L’Argentine pleure la «perte d’un père»
Un vibrant hommage a été rendu au pape François au matin du samedi 26 avril 2025, sur la place de Mai, lors d’une messe d’adieu face à la cathédrale Métropolitaine de Buenos Aires. Des milliers de personnes ont écouté dans un silence religieux l’homélie de l’archevêque de Buenos Aires, Mgr Garcia Cuerva, avant que les tambours et les applaudissements ne fassent monter les décibels dès la fin de la messe aux cris de «vive le pape».
Benoit Drevet, correspondant de cath.ch à Buenos Aires. Photos: Sebastian Motta
Les Argentins pleurent mais à leur manière, avec joie, chants, tambours et trompettes sous un soleil réconfortant. Alors que la messe d’adieu au pape François touchait à sa fin, vers 11h30, samedi, devant la cathédrale de Buenos Aires, la foule, nombreuse sur la place de Mai, a longuement applaudi puis a repris en chœur l’hymne argentin. L’instant de recueillement touchait à sa fin, des dizaines de prêtres étant passés dans la foule distribuer les hosties. Derrière des banderoles et une image géante du Pape, un défilé est alors parti faire le tour de l’emblématique place, où se trouve le palais présidentiel.
«Grâce à lui et à tous les curés des favelas qui ont suivi son exemple, il nous a aidés à nous en sortir»
Pablo, 42 ans, est venu du quartier Barracas, à Buenos Aires, et plus précisément de la Villa 21-24, l’une des zones les plus pauvres la capitale où il travaille avec l’église Notre-Dame de Caacupé: «J’étais moi-même à la rue quand j’avais 18 ans et il est venu un jour me distribuer un repas. Grâce à lui et à tous les curés des favelas qui ont suivi son exemple, il nous a aidés à nous en sortir.» Désormais, il accompagne lui-même les jeunes sans abris pour les aider à sortir de la rue.

Arborant un maillot de l’équipe de San Lorenzo, dont le pape a toujours été fan, Pablo a noté une anecdote qu’il juge «folle» lors de la mort du pape: «François avait une carte de sociétaire de San Lorenzo numéro 88235. Il est mort à 88 ans, à 2h35 [heure de Buenos Aires, ndlr], c’était sa meilleure façon de nous faire un ultime salut.»
«Le pape François nous a donné beaucoup d’amour, de miséricorde et des messages pour les jeunes enfermés dans l’obscurité comme la drogue, l’addiction ou l’alcool», lance Federico Galeano 31 ans, venu de la province de Santa Cruz (sud de la Patagonie) avec sa paroisse locale. Dans ses mains une pancarte où il a écrit: «Une église pauvre pour les pauvres. Merci pour tout, Père».
Une fierté pour l’Argentine
«Il était si inspirant de le voir si près des pauvres, ne laisser personne derrière lui, ne juger personne pour ses péchés ou le voir laver les pieds de migrants et de prisonniers. Il est revenu à la base de l’Évangile et au message de Jésus», souligne Juan Ignacio, 28 ans, commercial, venu avec sa femme Natalia, avocate de 32 ans et leur bébé de 11 mois, Camilo, dans la poussette. «C’était incroyable en tant qu’Argentins de nous voir représentés par un pape au niveau mondial», conclut-il.

«Le pape a une image à la fois importante en Argentine et dans le monde. Ce qui m’a touché chez lui, c’était d’abord son travail social, d’avoir été si proche des gens handicapés et malades», témoigne Valentina, 18 ans, étudiante à l’université. Elle est aux côtés de son groupe de jeunes de la paroisse de la Vierge des Abandonnés, de la paroisse du quartier Alvear, dont elle porte une chasuble bleue.
«Il nous a poussés à être nous-mêmes»
Accompagnée de ses deux frères et de sa maman pour cette messe d’adieu, Erica Rodriguez, également 18 ans et étudiante, du quartier de Barracas, tient dans ses mains un cadre photo du pape lors de sa visite au Paraguay voisin en 2015.
«Je le vois comme un leader dans la religion et encore plus pour les jeunes car il a nous a poussés à être nous-mêmes, et à ne pas nous mettre dans une posture dictée par la société ou la religion.»
Dès 10 heures du matin, lors de l’introduction de la messe, Mgr Garcia Cuerva a rendu un vibrant hommage au pape François qui fut l’un de ses prédécesseurs à l’archevêché de Buenos Aires, entre 1998 et 2013, année de son accession au Saint-Siège. Il a terminé son homélie en rappelant les paroles du pontife inscrites dans son testament: «La souffrance qui a marqué la dernière partie de ma vie, je l’ai offerte au Seigneur pour la paix dans le monde et pour la fraternité entre les peuples (…) Nous lui devons en tant que peuple de nous embrasser.»
L’Argentine «orpheline»
«Son message le plus important me parait destiné à ceux qui sont au pouvoir. Mondialement la situation est complexe, surtout au niveau social et politique, et c’est l’heure que le changement vienne en suivant son exemple», estime avec émotion Eliana Iñego, 35 ans, graphiste, du quartier Floresta, près du quartier de Florès d’où venait Jorge Bergoglio.

Devant des dizaines d’évêques du clergé argentin et des centaines de prêtres, mais aussi des officiels du gouvernement et des chœurs de l’armée, l’archevêque a déclaré: «Nous avons eu du mal à le croire lorsque nous l’avons vu rencontrer les dirigeants les plus importants du monde et, en même temps, embrasser et passer du temps avec les plus pauvres, les prisonniers, les malades.»
Disant que l’Argentine pleurait «la perte d’un père», et se sentait «orpheline», Mgr Garcia Cuerva a rappelé la voie à suivre pour l’Église qu’il a comparé à «un hôpital de campagne» ouvert pour accueillir tout le monde.
Parmi la foule d’une dizaine de milliers de personnes venue lui dire adieu, difficile de ne pas faire abstraction d’une foule où l’on n’apercevait que peu de cols blancs comme le soufflera une correspondante internationale de presse. C’est son peuple, celui à qui il a apporté le plus d’attention dans sa vie et qu’il chérissait tant, celui des humbles et des pauvres, qui était présents en majorité au rendez-vous. (cath.ch/bd/rz)
La nouvelle de la mort du pape François a été annoncée à 9h45, par le cardinal Kevin Farrell, Camerlingue de la Chambre apostolique, depuis la Maison Ste Marthe. Le pape François est décédé en ce lundi de Pâques, 21 avril 2025.