Rome reconnaît le martyre du religieux valaisan François-Benjamin May
Le frère mariste suisse François-Benjamin May – Frère Lycarion, de son nom religieux – sera prochainement béatifié. Son martyre lors de la «Semaine tragique» de Barcelone, en juillet 1909, a été formellement reconnu.
Lors de l’audience accordée le 27 janvier 2025 au cardinal Marcello Semeraro, préfet du dicastère pour les Causes des saints, le pape François a autorisé la publication de décrets ouvrant la voie à une canonisation et à deux béatifications. Trois décrets de reconnaissances de vertus héroïques ont également été publiés.
Un décret établit la reconnaissance du martyre du serviteur de Dieu Lycarion May (François-Benjamin, de son prénom civil), frère de la Société des Frères maristes des Écoles, né à Bagnes (VS), le 21 juillet 1870, et tué en haine de la foi le 27 juillet 1909 à Barcelone, en Espagne. La reconnaissance formelle de son martyre ouvre directement la voie à sa béatification. Le seul bienheureux valaisan est à l’heure actuelle Maurice Tornay (1910-1949).
François-Benjamin May entre en 1888 au noviciat de la Société des Frères maristes de Marcellin Champagnat – aussi appelé la Société des Petits Frères de Marie – à Saint-Paul-Trois-Châteaux, dans la Drôme. Il rejoint dès l’année suivante, à seulement 19 ans, l’Espagne, où il se dédie à l’enseignement durant vingt ans. Prenant le nom de religieux de ›Frère Lycarion’, il fonde deux écoles, à Arceniega puis à Pueblo Nuevo.
Émeutes contre l’Église
Dans sa fonction de directeur de cette école, durant trois ans, au milieu d’une Catalogne tourmentée par l’agitation anarchiste, il supervise la scolarisation de nombreux enfants issus du milieu ouvrier. Mais le 26 juillet 1909, une émeute, initialement dirigée contre la convocation de réservistes envoyés à Melilla dans le contexte de la guerre du Maroc, s’étend dans toute la ville de Barcelone. Des bandes violentes, considérant l’Église catholique comme une alliée du roi Alphonse XIII, ciblent notamment les églises, couvents et écoles catholiques. Une cinquantaine d’établissements religieux et 18 lieux de culte seront la proie des flammes.
Assassiné par balles
Cette ‘Semaine tragique’ coûtera la vie à plus d’une centaine de personnes, parmi lesquelles plusieurs religieux. Dans la matinée du 27 juillet, le Frère Lycarion est invité avec ses frères à sortir en habit religieux à l’extérieur du couvent, par un émeutier qui prétend vouloir les protéger alors qu’une foule agressive s’est rassemblée devant l’établissement. Il est atteint mortellement par plusieurs balles, les autres frères parvenant toutefois à s’enfuir grâce à la protection de la Croix-Rouge. Leur établissement sera entièrement incendié.
Cet épisode de violence, relativement oublié de nos jours, a été éclipsé par la guerre d’Espagne qui dévasta l’ensemble du pays entre 1936 et 1939, et qui fit de nombreuses victimes au sein de l’Église catholique. De nombreuses béatifications liées à la guerre d’Espagne ont été célébrées dans le pays au long de ces dernières années.
Miracle reconnu pour la canonisation d’une religieuse de Vérone
Est aussi reconnu le miracle attribué à la bienheureuse Vincenza Maria Poloni (1802-1855), cofondatrice de l’Institut des Sœurs de la Miséricorde avec le prêtre allemand Charles Steeb (1773-1865). Cette religieuse qui a vécu l’essentiel de sa vie dans le dynamique environnement catholique de la ville de Vérone, alors sous domination austro-hongroise, a créé en 1848 cette congrégation dédiée à l’assistance aux pauvres, proche de la spiritualité de saint Vincent de Paul.
