Paris: La 25eme rencontre de Taizé s’est achevée
APIC Reportage
80’000 jeunes pour porter l’espérance plus loin
Par Jean-Claude Noyé, correspondant de l’APIC à Paris
Paris, 2 janvier 2003 (APIC) La 25eme rencontre européenne animée par la communauté de Taizé s’est achevée mercredi. Les 80’000 jeunes de toute l’Europe qui participaient depuis samedi à ce rendez-vous oecuménique, sont repartis dimanche, après avoir prié pour la «paix» et la «confiance», malgré le contexte international tendu.
Porte Dauphine, à l’ouest de Paris, 600 autocars attendaient les jeunes, dont plus de la moitié venaient d’Europe de l’est, pour les reconduire chez eux. Un autre départ massif en bus était organisé porte de Vincennes, à l’est de la capitale.
Au moins 15’000 familles franciliennes ont accueilli près de 60% des jeunes, le reste des participants au pèlerinage étant logés dans des bâtiments collectifs, prêtés par 150 communes ou paroisses franciliennes.
Un soir de veillée
Hall 4 du parc des expositions, à la Porte de Versailles, l’avant dernier soir de décembre,19 heures. Un bruissement de langues internationales d’où émergent beaucoup de sonorités slaves. Trente mille jeunes (selon les organisateurs) se pressent pour assister à la prière du soir de la rencontre européenne organisée par la communauté de Taizé et écouter frère Roger, son charismatique fondateur.
A l’entrée, une jeune fille porte une pancarte invitant au silence. Au fond du hall, en son centre, des voiles verticales de tissus rouge-orangé éclairés par des spots lumineux et des myriades de bougies rappellent le décor de l’église de Taizé. Sur ce fond coloré propice au recueillement, se détachent une croix et sept panneaux en forme de vitraux reproduisant des scènes bibliques. Devant, une quinzaine de frères de Taizé assis en prière et vêtus d’une aube blanche, tels un repère vers lequel convergent les regards.
Un premier chant, Alléluia répétitif, enjoué et paisible. Les frères se retournent face à la foule silencieuse. Bientôt frère Roger, qui siège au milieu de ses frères, parle, comme dans un souffle à peine perceptible. Mais sa «parole cristalline» (Olivier Clément) porte loin dans les coeurs : «Ce qui est formidable avec le Christ, c’est qu’il ne contraint personne, qu’il ne s’impose pas… A nous d’aimer et de le dire par notre vie». Ces mots simples résonnent comme ceux qu’il a prononcés dimanche dernier à la cathédrale Notre Dame de Paris : «Chacun de nous peut commencer à devenir un foyer de paix là où nous vivons… J’irais jusqu’au bout du monde, si je le pouvais, pour redire ma confiance dans les jeunes générations». Quelques phrases, à peine, suivies d’un silence et notre homme s’en va dans un autre hall porter la bonne Parole.
Malgré l’inconfort
La foule paisible, oubliant l’inconfort des jambes repliées à même le sol en béton, entame à nouveaux ces chants de Taizé qui ont fait sa fortune. Construits autour de quelques mots exprimant des réalités essentielles de la foi, répétés à l’infini, ils veulent rendre la prière accessible à chacun.
Les chants s’enchaînent, en polonais, slavon, italien, espagnol, comme les grains d’un chapelet qu’on égrènerait à plaisir. Comme un silence psalmodié, à peine rompu par l’annonce que des évêques d’Ile-de-France, ainsi que le président de la Fédération protestante de France et le philosophe Paul Ricoeur, sont venus prier avec les jeunes. Longs applaudissements quand on énumère les pays présents dans ce hall :Hongrie, Albanie, Bosnie Herzégovine, Estonie, Lituanie, Tchéquie, mais aussi Haïti, Argentine, Porto-Rico, et bien d’autres. De nouveau des chants, puis un épais silence de dix bonnes minutes pendant lequel on n’entend que le ronflement des souffleries. Un dernier chant en forme d’envoi et la foule se disperse, joyeuse, sereine. Simplicité et beauté de la prière, dans une communion fervente bariolée des couleurs de l’international. Une heure tente a passé sans qu’on ait eu envie à aucun instant de regarder sa montre. C’est sans doute cela la clé de l’éternelle jeunesse de Taizé.
