

L’Union européenne face à ses responsabilités
Les débuts de la présidence de M. Trump ont bouleversé les mondes politique et économique. Ce bouleversement a trois volets. Du point de vue économique, le président s’inspire d’auteurs autrichiens comme F. Hayek et L. Von Mises. Ceux-ci ont prôné, dans les années 1950-1960, une doctrine du zéro État.
L’État devait se limiter à ses tâches régaliennes (monnaie, justice, armée et police) et refuser toute intervention dans les domaines de la santé, de l’éducation, des transports et de l’environnement. Il devait abandonner toute tâche contribuant à la solidarité entre les habitants.
Cette thèse déjà adoptée par Mme Thatcher implique la négation de l’idée de bien commun. Elle signifie la lutte de tous contre tous comme le prévoyait, au 18è siècle, le philosophe J. Hobbes qui, à l’opposé, voyait dans l’État et la création d’un contrat social la seule manière d’éviter une guerre civile interne. La politique de M. Trump va affaiblir la société américaine en la divisant encore un peu plus, par exemple entre résidents et immigrés, entre noirs et blancs et entre riches et pauvres…
Le second volet de la politique américaine vise à instaurer un protectionnisme par l’augmentation des droits de douane. M. Trump a une analyse erronée. Les firmes sont aujourd’hui profondément interconnectées au niveau international. Toute augmentation des droits de douane coûtera autant aux entreprises américaines qu’elle leur profitera. L’inflation sera renforcée et le pouvoir d’achat des citoyens sera affaibli.
Ce protectionnisme avait été développé en Allemagne par le chancelier Bismarck dans les années 1880-1890. Il avait exacerbé les nationalismes en Europe et favorisé l’expansionnisme de l’empire allemand. Cette politique du ‘Germany First’ avait fait peur à la Grande-Bretagne et l’avait incitée à entrer en guerre aux côtés de la France en 1914.
«Le président Trump veut se désintéresser de l’Europe au sens propre»
Le dernier volet de cette politique américaine est le retour de l’isolationnisme. Il a deux composantes. D’une part un désengagement des États-Unis dans les affaires européennes. D’autre part la création d’un protectorat des U.S.A. sur l’ensemble des États américains au Nord comme au Sud. Ce renouveau de l’isolationnisme, très fort aux U.S.A. dans les années 1920-1940, explique les prétentions de M. Trump sur le Groenland, le Canada et le canal de Panama.
Mais le président américain se trompe d’époque. Nous ne sommes plus au 19è ou au 20ème siècle. Le Canada s’est construit une histoire en dehors des U.S.A. Il a participé en tant qu’État aux deux guerres mondiales. Il a des liens très forts avec la Grande-Bretagne et défend une politique étrangère active, en particulier dans ses relations avec le Sud. Il ne renoncera jamais à son indépendance. De même pour le Groenland. Certes, celui-ci semble une proie militaire facile pour l’armée américaine, mais il est protégé par le Danemark donc par l’Union européenne. Pour se l’accaparer le président Trump devrait se fâcher avec ses alliés dans l’OTAN.
Restent les relations USA-Europe. Le président Trump veut se désintéresser de l’Europe au sens propre, c’est-à-dire ne plus lui verser d’argent. Il veut diminuer sa contribution à l’OTAN, baisser son aide à l’Ukraine et ne pas verser un sou pour sa reconstruction. Pour cela il doit passer un accord avec le président Poutine. Que vont faire les pays européens? C’est tout l’enjeu des débats actuels. Si l’UE baisse les bras et se laisse faire, la défaite de l’Ukraine sera certaine et le sort des Pays baltes fort compromis. Mais le pire n’est jamais sûr.
L’avenir de l’Europe est dans les mains des pays européens.
Jean-Jacques Friboulet
5 mars 2025
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