sentent harcelées par les autorités, qui n’ont de cesse que les jeunes filles enlèvent le voile à l’école et dans les universités.

Le gouvernement marocain du roi Mohamed VI qui a succédé il y a quelques années à son père, s’oriente vers des réformes juridiques nécessaire à l’option de modernité qu’il promet. Mais il doit aussi être prudent face aux dignitaires islamiques, en ces temps de montée de l’intégrisme.

Ainsi, le 16 janvier 2005 un projet de loi sur les mosquées visant à renforcer le contrôle de l’Etat sur les lieux de culte voyait le jour, instaurant un contrôle législatif sur la construction des mosquées et de leurs sources de financement. Une manière de faire barrage à l’immixtion de la propagande islamiste.

Hassan II a laissé à son fils Mohammed VI un Maroc uni. Mais aussi un royaume où les disparités sociales sont énormes. Redistribution des richesses et réforme fiscale figurent parmi les mesures réclamées.

Le nouveau Code de la famille marocain

Une autre mesure novatrice de poids, en mars 2004, a consisté en la promulgation d’un nouveau code de la famille marocain, percée moderniste par rapport à l’ancienne «moudawana». Même si l’égalité entre hommes et femmes n’est pas encore acquise, on a salué dans les milieux progressistes cette avancée, présentée par l’ambassadeur du Roi du Maroc en Suisse, Mohammed Guedira dans le cadre de la Journée mondiale de la femme, le 8 mars, à Lausanne. Le code est entré officiellement en vigueur en février 2004. Il renforce notablement les droits de la femme. Par exemple, la clause de «l’obéissance de la femme» à son mari est annulée. Quant au divorce, il s’exerce dorénavant sous le contrôle du juge. Mais il reste soumis à des règles différentes, selon que le demandeur est le mari ou l’épouse. Toutefois, la femme peut demander le divorce pour préjudice subi. Elle peut aussi dorénavant conserver, sous certaines conditions, la garde de son enfant, même après son remariage.

La répudiation verbale par le mari n’est plus valable

La polygamie est rendue presque impossible, de fait. Entre autres, la femme peut s’opposer dans le contrat de mariage à ce que le mari prenne une deuxième épouse. De plus, le père d’un enfant né hors mariage a l’obligation de le reconnaître. Au moment du mariage, les époux peuvent établir un contrat stipulant le partage des biens acquis (auparavant tous les biens acquis, durant le mariage revenaient au mari)

«Proposer des réformes n’est pas une mince affaire dans un pays musulman», concluait Mohammed Guedira. Le 16 juillet 2006, en effet, marque un pas en arrière pour les femmes musulmanes. «Les femmes ne peuvent diriger la prière». Le couperet est tombé. Les autorités religieuses du Maroc l’ont décidé: la fonction d’imam est strictement réservée aux hommes. Les musulmanes restent reléguées à l’arrière et doivent prier à voix basse.

La controverse faisait rage depuis la première promotion de femmes prédicatrices, diplômées de l’Etat marocain, en avril 2006. Saisi de la question par le ministre des affaires religieuses, le Conseil Supérieur des oulémas du Maroc (Csom) s’était prononcé contre le fait que des femmes puissent diriger une prière composée d’hommes et de femmes.

La femme ne doit pas élever la voix devant un homme

Dans sa fatwa (décret) le Csom a précisé que faire d’une femme un imam reviendrait à modifier la tradition de la prière. Car, à ce moment, elle se placera devant les hommes, alors que le rituel religieux veut que la femme prie derrière. En outre, dans la même tradition islamique, la femme a l’obligation de prier à voix basse. Dans la société, elle ne doit pas non plus élever la voix en présence ou devant un homme, hormis son époux ou ses parents.

Le Csom a été conforté dans sa décision par le grand mufti d’Egypte, le cheikh Ali Jomaa. On le voit le sujet de l’émancipation féminine est porteur de tous les interdits et significatif du refus des religieux d’introduire une quelconque changement dans la tradition. (apic/ibc/bbcnews/ag/vb)

10 octobre 2006 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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