C’était la cinquième fois que le rassemblement des jeunes de Taizé avait lieu à Paris après ceux de 1978, 1983, 1988, 1994 et 2002. L’an dernier, il a eu lieu à Budapest. Le nom de la ville choisie pour le rassemblement de l’an prochain sera annoncé à Pâques.
Qu’ils soient catholiques (environ 85%), orthodoxes ou protestants, les pèlerins de 16 à 30 ans veulent, selon les mots de Frère Roger, «prendre dans leur propre vie une résolution pour la paix», pour «porter une espérance qui éclaire au loin». Les pèlerins repartiront mercredi dans leur pays. Beaucoup reviendront à Taizé (Saône-et-Loire). Ils y sont en permanence entre 1.000 et 6.000, de mars à novembre. JCN
Encadré
Un bilan très positif
Depuis 25 ans, la communauté de Taizé organise fin décembre dans une grande ville européenne un rassemblement international qui a servi de modèle aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ). Selon frère Emile, l’homme «média» de Taizé, l’édition parisienne, millésime 2002, de ce «pèlerinage de confiance» est très satisfaisante. Quatre vingt mille 18-30 ans sont venus de tous les pays (sans exception) d’Europe de l’est et de l’Ouest, ainsi que de trente pays des quatre autres continents. Plus de la moitié sont originaires d’Europe orientale, dont un fort contingent de Polonais (28’000), de Roumains (4’600) ou de Slovènes (3’000) et de Croates (3’000). Une forte participation à mettre au compte des bonnes relations de Taizé avec les Eglises de ces pays.
Côté Europe occidentale, outre la présence française (20’000 jeunes), la délégation italienne n’est pas passée inaperçue avec ses 7’000 membres. Dès le 20 décembre, tous ces jeunes ont trouvé à se loger :40% dans des familles franciliennes, 60% dans des gymnases et autres lieux collectifs prêtés par 150 municipalités de la région parisienne. Textes, prières et conférences ont été traduits en 23 langues afin d’honorer au mieux la dimension internationale.
Les carrefours de réflexion étaient structurés en trois catégories. Ils ont remporté un succès tel qu’il a fallu refuser beaucoup de monde, tant à l’église Saint-Germain des Près (1’000 jeunes, thème: la violence), qu’à la Sorbonne (600 jeunes, thème: la paix) ou même au Sénat (thème: construire l’Europe).
Les représentants des Eglises catholique, protestantes et orthodoxes de France se sont associés à cette rencontre en y envoyant jour après jour des représentants. Autre succès: la bonne couverture médiatique de l’événement, dans la presse écrite, parlée ou télévisée, le tout sur un mode bienveillant. Les frères de Taizé y voient la confirmation que le message de confiance et d’espérance qu’ils portent a plus que jamais besoin d’être entendu. JCN
Encadré
Des Ukrainiennes parlent
Tania, 28 ans, professeur de langue et de littérature ukrainiennes a été séduite par l’unité de foi – qu’elle exprime dans un enthousiaste «One God !» – au service de la paix. Le climat de prière fervente l’a également impressionnée. Quant à Julia, 20 ans, étudiante en médecine, elle venait pour la seconde fois à Paris. Le temps fort de cette rencontre européenne? Sans hésiter elle évoque frère Roger posant sa main sur son front, après qu’elle ait fait la queue 20 bonnes minutes avec des centaines de jeunes qui, comme elle, souhaitaient recevoir sa bénédiction. Quant à Vita, 29 ans, professeur de lettres, c’est une habituée de Taizé puisqu’elle participait à Paris à sa sixième rencontre européenne. Elle apprécie la diversité de chacune de ces rencontres. Et comme ses deux amies, elle est fan des chants de Taizé, des longues pauses de silence. Plus que tout encore, de se retrouver avec tant de jeunes venus des quatre coins d’Europe.
