Différends avec le cardinal Ratzinger et unité avec Benoît XVI
Italie: Message du cardinal Kasper sur l’unité de l’Eglise au congrès eucharistique de Bari
Bari, 25 mai 2005 (apic) Le cardinal Walter Kasper a salué la volonté de son compatriote Benoît XVI de faire de l’unité de l’Eglise l’une de ses priorités. Il s’est exprimé le 25 mai au congrès eucharistique national de Bari (Italie) lors d’une journée consacrée à l’oecuménisme. Par le passé, le prélat allemand avait à plusieurs reprises exprimé des points de vue différents du cardinal Joseph Ratzinger.
Le 24e Congrès eucharistique national a lieu du 21 au 29 mai sur le thème: ’sans le dimanche, nous ne pouvons pas vivre’. Le pape s’y rendra pour célébrer la messe conclusive le 29 mai prochain.
«Nous sommes heureux que le nouveau pape Benoît XVI, dès le premier jour de son pontificat ait, sur les traces de son prédécesseur, déclaré que l’unité de l’Eglise est l’une de ses priorités», a affirmé le cardinal en charge du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens. «Le nouveau pontificat nous a donné l’espérance que de telles attentes ne sont pas de pures utopies». «Espérons vraiment (.) qu’après les grands efforts et les pas importants du pape Jean Paul II, le nouveau pape Benoît XVI aplanisse et ouvre la voie pour une telle perspective». Il a aussi souligné l’importance de percevoir, tant «les difficultés qui ne sont pas à sous- estimer, que les nouvelles chances».
Evoquant les «énormes progrès» dans l’oecuménisme de ces dernières années, le cardinal allemand a évoqué «la présence d’importantes délégations de presque toutes les Eglises et communautés ecclésiales aux funérailles de Jean Paul II et à l’inauguration solennelle du nouveau pontife» comme «un signe» de ce progrès. «Ces deux événements ont montré que l’expression ’Eglises soeurs’ n’est pas seulement un concept abstrait et une parole à bon marché; c’est une réalité».
«Le Saint-Siège, et en particulier le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, sont heureux de ces signes de fraternité et, avec le nouveau pape, ils se sentent engagés à aller de l’avant sur les traces du concile Vatican II et du riche héritage que le pape Jean Paul II nous a laissé», a-t-il encore déclaré.
Le cardinal Kasper a aussi regretté que le dimanche ne soit pas plus souvent célébré. «Oui, sans la célébration du dimanche, nous ne sommes plus identifiables, reconnaissables, distincts des autres, nous ne sommes plus transparents comme chrétiens et, sans identité visible, nous courrons le risque de n’être plus pris en considération, de devenir une réalité insignifiante».
Ne pas s’habituer à la division des chrétiens
Et plus encore, le prélat allemand a souhaité qu’on ne s’habitue pas «à la situation de la division» des chrétiens. «La triste conséquence de la division occidentale a été la sécularisation de la société occidentale qui, après l’écroulement du mur de Berlin, a envahi aussi l’Europe orientale, et à travers la globalisation, a influencé le monde», a-t-il déclaré.
«La raison humaine est devenue la base de la vie publique alors que la foi chrétienne a été réduite et limitée à la sphère individuelle. Voilà l’importance et l’urgence du développement oecuménique». «Une nouvelle évangélisation de l’Europe et une nouvelle inculturation de la foi chrétienne ne sera pas possible sans un nouveau rapprochement des églises et des communautés ecclésiales en Europe», a continué le cardinal Kasper.
Et de rappeler une conversation qu’il avait eu avec Jean Paul II sur la situation oecuménique. «Je me souviens d’une rencontre où je voulais lui faire référence à quelques signes de crise. Il n’a pas voulu écouter ces propos», a-t-il raconté. «Il insistait pour parler des signes positifs. Alors, je suis resté un peu déçu, parce que ces problèmes me tenaient vraiment à coeur et j’attendais un conseil de la part du pape». «Aujourd’hui, je pense que le pape avait raison», a-t-il conclu. «Nous chrétiens, nous ne pouvons pas être des hommes qui se lamentent».
Bari, ville d’accueil du Congrès eucharistique national où repose saint Nicolas, est considérée comme une ville ’pont’ entre l’Occident et l’Orient, qui vénèrent ce saint. «Saint Nicolas aussi pourrait être patron de l’Europe et peut être que le pape, un jour, pourrait le proclamer comme tel. Il pourrait aider l’Europe à dépasser les signes de fatigue et les transformer», a déclaré le cardinal Kasper. C’est à Bari qu’a eu lieu en 1098, sous le pontificat du pape Urbain II, un synode des évêques grecs et latins. C’est aussi un lieu de pèlerinage des fidèles orthodoxes et catholiques, et de développement oecuménique.
Désaccords avec le cardinal Ratzinger par le passé
Le cardinal Walter Kasper a parfois été en désaccord avec le cardinal Joseph Ratzinger sur des questions importantes. Les deux hommes se côtoient depuis 40 ans. En 2001 notamment, les deux prélats et théologiens allemands ont engagé une discussion animée par le biais d’articles et de conférences publiques sur le rôle des Eglises locales et de l’Eglise universelle. Le cardinal Kasper s’était opposé à ce qu’il avait appelé «une emphase rigide» de l’Eglise universelle correspondant à un déclin de l’autorité des évêques dans le monde. Le cardinal Ratzinger arguait alors du fait qu’on ne pouvait pas nier la primauté de l’Eglise universelle sur les Eglises locales, car l’Eglise est une réalité qui dépasse des frontières géographiques.
Par ailleurs, en 1993, le cardinal Kasper, alors archevêque de Rottenburg- Stuttgart, a été l’un de trois évêques allemands qui a laissé des catholiques divorcés et remariés accéder aux sacrements estimant que leur premier mariage était nul. Cette politique avait été arrêtée en 1994 par le Vatican et le cardinal Ratzinger.
En 1999, le cardinal Kasper critiquait à son tour le ton et le contenu d’un document signé par l’ancien gardien de la doctrine de l’Eglise. Dans une série d’interventions publiques en Allemagne, il avait indiqué que le texte Dominus Iesus qui ne reconnaissait pas aux communautés protestantes le nom «d’Eglises» était «trop bref» et remettait en cause le dialogue oecuménique. (apic/imedia/ms/bb)