Rome: Document du Saint-Siège sur «Ethique et Internet»: le regard critique de l’Eglise

Mise en garde contre un impérialisme culturel

Rome, 28 février 2002 (APIC) Le Saint-Siège invite à user Internet avec un regard critique, dans un document intitulé «Ethique en Internet», publié le 28 février 2002 par le Conseil pontifical pour les communications sociales. Les auteurs critiquent la «discrimination entre riches et pauvres sur la base de l’accès à ce moyen ou du manque d’accès à la nouvelle technologie d’information. Pour les auteurs du rapport, «imposer simplement la vision mondiale ne conduit pas au dialogue mais à l’impérialisme culturel».

Après avoir présenté les aspects positifs de ce nouveau moyen de communication, le fascicule d’une trentaine de pages met en garde contre certaines «questions sensibles», telles que la diffusion de sites incitant à la haine ou à la pornographie, l’impossible accès de ce moyen pour les pauvres ou encore l’utilisation de la ’Toile» à des fins de propagande ou de désinformation. Le document se termine par une série de «recommandations» adressées à l’utilisateur et aux responsables politiques, appelant en particulier à l’instauration de lois «raisonnables» réglementant l’usage de l’Internet.

«La question éthique est de savoir si Internet contribue au développement authentique de la personne humaine», affirment les auteurs du document en introduction. «Sous certains aspects la réponse est ’oui’», écrivent-ils en premier lieu, citant notamment les domaines de l’éducation, du commerce, de la politique ou de la religion.

En effet, «Internet peut faire participer toute personne en tout lieu uniquement s’il est utilisé à la lumière de principes éthiques clairs et solides». Ce «phénomène offre de multiples potentialités», ajoutent-ils, soulignant qu’il peut par exemple «servir les personnes dans leur utilisation responsable de la liberté et de la démocratie, étendre la gamme de choix disponibles dans divers domaines de la vie, accroître les possibilités éducatives et culturelles, briser les divisions, promouvoir le développement humain d’une multitude de façons».

Individualisme exacerbé

Les auteurs constatent que suite à l’arrivée d’Internet, «un individualisme exacerbé est apparu». Remarquant que ce moyen fait partie aujourd’hui du processus de mondialisation, ils mettent alors en garde contre le fait que «les moyens de communication sociale peuvent aussi se prêter à exploiter, manipuler, dominer et corrompre» et soulignent que «jusqu’à présent, les bénéfices de la mondialisation n’ont pas été répartis de façon équitable».

Un certain nombre de préoccupations qui inquiètent l’Eglise sont ainsi présentées. La première est le fait que «l’Internet peut unir les personnes, mais peut aussi les diviser». Soulignant qu’»il a déjà été utilisé de façon agressive», le document déplore le risque d’un «terrorisme cybernétique». «Il serait tristement ironique que cet instrument de communication, ayant une si grande capacité de réunir les personnes, retourne à ses origines lors de la guerre froide et devienne la scène d’un conflit mondial».

Les auteurs critiquent ensuite la «discrimination entre riches et pauvres sur la base de l’accès ou du manque d’accès à la nouvelle technologie d’information». Rappelant ensuite que ce moyen de communication «transmet et contribue à insuffler un ensemble de valeurs culturelles», il regrette «la fascination que provoque celui-ci qui peut remettre en question et engloutir les cultures traditionnelles». «Imposer simplement la vision mondiale ne conduit pas au dialogue mais à l’impérialisme culturel», explique-t-il.

Propagande et désinformation

«La question de la liberté d’expression sur Internet soulève une autre série de préoccupations», poursuit par ailleurs le document. Les auteurs signalent en particulier «les tentatives accomplies par les autorités publiques pour bloquer l’accès à l’information» à des fins de propagande et de désinformation. Ils mettent en avant également le problème apporté par Internet au journalisme, déplorant particulièrement «la quantité extrême d’informations qui circule et dont pour la plupart on ne se préoccupe pas de contrôler si elle est juste ou appropriée».

Recommandations

Le Conseil pontifical pour les communications sociales propose en conclusion quelques «recommandations», car «l’Eglise veut s’assurer que le bénéficiaire du phénomène sera l’humanité tout entière».

La première est que «les usagers d’Internet aient l’obligation de l’utiliser de manière bien informée». Ensuite, «les parents devraient guider et contrôler l’utilisation qu’en font leurs enfants», et les écoles, «fournir une formation» qui ne soit pas seulement technique.

Au niveau national, le Saint-Siège prône l’instauration de lois «raisonnables» contre «les discours incitant à la haine, à la diffamation, à la pornographie et à d’autres violations». La censure préalable par les gouvernements devrait en revanche être «évitée» et utilisée «qu’en ultime recours», précise le document. Enfin, «de nouvelles réglementations peuvent être également nécessaires pour traiter les effractions liées de façon spécifique à Internet, telles que la propagation de virus sur les ordinateurs et le vol d’informations personnelles sur disque dur».

«La réglementation d’Internet est souhaitable», affirme ainsi le Conseil pontifical, soulignant toutefois qu’une «auto-réglementation de l’industrie est préférable» à une intervention de l’Etat.

Un accord international en revanche est «exigé» lorsqu’il s’agit de garantir la protection des individus notamment pour la surveillance des criminels et des terroristes, la défense des droits d’auteur et des droits liés à la propriété intellectuelle, ainsi que pour la réduction du «fossé numérique» entre riches et pauvres concernant l’accès à Internet.

En conclusion, le document affirme que Internet ne sera «source de bénéfices pour la race humaine seulement quand les problèmes existants seront résolus». «Toutefois, fondamentalement, nous ne considérons pas Internet uniquement comme une source de problèmes», précise-t-il. (apic/imed/pr)

28 February 2002 | 00:00
by webmaster@kath.ch
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