Où ont-elles été logées? Dans une famille du 20° arrondissement de Paris avec qui elle ont partagé un bon repas le 31, avant de reprendre leur bus. Interrogée par l’APIC, la mère de famille, Marie-léa Muceli, psychologue scolaire plutôt agnostique, en tout cas non-pratiquante, s’est dite «frappée par la solidité de ces filles qui semblent avoir un vrai projet de vie et paraissent habitées par une joie devenue trop rare chez nous. Elles ont spontanément chanté des chants traditionnels ukrianiens et ce fut un vrai moment de bonheur». (apic/jcn/pr)
Ukraine: Krechiw, 80 novices basiliens à la campagne (190593)
APIC – Reportage
Les forces montantes de l’Eglise grecque-catholique
Maurice Page, Agence APIC
Krechiw/Ukraine, 19mai(APIC) Pour atteindre Krechiw, un petit village à
une vingtaine de kilomètres de Lviv, notre chauffeur doit demander plusieurs fois son chemin. La signalisation est sommaire et la cirulation est
rare sur les routes défoncées d’Ukraine occidentale. A partir du village,
c’est une route de terre poussiéreuse qui nous conduit au monastère St-Nicolas, le but de notre visite.
Quelques vaches paissent librement dans les champs, gardées tantôt par
des enfants, tantôt par un veillard. Des promeneurs assez nombreux profitent du soleil de ce dimanche après-midi. A gauche sur une pente, le cimetière du village aligne ses croix de pierre ou de bois peintes en bleu.
Au bout d’une longue allée se dessine bientôt le portail du monastère
flanqué d’échafaudages qui indiquent que comme partout en Ukraine on
s’affaire à la reconstruction. Tapis au fonds d’un vallon boisé le
monastère semble hors du temps, hors du monde. Rien de prime abord ne
laisse deviner que ces murs abritent une communauté de quelque 80 jeunes
religieux basiliens âgés de 17 à 25 ans. Comme ailleurs l’église a été le
premier bâtiment restauré. Ses coupoles argentées brillent à nouveau au
soleil de printemps. Sur un banc au pied d’une statue de la Vierge, deux
femmes et un jeune homme discutent.
Depuis sa restitution, le monastère est devenu le postulat et le
noviciat des basiliens, une des principales congrégation masculine de
l’Eglise grecque-catholique. Les jeunes accomplissent ici deux ans de
formation. Après un an de postulat – au terme duquel ils prennent leur nom
et leur habit religieux – puis un an de noviciat, ils rejoignent la maison
mère à Lviv pour se consacrer à l’apostolat notamment dans la presse et les
médias, explique le Père Josaphat Vorotniak, un des responsables de la
maison. Ukrainien de Serbie, né en Voïvodine, la cinquantaine épanouïe, le
Père Josaphat nous fait visiter le monastère. Il parle avec précision et
nuance de la situation des Eglises du pays.
La renaissance d’un couvent séculaire
Si la restauration extérieure est terminée, l’intérieur de l’église est
encore en chantier. Les échafaudages cachent à nos yeux les précieuses
fresques du XVIIIe siècle de ce bel édifice surmonté d’une coupole
circulaire. Les murs sont couverts de nombreux graffitis. «L’oeuvre d’enfants handicapés logés dans ces bâtiments aprés l’expulsion des religieux
en 1948, deux ans après la suppression de l’Eglise grecque-catholique par
Staline en 1946», commente notre guide. Les travaux de restauration sont
financés par le diocèse allemand de Mayence. Au moyen de tentures et de
quelques bouts de tapis le lieu est aménagé pour y célébrer la messe, les
Grecs-catholiques de certains villages avoisinants qui n’ont pas récupéré
leur église y viennent le dimanche. Pour les offices de semaine les religieux ont une autre chapelle où sont conservées deux icônes miraculeuses
vers lesquelles on venait autrefois en pèlerinage.
Avant l’établissement du monastère au XVIIe siècle, des ermites vivaient
déjà dans les grottes des collines avoisinantes. C’est en 1700, un siècle
après le traité de Brest-Litovsk qui fonda l’Eglise uniate que le monastère
de Krechiw rejoint l’Eglise grecque-catholique unie à Rome dont il devint
rapidement un des centres spirituels et culturels importants. Les bâtiments
actuels datent du XVIIIe et du XIXe siècle. En 1991, le gouvernement les a
restitués aux Basiliens, mais n’a pas rendu par contre les autres
propriétés et les terres du monastère. «Nous sommes obligés de racheter des
biens qui nous appartenait autrefois», constate le Père Josaphat. «Nous
avons des ateliers qui s’occupent des rénovations, mais pas d’exploitation
agricole en dehors du jardin et du verger». Les trois tracteurs presque
neufs et les machines parqués dans la cour n’appartiennent pas aux
religieux. Ils sont là uniquement pour les protéger du vol. Evocation
discrète d’une des plaies du pays où seule l’économie parallèle basée le
plus souvent sur le détournement des biens d’Etat permet de subsister.
