Rome: Publication de l’exhortation apostolique post-synodale «Ecclesia in Oceania»
Pardon pour les abus sexuels et aux populations autochtones
Rome, 22 novembre 2001 (APIC) C’est sous forme de demandes de pardon que Jean Paul II aborde les thèmes sensibles des abus sexuels et des relations de l’Eglise avec certains peuples autochtones de l’Océanie dans l’exhortation apostolique post-synodale «Ecclesia in Oceania» publiée le 22 novembre.
Dans ce texte qui brosse un tableau très varié des situations de l’Eglise en Océanie, le pape revient sur les «valeurs éternelles» du célibat des prêtres, insiste sur le «respect» des cultures traditionnelles locales et tout en regrettant l’avancée des «déserts modernes», demande une protection des ressources naturelles de l’Océanie. Des sujets qui avaient été largement abordés par les évêques lors du synode, du 22 novembre au 12 décembre 1998.
«Dans certaines parties de l’Océanie, des abus sexuels de la part de prêtres ou de religieux ont fait endurer aux victimes de grandes souffrances et des blessures spirituelles» affirme Jean Paul II dans un paragraphe sur «la vie des ministres ordonnés», dans le quatrième et dernier chapitre de l’exhortation: «Vivre la vie de Jésus Christ en Océanie». «Cela a été dramatique pour la vie de l’Eglise et c’est devenu un obstacle à la proclamation de l’Evangile, poursuit le pape. Les pères du synode ont condamné tout abus sexuel et toute forme d’abus de pouvoir, à la fois à l’intérieur de l’Eglise et dans la société toute entière. Dans l’Eglise, les abus sexuels sont en profonde contradiction avec l’enseignement et le témoignage de Jésus Christ.
Les pères synodaux, a-t-il rappelé, ont souhaité demander pardon sans réserve aux victimes pour les souffrances et la détresse qui leur ont été causées. L’Eglise en Océanie, souligne le pape, cherche des procédures ouvertes et justes pour répondre aux plaintes en ce domaine, et elle s’est engagée sans équivoque à être compatissante et à fournir une aide effective aux victimes, à la communauté entière et aux coupables eux-mêmes».
Méfaits
C’est au troisième chapitre intitulé, «annoncer la vérité de Jésus Christ en Océanie» que Jean Paul II prononce une autre demande de pardon, concernant cette fois «les torts causés aux populations autochtones» et en particulier les aborigènes d’Australie, lorsque «des gouvernements ou leurs organismes ou même des communautés chrétiennes ont occulté la vérité». Ces torts «doivent être honnêtement reconnus», affirme-t-il en exprimant «son profond respect» et en demandant «pardon pour toutes les fois où ses fils ou ses filles ont participé ou participent encore à ces injustices». Le pape parle précisément de «méfaits, surtout lorsqu’il s’agissait d’enfants enlevés de force à leurs familles». Il appuie alors le souhait du synode de mettre en place des «commissions de la vérité, là où elles peuvent trouver une solution aux injustices historiques et favoriser la réconciliation».
Tout en soulignant que «l’Eglise soutiendra la cause de tous les peuples autochtones qui cherchent à obtenir une reconnaissance juste et équitable de leur identité et de leur droits», Jean Paul II précise au premier chapitre intitulé, «Jésus Christ et les peuples de l’Océanie» que «les relations de l’Eglise, avec les peuples aborigènes et avec les habitants des îles du Détroit de Torres, restent un défi important et difficile à cause des injustices passées et actuelles, et aussi à cause des différences culturelles».
Un autre grand sujet abordé lors du synode a été celui des vocations sacerdotales, de l’isolement des prêtres ainsi que de celui des communautés catholiques. Jean Paul II aborde le sujet au troisième chapitre, dans le paragraphe sur la «nouvelle évangélisation», où il rappelle que «beaucoup d’évêques ont parlé de l’épreuve de l’isolement, de la difficulté de parcourir d’immenses distances et de vivre dans un environnement austère».
Vocations et grandes distances
Au chapitre quatre ensuite, et particulièrement dans le paragraphe sur «l’eucharistie», le pape souligne «l’inquiétude liée à l’absence de célébrations eucharistiques durant de longues périodes, dans de nombreuses communautés de l’Océanie». «En raison des vastes distances qui séparent de nombreuses îles, explique-t-il, il est souvent impossible de pouvoir disposer d’un prêtre résidant». Pour le pape, il faut «une grande sagesse et beaucoup de courage pour aborder cette situation que l’on ne peut que déplorer. Je fais mienne l’insistance du synode afin que de plus grands efforts soient faits pour éveiller les vocations sacerdotales, et pour que les prêtres soient affectés d’une manière plus équitable dans toute la région».
