Rome: L’Italie émue par le projet de loi français de stérilisation des personnes handicapées

D’une France «impitoyable» à une France «qui se reprend»

Rome, 2 avril 2001 (APIC): Le projet de loi français pour la stérilisation de personnes handicapées a soulevé une vive émotion en Italie pour qui la philosophie soutenant des mesures eugéniques pour les handicapés s’apparente à celle de l’euthanasie. Don Vincenzo Albanesi, président de la coordination nationale italienne des communautés d’accueil estime pour sa part que stériliser une personne handicapée mentale revient à lui dire: «tu n’es pas un homme».

En France, la Une de La Croix du 27 mars tirait le signal d´alarme avec ce titre: «Inquiétudes sur la stérilisation des handicapés» et consacrait deux pages à la question, rappelant le scandale des stérilisations aux Etats-Unis, au Japon, et en Europe, en Suède par exemple. «Le comble sera commis par le régime nazi», rappelait le quotidien français.

Le quotidien catholique «L’Avvenire» salue que le «projet de loi du gouvernement Jospin qui prévoyait le recours à la stérilisation comme banal moyen de contraception pour les handicapés mentaux» n’ait pas obtenu l’aval des sénateurs. Les députés de l’hexagone ont rejeté la proposition qui prévoyait d’allonger le temps légal de recours possible à l’avortement de dix à douze semaines de grossesse. La possibilité de distribuer des contraceptifs à des adolescents sans obligation d’ordonnance médicale n’a pas non plus été retenue. Le texte de la loi a déjà été approuvé par l’Assemblée, où la gauche a la majorité.

Les associations catholiques, qui s’étaient mobilisées contre la révision de la loi, obtiennent une grande victoire: elles craignaient surtout que l’utilisation de la stérilisation comme moyen de contrôle de la sexualité des personnes handicapées mentales, qui est délit contre la dignité et l’intégrité de la personne, n’engendre une série d’abus très graves envers des personnes «fragiles et manipulables».

Attaque scandaleuse à la dignité humaine

Le quotidien Avvenire a rappelé, en écho à l’article de La Croix, les 15’000 cas de stérilisations forcées dénoncés en France, en 1997, par Charlie Hebdo, et condamnés, par exemple par le professeur Axel Kahn (INSERM), comme «une attaque scandaleuse à la dignité humaine»: «Même si elle est acceptée par le patient, la stérilisation est discutable, cite L´Avvenire. Mais pratiquer un acte semblable sur qui n’est pas en mesure d’y consentir pleinement est impensable». L´Avvenire souligne aussi les cas au Tibet et rappelle les 63’000 victimes recensées en Suède où la loi sur la stérilisation a été abolie en 1976.

En Italie, la nouvelle du projet français a soulevé l’indignation. «Handicapés, la France impitoyable» titrait d’abord «L´Avvenire», quotidien italien d’inspiration catholique évoquant le «débat enflammé au sénat autour de l’hypothèse de la stérilisation de personnes handicapées dans le cadre d’une loi plus permissive sur l’avortement».

Les deux pages intérieures de L´Avvenire du 29 mars ont donné ensuite la parole aux associations et au président du comité de bioéthique sous ce titre: «En Italie, ce serait impossible». Don Vincenzo Albanesi, président de la coordination nationale des communautés d’accueil commentait: «C’est une proposition dans la ligne du climat culturel de ce pays. Par exemple, donner la pilule abortive à des adolescentes, à l’école, veut dire choisir la ligne de la moindre responsabilité, éviter les problèmes de la façon la plus simple.

Et stériliser les personnes porteuses d’un handicap mental c’est aussi couper court, prendre à la racine une question épineuse. En plus des avantages économiques (l’aspect le plus immédiat), surveiller constamment certains malades est coûteux. Une telle loi vient en aide aux dirigeants des grands instituts d’internement. Cette philosophie, au fond, n’est pas différente de celle de l’euthanasie».

Nous sommes des «méditerranéens»

Pour le Père Vincenzo, un tel projet serait impensable en Italie. «Avant tout, explique-t-il, parce que nous sommes des «méditerranéens», et nous sommes plus accueillants envers les personnes handicapées. Et puis chez nous, il y a eu une prise de position du comité de bioéthique en 1998, exprimant un refus absolu de la stérilisation des malades mentaux.

Pour ce qui est de la vie sexuelle des personnes handicapées, don Vincenzo est favorable à des lieux de vie plus «humains» que sont les petites communautés permettant une «vie affective» et en même temps, une diminution des «tensions» y compris de «l’agressivité sexuelle», plus de «respect» de l’autre. Don Vincenzo dénonce aussi les abus dont des personnes handicapées peuvent être victimes. «Aujourd´hui, dans les communautés, on respire un climat plus humain. La question de la sexualité est prise en compte. Il n’y a pas en Italie de demande de stérilisation de ces personnes où l’on ressent une telle intervention comme une offense à la dignité de la personne. Stériliser une personne handicapée mentale revient à lui dire: tu n’es pas un homme.

Une culture qui tend à la ségrégation

Anna Contardi, coordinatrice nationale de l’Association italienne des personnes trisomiques, rappelle qu’il y a des personnes trisomiques mariées. Elle regrette que la question de la sexualité des personnes handicapées soit abordée sous l’angle du «danger», des «risques» de violences etc. C’est, dit-elle une «perspective mutilante». La question est assez nouvelle, explique-t-elle, pour les personnes trisomiques dont l’espérance de vie s’est allongée: elles mouraient plus jeunes naguère. En Italie, les personnes handicapées mentales vont à l’école avec les autres enfants. En France, cette intégration n’existe pas et il n’y a pas cette habitude que nous avons de vivre avec ceux qui sont différents. L’idée de la stérilisation vient d’une culture qui tend à la ségrégation, «à ne pas vouloir voir et entrer dans le monde de l’autre», insiste-t-elle. En cela, elle constitue une régression social, un pas en arrière. (apic/zn/lc/mjp)

2 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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