Un verger, un terrain de football et un jardin
En passant un portail on pénêtre dans le verger en fleurs entièrement
clos par un haut mur en piteux état. «Les gens sont venus se servir des
pierres pour construire leur maison», commente notre interlocuteur. Au fond
on a aménagé un modeste terrain de football pour la détente des novices
dont un petit groupe assis sur les bancs du jardin nous fait un discret salut de la main sans interrompre ses conversations. Un carré de terrain labouré est apprêté pour recevoir les concombres et les tomates, légumes que
l’on retrouve pratiquement à tous les repas en Ukraine. Eléments importants
de la cuisine locale, qui suppléent largement aux pénuries d’autres aliments.
Dans la forêt de l’autre côté du mur, les religieux ont érigé un chemin
de croix qui monte jusqu’au sommet de la colline. «Nous aimerions bien le
sonoriser pour les pélerinages, notamment la fête de St- Nicolas, patron du
monastère, qui attire des milliers de fidèles». Pour cette année, le Père
Josaphat annonce avec fierté la présence du Nonce apostolique. Il attend au
moins 5’000 personnes, bien conscient de lancer un sérieux appel du pied
aux éventuels donateurs occidentaux.
L’horizon du Père Josaphat et des basiliens est loin de se limiter aux
murs du couvent ou aux collines avoisinantes. La Congrégation des basiliens
forme l’aile «romaine» de l’Eglise grecque-catholique d’Ukraine. Elle cultive de nombreux contacts avec les catholiques romains d’Europe occidentale
notamment par l’édition à Lviv d’un bulletin d’information bimestriel en
allemand. Les basiliens, également établis dans plusieurs autres pays d’Europe de l’est, ont déjà largement intégré la pensée et l’enseignement du
Concile Vatican II. Le Père Josaphat sourit: «Et dire que ma soutane m’a
fait parfois passer pour un intégriste dans certains séminaires allemands…» «Une tendance plus orthodoxe et parfois anti-conciliaire existe
aussi dans l’Eglise grecque-catholique,» explique-t-il.
Le curé orthodoxe interdit l’entrée de l’église aux grecs-catholiques
Face au défi de la reconstruction, à l’opposition de l’Etat et de
certains orthodoxes, les tensions internes passent au second plan. Comme
partout en Ukraine, la question de la restitution des églises reste au premier plan. «Avant 1946, l’Ukraine occidentale était presque exclusivement
grecque-catholique, aujourd’hui les autorités, formées d’ex-communistes le
plus souvent athées, ont attribué quelques églises aux orthodoxes de Mgr
Valdimir (patriarcat de Moscou ndlr) et aux autocéphales. Ceci pour éviter
de donner trop de pouvoir aux grecs-catholiques», remarque le Basilien.
Nous venions effectivement de croiser en venant au monastère un groupe célébrant la liturgie en plein-air devant une église. «Le curé orthodoxe interdit l’entrée de l’Eglise aux grecs-catholiques». Pourtant doctrinalement
et liturgiquement grecs-catholiques et orthodoxes sont très proches. «Nous
avons quelques différences dans la pratique des sacrements en particulier
de la réconciliation et de l’Eucharistie.»
Le Père Vorotniak s’éclipse quelques instant. Il revient les bras
chargés du dernier numéro de Forum, la revue des basiliens qu’il distribue
généreusement. La première phrase de l’éditorial dit: «Forum doit servir à
la recherche de la vérité à une meilleure compréhension de la problématique
oecuménique et doit aider nos lecteurs à se faire une image plus précise de
la situation de l’Eglise en Ukraine, en Biélorussie et en Russie.» Mission
accomplie en ce qui nous concerne. (apic/mp)
Des photos de ce reportage sont disponibles auprès de l’agence APIC