Aider le Maghreb à combler son déficit de prêtres
Afrique: Collaboration entre les Conférences épiscopales d’Afrique de l’Ouest et du Nord
Dakar, 21 octobre 2003 (Apic) Les Conférences épiscopales régionales d’Afrique de l’Ouest et celle du Nord ont entamé, dans la suite de la dernière rencontre du SCEAM début octobre à Dakar, «un dialogue structuré» pour venir en aide aux Eglises du Maghreb. Ces dernières ont un déficit de prêtres, a annoncé la Conférence épiscopale régionale d’Afrique de l’Ouest (Cerao). «C’est un dialogue des plus importants pour l’avenir de ces Eglises», a souligné le prêtre béninois Barthélemy Adoukounou, secrétaire général de l’organisation.
Regroupées au sein de la Conférence épiscopale de la région Nord-africaine (Cerna), ces Eglise ont abouti à «l’éclosion d’une humanité humble et amicale, à laquelle beaucoup de musulmans sont sensibles et s’ouvrent comme des partenaires d’un dialogue de foi authentique», a souligné l’abbé Adoukounou. Il présentait une communication lors du récent Symposium des Conférences Episcopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM), tenu à Dakar du 1er au 12 octobre 2003.
Selon l’abbé Barthélemy Adoukounou, le dialogue qui a commencé entre la Cerao et la Cerna «doit se poursuivre» par un colloque pastoral. Sans indiquer de date précise pour la tenue de ce colloque, il a précisé, toutefois, qu’il portera sur «les raisons sociologiques et historiques» qui ont conduit à la situation actuelle de l’Eglise au maghreb. Mais, dans l’immédiat, a-t-il dit,»il est urgent d’envoyer du renfort en personnel du sud vers le nord du Sahara». «La responsabilité du missionnaire des Eglises subsahariennes est ici interpellée», a-t-il relevé.
Le christianisme missionnaire n’est pas qu’une affaire occidentale
L’archevêque de Rabat, Mgr Vincent Landel, intervenant au nom de la Cerna, a remercié la Cerao pour l’envoi de religieuses et prêtes. «Ils marquent la catholicité de l’Eglise, et manifestent que le christianisme n’est pas qu’une affaire de l’Occident», a-t-il souligné. Ces prêtres africains viennent de congrégations internationales.
Le chef de l’Eglise catholique du Maroc a relevé. dans cet ordre d’idées, la présence dans le royaume depuis deux ans, de deux prêtres béninois. Un autre prêtre camerounais y est arrivé récemment. «Ils ne viennent pas en tant que spécialiste de l’Afrique, mais pour continuer cette communion du presbyterium qui se veut signe de tendresse de Dieu pour l’homme», a-t-il affirmé.
Sur un autre plan, le secrétaire général de la Cerao, a annoncé qu’au niveau de la pastorale des grands ensembles, la Cerao et l’Aecawa ont entrepris, depuis leur assemblée conjointe de Ouagadougou, en novembre 2002, leur unification. Les travaux juridiques autour des statuts de la future Conférence Régionale Unifiée sont si avancés que l’assemblée générale constitutive, prévue en 2005, pourra «vraisemblablement se tenir».
«L’Eglise se dotera ainsi d’une structure plus efficace pour la maîtrise des problèmes sociaux, des conflits et des guerres, ainsi que des pandémies comme le sida qui déciment les populations». En plus, «la communion à vaste échelle ne risquera plus d’être un vain mot», souligne l’abbé Adoukounou.
Panorama de l’Afrique de l’Ouest francophone
Le secrétaire général de l’organisation a également présenté «un rapide panorama de la vie» de l’Eglise régionale de l’Afrique de l’Ouest francophone depuis 3 ans. Dans ce cadre, il a rappelé que depuis l’assemblée plénière de la Cerao à Conakry en février 2000, l’organisation a commencé à travailler sur un plan d’action, basé sur les résolutions et recommandations des cardinaux, archevêques et évêques membres francophones de l’Afrique de l’Ouest.
Ces résolutions portent notamment sur la question de la vision de l’Eglise, de sa mission, des objectifs et actions avec l’exigence d’une évaluation triennale. A cet égard, il a salué le travail de synergie des 13 commissions et secrétariats, ainsi que des 11 autres commissions et de leur secrétariat. Au cours des 3 ans, ils ont «réussi à faire leur colloque de bilan et de perspective» avec deux nouveautés.