Ce point crucial de la raréfaction des vocations et de l’isolement des catholiques était revenu comme un leitmotiv tout au long des réunions synodales. Certains évêques n¹avaient alors pas hésité à demander à ce qu’on envisage une dispense spéciale pour ordonner des hommes mariés, comme cela se fait dans la tradition orientale. La proposition n’avait pas été retenue. La plupart des Pères synodaux semblaient s’être ralliés à la remarque de Mgr Hubert Coppenrath, archevêque coadjuteur de Tahiti, à Papeete: «Cette tradition est digne d’un grand respect, avait-il souligné, mais appliquée dans le contexte de ces communautés isolées d’Océanie, elle créerait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait».
Erosion de l’identité sacerdotale
Dans le paragraphe sur «la vie des ministres ordonnés» au quatrième chapitre, Jean Paul II revient sur le sujet en affirmant que «le synode était conscient d’une érosion de l’identité sacerdotale, en particulier par le dénigrement du célibat des prêtres dans un monde influencé par des valeurs qui sont contraires aux exigences de l’évangile». Jean-Paul II consacre ainsi tout un paragraphe aux vocations et aux séminaires pour signaler entre autre que «la promotion des vocations est une responsabilité urgente» et que «chaque évêque est responsable de la formation de son clergé dans le contexte de la culture et de la tradition locale».
Concernant justement le thème de la culture, abordé spécifiquement au deuxième chapitre de l’exhortation, Jean-Paul II relève qu’il est «vital pour l’Eglise de s’insérer pleinement dans la culture et de provoquer de l’intérieur le processus de purification et de transformation». Pour présenter concrètement Jésus Christ il faut, dit-il, «respecter chaque culture et ne jamais demander aux peuples d’y renoncer». Une lourde tache, compte tenu de l’étendue de l’Océanie.
Inculturation
Sur le lien entre la liturgie et l’inculturation, Jean Paul II souligne que «de nombreuses Eglises locales sont engagées en théorie et en pratique dans une réelle inculturation des formes de culte, tout en ayant soin de préserver l’intégrité du rite romain».
Un autre point soulevé lors du synode avait été celui des nouveaux mouvements ecclésiaux. Jean Paul II y consacre un paragraphe, pour dire que «dans certains d’entre eux naissent un bon nombre de vocations au sacerdoce ou à la vie consacrée, et cela est une source de vive reconnaissance». Pour lui, «ces mouvements apportent à l’Eglise bien des dons de sainteté ainsi qu’une précieuse collaboration. L’évêque, a-t-il précisé, doit exercer son jugement pastoral en les accueillant et en les guidant, tout en leur demandant de respecter les programmes pastoraux du diocèse».
Consacrant tout un paragraphe sur «les droits humains» et condamnant un «prétendu ’rationalisme économique», Jean Paul II défend le droit au travail et à l’emploi. «Dans ce domaine, écrit-il, les syndicats doivent jouer un rôle particulier en défendant les droits des travailleurs. Il a ensuite évoqué le problème de la corruption en incitant les hommes politiques, les membres du gouvernement et le personnel de la police à être honnête et à refuser la corruption sous toutes ses formes.
Le mariage et la vie familiale occupe également une place dans l’exhortation. Jean Paul II reprend la préoccupation des pères du synode «sur la condition sociale de la femme en Océanie, souhaitant que soit respecté le principe ’à travail égal, salaire égal’, et que les femmes ne soient pas exclues du monde du travail. Mais en même temps, précise-t-il, il est capital que les mères ne soient pas pénalisées quand elles restent à la maison pour s’occuper de leurs enfants». Dans le même paragraphe le pape condamne «la polygamie qui existe encore dans certaines régions et qui est une cause grave d’exploitation des femmes».
L’environnement
Le pape termine son exhortation par un autre point essentiel pour le continent, celui de l’environnement. «La beauté naturelle de l’Océanie n’a pas échappé aux ravages de l’exploitation humaine», déplore-t-il. Il reprend ainsi l’appel lancé par les pères du synodes «aux gouvernements et aux peuples de l’Océanie pour qu’ils protègent ce précieux environnement en vue du bien des générations actuelles et futures. Les ressources naturelles de l’Océanie doivent être protégées contre les orientations politiques nuisibles de certaines nations industrialisées et contre le pouvoir toujours croissant de sociétés internationales». Le pape précise entre autre que «l’immersion des déchets nucléaires dans cette zone représente une menace supplémentaire pour la santé des populations autochtones. Il faut reconnaître, ajoute-t-il toutefois, que l’industrialisation peut apporter de réels bienfaits si elle est réalisée dans le respect des droits et de la culture des populations locales».
L’exhortation apostolique «Ecclesia in Oceania» qui compte 140 pages est divisée en quatre chapitres: «Jésus Christ et les peuples de l’Océanie», «marcher en Océanie sur le chemin de Jésus Christ», «annoncer la vérité de Jésus Christ en Océanie» et «vivre la vie de Jésus Christ en Océanie». Chacune de ces parties est divisée en trois ou quatre sections, et elles-mêmes en paragraphes. (apic/imed/pr)