Brésil: L’Eglise encore sous le choc après l’assassinat de Soeur Dorothy Stang

L’»Ange de la Transamazonienne» a été enterrée à Anapu

Anapu/Para, 15 février 2005 (Apic) Des milliers de personnes ont assisté mardi dans la localité d’Anapu à la cérémonie d’enterrement de Soeur Dorothy Mae Stang, une religieuse américaine naturalisée brésilienne assassinée samedi 12 février par deux «pistoleiros» dans l’Etat du Para. Membre des Soeurs de Notre Dame de Namur, elle était surnommée l’»Ange de la Transamazonienne».

L’Eglise est encore sous le choc après l’assassinat de Soeur de Dorothy Stang, 73 ans, une militante de la Commission pastorale de la terre (CPT) qui fut active durant une vingtaine d’années avec les plus pauvres de la région amazonienne du Para. La religieuse a été abattue samedi de six balles tirées à bout portant dans un endroit isolé de forêt, l’assentamento Esperança, à plus de 40 kilomètres d’Anapu, une localité de 13’000 habitants.

Le Congrès brésilien a tenu une minute de silence à la mémoire de Soeur Dorothy Stang, tandis que ses amis appelaient à faire justice. La religieuse est morte moins d’une semaine après avoir rencontré des responsables gouvernementaux pour les avertir des menaces de morts contre les paysans locaux proférés par les bûcherons qui prennent le bois et les gros propriétaires terriens qui accaparent la terre dans la zone.

Préoccupé par les répercussions nationales et internationales de l’assassinat de la religieuse d’origine américaine, le gouvernement fédéral a envoyé la Police Fédérale pour mener l’enquête, et deux ministres – Nilmario Miranda, chargé des droits de l’homme, et Marina Silva, de l’environnement -, accompagneront l’enquête.

Une «mort annoncée»

La disparition de Soeur Dorothy est la «chronique d’une mort annoncée», a laissé entendre Mgr Jayme Chemello, président de la Commission épiscopale pour l’Amazonie, une émanation de la Conférence nationale des évêques catholiques du Brésil (CNBB). Notons que le travail de la religieuse avait récemment été salué par l’association des avocats du Brésil et les autorités de l’Etat du Para l’avaient nommée «femme de l’année».

Un tribunal a ordonné l’arrestation et la détention préventive de trois individus suspectés de l’assassinat: les trois hommes en question seraient les deux auteurs matériels du crime, «Eduardo» et «Fogoio», et le commanditaire présumé. Il s’agit dans ce cas du fazendeiro Vitor Miro Bastos de Moura, connu sous le nom de «Bida».

Les trois suspects ont été dénoncés par un paysan ayant assisté à l’exécution de la religieuse. Selon la presse brésilienne, dans l’Etat du Para, une trentaine de syndicalistes au moins sont constamment menacés de mort et 19 des 53 victimes enregistrées ces dernières années au Brésil à cause de convoitises foncières sont mortes dans cet Etat.

L’option préférentielle pour les pauvres

Soeur Dorothy Stang avait choisi l’option de Dieu et des plus pauvres, a estimé Dom Erwin Kräutler, évêque de la prélature territoriale de Xingu, dans l’Etat du Para. «C’est une missionnaire qui s’était mise au service du peuple des exclus, une amoureuse de la terre amazonienne, pour qu’elle soit la terre de tous, surtout des plus pauvres, et pas une terre à mettre à sac», a-t-il déclaré à l’agence missionnaire MISNA, basée à Rome.

«Nous demandons l’identification des auteurs matériels du crime et des commanditaires, mais surtout, nous exigeons que le gouvernement, promoteur du projet de réutilisation de la terre amazonienne, que Soeur Dorothy défendait, puisse arrêter définitivement la main criminelle des grands propriétaires fonciers et des commerçants de bois», a ajouté Mgr Kräutler.

«Il est triste de voir qu’aujourd’hui encore, de tels crimes sont encore commis, sous les yeux de tous», a confié, amer, le Père Nello Rufaldi, de l’Institut Pontifical des Missions Etrangères (PIME), collaborateur de Soeur Dorothy. «Son assassinat n’est pas un cas isolé – a-t- il poursuivi – c’est une attaque qui est en cours dans toute l’aire amazonienne et dans les territoires indigènes, du Para au Mato Grosso. Et le gouvernement ne parvient pas à y faire face.»

Toute la communauté catholique locale s’est mobilisée pour les funérailles et les gens sont arrivés par car et par avion à Anapu. Le corps de la religieuse a été ramené à Anapu, où elle travaillait aux côtés des plus pauvres depuis plus de 20 ans et où elle avait demandé à être enterrée. La présence de trois ministres du gouvernement Lula sur place peu après le crime démontre que les autorités soutenaient les activités de la religieuse.

La Commission pastorale de la terre (CPT) souligne que l’assassinat de Dorothy Stang, qui rappelle des temps que l’on pensait définitivement terminés, est le premier d’un membre de la CPT depuis l’arrivée au pouvoir du président Lula.

Message des évêques du Brésil

Par ailleurs, la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB) a exprimé dans un message, signé entre autres par le cardinal Geraldo Majella Agnello, archevêque de San Salvador de Bahia et président de la CNBB, son «immense douleur pour la nouvelle du brutal homicide de la religieuse».

Cette missionnaire assassinée est «une nouvelle victime de la lutte des pauvres pour la terre, pour le travail et pour la vie quotidienne, et de la lutte pour la préservation de l’environnement, dans lequel beaucoup d’intérêts sont en jeu». La CNBB poursuit en qualifiant le meurtre de «vil assassinat». Les évêques du Brésil plaident pour des solutions urgentes, en particulier une vraie réforme agraire, la définition claire des lieux environnementaux à sauvegarder , la démarcation nette des terres indigènes, la présence effective des autorités publiques dans les nouvelles aires d’occupation des terres et le respect des lois», lit-on encore dans leur message. (apic/misna/cnbb/be/vb)

15 février 2005 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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