Celles, d’une part, qui a abouti à l’élaboration des deux vade-mecum pour l’inculturation de la liturgie, et sur la catéchèse intitulée: «pour la catéchèse de l’homme nouveau en Afrique». Un vade-mecum sur la théologie de famille qui sera «bientôt sous presse», ne pourra, quant à lui, paraître que s’il est approuvé par tous les évêques membres de la Cerao.
L’autre nouveauté relevée par le secrétaire général de la Cerao est la réflexion ecclésiologique. Elle a démontré comment la communion est l’âme de l’Eglise et comment les trois structures qui la composent, répondent aux trois fonctions du Christ prêtre, prophète et roi.
Vers l’efficacité
Le travail en synergie des 15 commissions et secrétariats a permis d’éviter «le piétinement et l’inefficacité» dues au manque de spécificité et de clarté dans la complémentarité, a fait remarquer encore l’abbé Barthélemy Adokounou.
Selon le secrétaire général de la Cerao, le 2e triennat du nouveau millénaire sera consacré à l’approfondissement du premier plan d’action catholique (Pac). Il mettra l’accent sur la restructuration des secrétariats nationaux, de manière à ce qu’ils soient des centres de coordination des commissions nationales d’action pastorale et des relais efficaces du secrétariat régional vers la base, et de la base vers le secrétariat régional. IBC/SH
Encadré
La Cerna
La Conférence des Eglises de la Région Nord Africaine (Cerna), créé en 1979, regroupe les Eglises du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie et de la Libye. Ce sont des pays où l’Eglise catholique, très minoritaire, ne compte presque que des fidèles étrangers. L’Algérie compte cependant une population plus importante de nationaux chrétiens, y compris des prêtres religieux.
La Cerna accueilli des prêtres, des religieux et des religieuses de tous les continents. Le Maroc par exemple, compte 200 prêtres de 30 nationalités différentes, a déclaré Mgr Vincent Lendel, archevêque de Rabat.
Dans le domaine social, la Cerna s’investit beaucoup en faveur des étudiants et des migrants. Selon Mgr Lendel, de plus en plus d’étudiants d’Afrique subsaharienne viennent dans les universités nord- africaines. Le diocèse d’Alger compte 500 étudiants africains de confession chrétienne. Au Maroc, par contre, il y a entre 7’000 et 8’000 étudiants d’Afrique noire dans les 20 universités du pays. Parmi eux, près d’un millier est de religion chrétienne.
Dans chacun des pays membres de la Cerna, des aumôniers accompagnent les étudiants chrétiens et les aident à réfléchir sur leur vie concrète, leur manière de vivre en terre d’islam, ainsi que sur leur foi, leurs responsabilités de futurs cadres africains, leur retour au pays. Les aumôniers font aussi des baptêmes et des confirmations.
Dans le même ordre d’idées, la Cerna organise chaque année en Algérie et au Maroc, à l’intention des étudiants chrétiens d’Afrique noire, des universités d’été. Elles sont animées par des experts en théologie et des exégétiques d’Europe et d’Afrique au sud du sahara.
La Cerna intervient également auprès des migrants d’Afrique subsaharienne qui veulent rejoindre l’Europe via le Maghreb. Ils y arrivent par tous les moyens. Après avoir traversé le désert du Sahara, certains à pieds, ils arrivent en Algérie et de là, passent au Maroc ou en Tunisie et s’installent même parfois en Libye. Dans certains cas, ils sont renvoyés de l’Europe vers le maghreb. Des cellules de Caritas et de la Cimade essayent de leur venir en aide par de petites actions humanitaires ciblées. «Nous avons très peu de relation avec les pays d’origine» de ces migrants qui partent dans une grande discrétion, «même si nous nous apercevons que des parents ont favorisé ces départs», a encore indiqué Mgr Lendel, au nom de la Cerna.
Dans le domaine des relations interreligieuses, la Cerna, selon Mgr Lendel, a davantage pris conscience que l’Afrique du nord et l’Afrique noire ne vivent pas de la même manière la religion islamique. «Au Maghreb nous considérons que l’islam se veut être un chemin à respecter, un lieu de rencontre qui nous invite à approfondir notre foi pour vivre un dialogue en vérité et pour faire des choses ensemble, au service des hommes et des femmes d’Afrique», a constaté l’archevêque de Rabat.
(apic/ibc/sh)