Israël: Mention de la nationalité sur la carte d’identité israélienne, vote à nouveau repoussé

Discrimination sur la base des catégories «Juif», «Arabe», «Druze»

Jérusalem, 7 novembre 2000 (APIC) Le vote sur l’abolition de la mention de la nationalité sur la carte d’identité israélienne – source de toutes sortes de discriminations visant le million d’Israéliens non juifs vivant en Israël -, a une nouvelle fois été repoussé aux calendes grecques. Pourtant, le ministre israélien de l’Intérieur reconnaît que l’Etat juif pratique des discriminations entre ses citoyens, classés principalement selon les catégories «juif», «arabe» ou «druze».

Les discriminations persistantes contre la minorité arabe d’Israël – confiscation de terres, inégalités socio-économiques criantes, discrimination dans l’emploi et inégalité face à la justice – ont été évoquées par plusieurs instances israéliennes pour expliquer le soulèvement des «Palestiniens de l’intérieur» qui a paralysé pendant plusieurs jours le nord d’Israël et fait 13 morts dans la population civile arabe en octobre dernier. Le ministre israélien de la Justice Yossi Beilin a nommé lundi une commission d’enquête, la Commission Brenner, du nom d’un juge à la retraite, Shalom Brenner, pour recueillir des témoignages sur les événements sanglants dans le secteur arabe d’Israël ces dernières semaines.

Un million de citoyens de deuxième classe

La Commission de la Knesset pour la Constitution, la Loi et la Justice a été saisie d’un projet de loi destiné à garantir une meilleure représentation de la minorité arabe, druze et circassienne (tcherkesse) dans les emplois publics. Il s’agit de promouvoir plus activement l’accès des citoyens arabes d’Israël dans les ministères et les entreprises publiques, où ils sont sous-représentés. Au nombre d’un million, les arabes d’Israël – qui s’appellent désormais les Palestiniens de 1948, ceux qui ne sont pas partis ou n’ont pas été expulsés lors de la fondation d’Israël -, vivent principalement dans des villages, des villes et des cités mixtes en Galilée, dans le nord du pays, la région du «Triangle», dans le centre, et dans le désert du Néguev, dans le sud. Du point de vue religieux, ils appartiennent aux communautés musulmane (76%), chrétienne (15%) et druze (9%).

Cette population devenue minoritaire dans son propre pays, a vécu de 1948 à 1966 sous un régime d’administration militaire sévère. Bien que déclarés citoyens de l’Etat en 1948, le gouvernement leur a appliqué des lois militaires qui ont sévèrement restreint leurs libertés fondamentales et les droits de l’homme, notamment la liberté de mouvement, de parole et d’association.

Souvent perçues comme une «5ème colonne» au cœur de l’Etat juif, ces populations arabes, aujourd’hui encore, ne sont pas traitées comme des citoyens à part entière, quel que soit le gouvernement en place. A égalité de qualification sur le marché du travail, les citoyens arabes israéliens sont souvent écartés des postes à responsabilités. Les annonces de recrutement de personnel précisent très souvent: «ayant fait son service militaire», ce qui exclut d’emblée les arabes israéliens, qui, à l’exception des druzes, ne servent pas dans Tsahal. Seuls 5% des fonctionnaires sont originaires des secteurs arabes, druzes et circassiens, alors qu’ils forment le 20% de la population totale. Le député arabe Azmi Bishara a souligné à la Knesset que sur 2’400 hauts fonctionnaires, seuls 25 sont arabes, soit le 1%.

La nationalité reste dans le registre de la population, demeure la question: «Qui est juif?»

De son côté, le ministre israélien de l’Intérieur Haim Ramon a demandé au député de gauche Amnon Rubinstein (Meretz), président de la Commission de la Knesset pour la Constitution, la Loi et la Justice, de reporter le vote sur la modification des cartes d’identité, après que le Premier ministre israélien Ehud Barak, qui cherche à s’allier au faucon d’extrême-droite Ariel Sharon, ait décidé de geler sa «révolution civique».

