L'Aga Khan IV est décédé à Lisbonne le 4 février 2025. | Photo: 2014 Wikipedia/DFID - UK Department for International Development / CC BY 2.0
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Décès de l'Aga Khan IV, chef spirituel des ismaéliens nizârites

Le prince Karim Al-Hussaini, Aga Khan IV, chef spirituel des chiites ismaéliens, né à Genève en 1936, est décédé à Lisbonne le 4 février 2025, à l’âge de 88 ans. Multimillionnaire, il avait fondé le réseau Aga Khan de développement, une grande institution philanthropique. C’est son fils Rahim Al-Hussaini qui lui succède.

C 49e imam héréditaire des ismaéliens nizârites et descendant direct du prophète Mahomet, est décédé le 4 février 2025, entouré de sa famille, a annoncé le réseau Aga Khan de développement (AKDN). Selon la tradition, le futur Aga Khan V a été désigné en amont par le prince Karim Al-Hussaini lui-même. La pratique chiite du nass consiste, en effet, en un transfert de l’imamat d’un imam à l’autre, par le biais d’une désignation explicite, de la même façon que le prophète Mahomet a été désigné par Dieu.

Le nom de l’Aga Khan 5 a été révélé, le 5 février, par le siège mondial de cette communauté musulmane, abrité à Lisbonne depuis 2015. Il s’agit du prince Rahim Al-Hussaini. Celui-ci s’était entretenu avec le pape François en audience privée, en aout 2023, lors du passage du pape à Lisbonne pour les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ).

L’histoire des Aga Khan est reliée à la Suisse

Le prince Karim Al-Hussaini est né le 13 décembre 1936 à Genève. Il est le petit-fils du sultan Mahomed Shah, Aga Khan III (président de l’Assemblée générale de la Société des Nations en 1937 et 1938), qui s’est marié à Vevey en seconde noces avec Yvette Labrousse et qui est décédé à Versoix (GE).

Le prince Karim al-Hussaini a passé sa petite enfance au Kenya, avant d’être envoyé à nouveau en Suisse, dans le bien connu internat de l’institut Le Rosey. Il a ensuite étudié l’histoire islamique à Harvard.

Un descendant direct du prophète

À la mort du sultan Mahomed Shah Aga Khan, en 1957, alors qu’il a à peine 20 ans, le prince Karim al-Hussaini, désigné par son grand-père pour remplir ce rôle, devient l’imam des ismaéliens nizârites. Ceux-ci forment le deuxième groupe musulman chiite le plus important numériquement, avec entre 12 et 15 millions de membres répartis à travers le monde, notamment en Asie centrale et du Sud, en Afrique et au Moyen-Orient.

En tant qu’Aga Khan – un titre aux origines turques et perses –, il est considéré par les ismaéliens comme un descendant direct du prophète Mahomet par le cousin et gendre du prophète, Ali, le premier imam, et son épouse Fatima, la fille du prophète. Le titre d’Aga Khan a été attribué pour la première fois à l’imam nizârite Hasan Ali Shah par le chah de Perse Fath Ali Shah Qajar en 1818. Le rôle de ce chef spirituel consiste notamment à fournir des conseils divins à la communauté ismaélienne.

Un multimillionnaire philanthrope

Héritant d’une fortune colossale, provenant de l’élevage de chevaux purs-sangs de course et d’investissements divers, dans l’immobilier notamment, le prince Karim al-Hussaini a poursuivi et développé l’œuvre philanthropique de son grand-père. Il a créé à Genève, en 1967, la Fondation Aga Khan.

Devenue par la suite l’AKDN, celle-ci emploie aujourd’hui plus de 90’000 personnes dans le monde et est présente dans une trentaine de pays. C’est l’un des plus importants réseaux privés de développement économique des pays les plus pauvres. Ses domaines d’activités touchent l’agriculture, l’industrie, l’architecture, l’éducation et la santé.

Parmi les très nombreuses réalisations à mettre au compte de l’AKDN, on peut citer, en ce qui concerne le volet culturel religieux et cultuel, la finalisation de la restauration des murs en terre de la mosquée Djingareyber de Tombouctou, datant du 14e siècle, en coopération avec le gouvernement du Mali, ou encore la fondation en 2014 à Toronto, au Canada, d’un musée d’art islamique, le Musée Aga Khan.

L’Aga Khan a par ailleurs créé en 1977 le Prix Aga Khan d’Architecture récompensant les projets architecturaux novateurs des sociétés musulmanes.

Depuis 1984, ce réseau comprend aussi une branche dédiée au développement économique, le Fonds Aga Khan pour le développement économique (AKFED), qui compte 36’000 salariés, 90 sociétés et génère des recettes annuelles de 4,5 milliards de dollars.

Hommages internationaux

Depuis l’annonce de son décès, les hommages de personnalités internationales se sont multipliés. «Il était un symbole de paix, de tolérance et de compassion dans notre monde troublé», a réagi sur X le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. La Nobel de la paix pakistanaise Malala Yousafzai a évoqué de son côté «son héritage (qui) se perpétuera à travers l’incroyable travail qu’il a mené en faveur de l’éducation, de la santé et du développement dans le monde». (cath.ch/lb)

L'Aga Khan IV est décédé à Lisbonne le 4 février 2025. | Photo: 2014 Wikipedia/DFID – UK Department for International Development / CC BY 2.0
5 février 2025 | 17:27
par Lucienne Bittar
Temps de lecture : env. 3  min.
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