Jean-Marie Le Pen et l’Église: une relation à couteaux tirés
L’homme politique français Jean-Marie Le Pen, décédé le 7 janvier 2025, se considérait comme un catholique, tout en entretenant de mauvais rapports avec l’Église. Le fondateur du Front National (FN) était proche d’un catholicisme traditionaliste et identitaire.
«L’Église catholique est le ventre mou de notre pays», déclarait Jean-Marie Le Pen en 2002. La saillie faisait suite à l’occupation de la basilique Saint-Denis, à Paris, par des sans-papiers.
Elle illustre bien la piètre image que le politicien d’extrême droite portait à l’institution ecclésiale. Dans bien d’autres occasions, il s’était attaqué aux évêques français et aux «curés socialistes». L’homme était pourtant marqué par l’éducation catholique reçue dans sa Bretagne natale. Il était attaché, en tout cas dans la seconde partie de sa vie, à la pratique religieuse. «C’était un personnage capable de chanter le Dies irae aux obsèques de ses anciens camarades de combat sans rater une virgule, au premier rang de l’église», assure au journal La Croix l’abbé Philippe Laguérie, ancien curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, proche de Jean-Marie Le Pen.
Le fondateur du FN s’était marié religieusement avec sa seconde compagne Jany, durant une célébration présidée par l’abbé Laguérie, qui lui a également donné le sacrement des malades avant son décès.
Un Dieu identitaire
Certains ont cependant estimé que sa foi affichée n’était rien d’autre qu’une posture politique. Car avant 1984, le président du FN ne s’était jamais soucié de religion, rappelle le journal La Vie. «Il flirtait avec la nouvelle droite, courant de pensée de tendance nationale européenne, né à la fin des années 1960. Indissociable du Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (Grece), la nouvelle droite s’assumait en rupture nette avec la tradition catholique.»
«Il met Dieu au service de thèses identitaires, ce qui est l’une des raisons du conflit qui l’oppose à l’épiscopat», souligne dans La Vie Charles Mercier, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Bordeaux. En 1985, Albert Decourtray, alors primat des Gaules, dénonçait également avec virulence la récupération du message évangélique par Jean-Marie Le Pen. Ce dernier définissait notamment «le prochain», que Jésus exhorte à aimer, d’abord comme «ma femme et mes enfants, puis mes cousins, puis les habitants de mon village». Pour le politicien, être chrétien signifiait se montrer patriote en premier lieu.
Une dent contre Vatican II
Mgr Olivier de Berranger, évêque de Saint-Denis de 1996 à 2009, a été jusqu’à déclarer publiquement: «On ne peut être catholique clairvoyant et voter Jean-Marie Le Pen.»
Ce dernier était surtout réfractaire à l’Église post-conciliaire, qu’il considérait comme foncièrement gauchiste. Il se rapprochera donc naturellement de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), rejetant le Concile Vatican II, séparée de Rome en 1988. La messe célébrée par Paul Aulagnier, un curé proche de Mgr Lefebvre était devenue ainsi traditionnelle dès le début des années 1980 lors des rencontres annuelles des militants du FN.
Dans ses mémoires, Jean-Marie Le Pen écrit que l’Église «qui a dérivé vers Vatican II» a commis deux fautes: s’être alignée une nouvelle fois «sur les puissants», selon lui «les syndicats, les partis de gauche, le prolétariat». La deuxième faute, selon lui «la plus grave», ayant été «de renoncer largement au sacré». (cath.ch/lavie/lacroix/arch/rz)