La «révolution civique» du gouvernement Barak visait également à légaliser le mariage civil, qui n’existe pas en Israël. En raison de la législation religieuse dans ce domaine, des centaines de milliers de personnes ne peuvent pas se marier en Israël, notamment de nombreux immigrants de l’ex-URSS. Les partis religieux et le Grand Rabbinat aimeraient pourtant limiter le mariage civil aux non juifs, à ceux qui font un mariage mixte ou qui ne peuvent se marier selon la «halacha», par exemple un membre de la classe des prêtres (»cohen») mariant une divorcée.

Haim Ramon désirait soumettre la proposition d’effacer l’inscription de l’appartenance nationale sur les documents d’identité il y a six semaines déjà à la Commission de la Knesset, mais il craint de ne pas disposer actuellement de la majorité au sein de ladite Commission. Le ministre de l’Intérieur a la possibilité de décréter l’abolition de la mention en cause, mais la Commission doit avaliser sa décision.

Selon la proposition de Haim Ramon, la catégorie «nationalité» sera effacée des cartes d’identité, mais sera maintenue dans le registre de la population. Haim Ramon, alors député à la Knesset, avait déjà proposé de supprimer cette mention en 1977, estimant qu’elle contredit les principes fondamentaux d’un Etat démocratique censé traiter tous ses citoyens sur une base d’égalité. Pour le ministre de l’Intérieur, la mention sur la carte d’identité «crée une discrimination».

Risque d’éliminer l’identité juive d’Israël ?

Deux partis religieux juifs devraient vivement s’opposer à cette proposition. Shaul Yahalom, président du Parti National Religieux (PNR) a d’ores et déjà attaqué l’initiative de Haim Ramon, l’accusant avec Yossi Beilin de vouloir «éliminer l’identité juive» d’Israël. Le leader du parti religieux séfarade Shas a accusé Ehud Barak de mener une politique «antireligieuse et antidémocratique».

S’il n’y a pas besoin d’un vote du parlement israélien pour effacer la catégorie «nationalité» de la carte d’identité, cette mention restera dans le registre de la population. L’éventualité de la faire disparaître également de ces registres, qui a déjà soulevé dans le passé des vagues d’émotion au niveau politique, demande un changement au niveau législatif. Un problème en mesure de faire chuter n’importe quel gouvernement en Israël, et que le cabinet d’Ehud Barak, très affaibli, n’est pas en mesure d’affronter. La classification selon la catégorie «juif» ou autre nationalité ne touche pas seulement les chrétiens, les musulmans ou les druzes, mais également d’autres catégories, par exemple les juifs convertis non reconnus par les orthodoxes.

Des juges de la Haute Cour de Justice doivent ainsi examiner les requêtes d’une cinquantaine de juifs convertis réclamant la reconnaissance de leur judaïsme, clé de tous les aspects de leur vie dans l’Etat juif. La plupart d’entre eux sont des convertis membres de la Réforme ou du Mouvement conservateur, que les juifs orthodoxes ne considèrent pas comme convertis selon la loi juive, la «halacha».

Dans cette question, il s’agit pour l’Etat d’Israël de savoir qui sera reconnu comme juif, notamment en vertu de la «Loi du retour», dont ne bénéficient que les juifs, même les juifs athées, mais qui est refusée aux juifs de sang baptisés dans une autre religion. Une partie des récents immigrants, acceptés en raison de liens familiaux, ne sont pas enregistrés comme juifs dans le registre de la population et sur la carte d’identité.

Comme le ministre de l’Intérieur n’est pas en mesure d’éliminer la mention de la nationalité dudit registre, les procédures judiciaires vont se poursuivre devant la Cour Suprême israélienne. Ainsi, de nombreux nouveaux immigrants de l’ancienne Union soviétique sont enregistrés bizarrement sous la catégorie «sans nationalité» ou «Ukrainiens». Ce thème est politiquement brisant essentiellement pour le Parti National Religieux (PNR), qui considère la nationalité comme un point central de l’identité juive de l’Etat. (apic/jpost/haar/be)

7 November 2000 | 00:00
by webmaster@kath.ch
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