Décédée à 53 ans en 1855, Vincenza Maria Poloni a fait l’objet d’un procès en béatification à partir de 1990 et a été béatifiée en 2008 à Vérone. Le miracle qui lui est attribué concerne la guérison miraculeuse d’une femme chilienne, victime d’une grave lésion de l’aorte qui lui valut une lourde opération en 2013. Alors que son pronostic vital était engagé, elle s’est remise après que son neveu ait invoqué l’intercession de la religieuse italienne pour sa guérison, une maison de sa congrégation étant présente dans la ville chilienne de Quilleco. La reconnaissance de ce miracle ouvre donc la voie à sa prochaine canonisation.
La congrégation des Sœurs de la Miséricorde, dont la maison générale se trouve toujours à Vérone, s’est diffusée dans plusieurs pays d’Europe (Italie, Portugal, Albanie, Allemagne) ainsi qu’en Amérique latine et en Afrique. Elle compte actuellement environ 570 religieuses réparties en 63 communautés.
Un autre décret établit la reconnaissance du martyre des serviteurs de Dieu Pietro da Corpa et ses quatre compagnons, des religieux franciscains espagnols tués in odium Fidei (en haine de la foi) en septembre 1597 dans une localité située dans l’actuel État de Géorgie, aux États-Unis. Ils furent assassinés par des membres de la tribu amérindienne des Guales qui refusaient leur enseignement sur la monogamie: le petit-fils du chef du village, bien que baptisé catholique, refusait de renoncer à la polygamie et décida d’éliminer les missionnaires. Ces franciscains devraient donc être prochainement béatifiés.
Héroïcité des vertus reconnue pour une supérieure de congrégation, un ermite et une mystique
Sont par ailleurs reconnues les vertus héroïques de trois personnalités, qui accèdent donc au titre de «Vénérables». L’identification d’un miracle attribué à leur intercession sera nécessaire pour leur béatification éventuelle.
La religieuse britannique Maria Ricciarda Beauchamp Hambrough (Catherine de son prénom civil), née à Londres en 1887 et décédée à Rome en 1966, fut de 1958 à 1964 la première abbesse générale des brigittines après le décès de la fondatrice de cette congrégation, sainte Elisabeth Hesselblad, auprès de laquelle elle vécut à partir de 1914. Dans les années 1920 et 1930, la Britannique contribua activement à l’implantation de cette communauté en Suède, pays qui s’ouvrait lentement au retour d’une présence catholique après plusieurs siècles d’hégémonie protestante.
Le prêtre italien Quintino Sicuro, né en 1920 dans les Pouilles, au sud de l’Italie, fut un ermite au parcours très original. Résistant durant la Seconde Guerre mondiale, ce sous-brigadier de la Guardia di Finanza parvint à fuir la surveillance des nazis et des fascistes en se déguisant en prêtre, s’enfuyant en vélo. Après des fiançailles rompues puis une tentative de vie religieuse dans une communauté franciscaine, il deviendra réellement prêtre quelques années plus tard, en 1959, recevant l’ordination pour le diocèse de Cesena et Sarsina, en Emilie-Romagne.
En l’ordonnant prêtre bien qu’il n’ait jamais eu de charge de paroisse, l’évêque de Cesena donna ainsi un cadre canonique à son activité d’ermite vécue dans les Apennins dès 1949, dans des conditions de dépouillement absolu, dormant sur la pierre et se nourrissant d’herbes. Ce religieux atypique est mort le 26 décembre 1968, foudroyé par un infarctus sur le sentier du mont Fumaiolo de Verghereto, indique le dicastère pour les Causes des saints.
Autre Italienne, Luigia Sinapi (1916-1978), fut une mystique et voyante connue pour avoir vécu des apparitions de la Vierge Marie, de Jésus, mais aussi de figures spirituelles comme saint François d’Assise et saint Philippe Néri. Cette femme qui avait guéri miraculeusement d’une tumeur en 1935 fut très proche de Padre Pio mais aussi de Pie XII, l’assurant notamment du soutien de la Vierge Marie lors de la proclamation du dogme de l’Assomption en 1950. Elle mena par ailleurs une vie ordinaire et discrète, travaillant notamment comme caissière et comme fonctionnaire au sein de l’Institut national de la Statistique. (cath.ch/imedia/cv/rz)